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Commission des affaires économiques

Séance du 14 novembre 2007 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • distribution
  • libération
  • logement
  • surface

La séance

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Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a entendu M. Jacques Attali, président de la Commission pour la libération de la croissance française.

Le président Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, accueille M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française. La France est confrontée à des choix stratégiques pour promouvoir son développement économique et des réformes sont urgentes. Mais certaines des propositions contenues dans le rapport d'étape ont surpris et suscité des polémiques.

Beaucoup de questions se posent, parmi lesquelles :

– pourquoi M. Attali a-t-il jugé que le projet de loi « concurrence au service des consommateurs » manquait d'ambition ?

– quelles mesures seraient-elles de nature à renforcer les autorités de régulation de la concurrence ?

– comment l'emploi des seniors pourrait-il être favorisé ?

– comment concilier les impératifs de l'aménagement du territoire et de la croissance ?

PermalienJacques Attali

se dit très honoré d'être auditionné par la commission des affaires économiques et prêt à revenir aussi souvent qu'il sera nécessaire, les premières propositions rendues publiques ne constituant qu'une minuscule partie de ce que la commission pour la libération de la croissance française entend soumettre au débat.

Cette commission a été installée fin août et doit rendre son rapport dans le courant de la première semaine de janvier 2008. Sa lettre de mandat couvre un champ extrêmement vaste. Elle est composée d'économistes, de chefs d'entreprise, de syndicalistes et de personnalités étrangères. Elle se réunit chaque semaine, ou chaque décade, en séance plénière et tous les jours en formation restreinte. Elle a déjà procédé à 450 auditions.

Le rapport final comportera des chapitres sur la capacité de travail du pays, la compétitivité, la réforme de l'État, les grands projets à lancer, les relations internationales, les qualités de la croissance et évidemment le pouvoir d'achat.

Si la commission a commencé par publier la partie consacrée à ce dernier thème, c'est sur la demande du Président de la République et du Premier ministre, qui souhaitent prendre des mesures en la matière au cours de l'automne. Trois domaines sont à traiter en priorité pour relancer le pouvoir d'achat : la distribution, le logement et les autorités de la concurrence. Pour le reste, les conclusions de la commission ne seront rendues publiques qu'à la fin du processus.

La situation française est fort inquiétante, pour trois raisons.

Premièrement, depuis dix ans, pendant que les autres pays, sous des gouvernements de droite comme de gauche, menaient de multiples réformes courageuses et de bon sens, dans des domaines comme l'organisation de l'État, la justice sociale ou la compétitivité, la France dormait. C'est fascinant et tragique. La France est sans doute le pays le plus en retard et a perdu l'habitude de réformer.

Deuxièmement, l'euro rend imperceptible la gravité de la situation française. Sans l'euro, la République traverserait l'une des crises financières les plus graves de son histoire, beaucoup plus profonde que celle de mars 1983. Avec l'euro, on ne voit pas que la France recule sur tous les terrains : la compétitivité des entreprises françaises baisse, elles perdent des parts de marché, le déficit extérieur de la France se creuse, sa capacité d'innovation est en berne, elle ne dépose pas suffisamment de brevets. Grâce à l'euro et aux efforts des autres pays européens, les taux d'intérêt sont bas et l'euro est fort, ce qui permet à la France de payer ses dettes et de ne pas ressentir l'alourdissement de la facture pétrolière. C'est uniquement pour cette raison que la France peut demander : « Encore un instant, monsieur le bourreau ! »

Troisièmement, la commission pour la libération de la croissance française a découvert avec stupéfaction que la France est une véritable société de connivence, où tout le monde s'accorde pour ne rien faire ; tout le monde s'accorde pour maintenir, par exemple, les avantages des professions réglementées et la superposition des instances décentralisées.

Il ne faut surtout pas opposer la croissance à la qualité de la vie, à l'aménagement du territoire et à l'environnement.

La France possède un atout intrinsèque considérable : son territoire. C'est un atout touristique, un atout pour l'investissement, un atout pour attirer les étrangers et la recherche. L'aménagement du territoire n'est donc pas un adversaire de la France mais l'une de ses dimensions.

De même, l'environnement est l'un des principaux facteurs de croissance. Il n'y a que deux façons de régler les problèmes d'environnement : produire moins ou produire autrement en introduisant le progrès technique. Seule l'application des mesures que proposera la commission pour la libération de la croissance française rendra possibles les réformes prévues par le Grenelle de l'environnement.

Par ailleurs, il n'y a pas de liberté sans justice. La justice sociale est la condition de la liberté individuelle. La dérégulation n'est possible que si la sécurité est renforcée. C'est pourquoi la commission a mis ces deux notions en avant dans ses propositions sur le logement et la distribution.

Les médias n'ont retenu qu'une partie de ses conclusions sur la distribution. Deux points méritent d'être explicités : les conditions de la concurrence et la loi « la concurrence au service des consommateurs ».

La France est le seul pays d'Europe, hormis le Luxembourg, à ne pas disposer d'une autorité de concurrence ayant compétence pleine et entière sur l'évaluation de l'existence des situations de monopole. Cette prérogative est aujourd'hui partagée entre, d'une part, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes , la DGCCRF, du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, et, d'autre part, le Conseil de la concurrence. Cette situation coûte souvent très cher à la France car Bruxelles ne lui renvoie jamais le soin de prendre une décision. Donner la totalité du pouvoir d'examen et d'avis à une autorité de la concurrence unique permettrait à cette dernière d'oeuvrer sans autre préoccupation que le respect de la concurrence. Le Gouvernement aurait cependant la possibilité de passer outre en fonction de considérations sociales, d'aménagement du territoire, d'environnement ou de politique industrielle.

Une nouvelle législation d'ensemble sur la distribution est indispensable ; elle pourra être élaborée en un ou deux temps. Les lois Galland et Raffarin sont objectivement devenues inutiles et même nuisibles à l'emploi, au pouvoir d'achat et à la croissance. En outre, elles ne protègent nullement le petit commerce et les petits fournisseurs.

D'abord, lorsqu'une grande surface a obtenu son autorisation d'installation, elle noue des alliances afin d'empêcher l'arrivée de concurrents dans la région. Ensuite, elle fixe les prix comme elle l'entend et les petits commerces s'en trouvent pénalisés. Le conseil de la concurrence est tellement faible qu'il n'y peut rien. Pour créer une concurrence entre grandes surfaces, il faut instaurer la liberté d'installation.

Ensuite, le seuil de revente à perte, censé constituer une protection, est en réalité un seuil de connivence entre le producteur et le distributeur : ils se mettent d'accord pour déterminer un prix plancher le plus élevé possible sans que la DGCCRF puisse vérifier et ils partagent les marges éventuelles. Il sera impossible de supprimer les marges arrière si le seuil de revente à perte subsiste. Ce dernier, loin de favoriser les petits commerces et les petits fournisseurs, contribue à créer une société de rente – c'est-à-dire décadente –, au détriment de la société de profit, de l'innovation et de la concurrence. Le consommateur n'en retire aucun avantage puisque les gains sont partagés par le producteur et le distributeur.

Le président Patrick Ollier s'associe dans une large mesure aux analyses de M. Attali : la France a incontestablement manqué à plusieurs reprises le train de la réforme, sous la droite comme sous la gauche.

Il n'est effectivement pas question d'opposer, sur le fond, aménagement du territoire et croissance. Le rôle de l'État est important, notamment lorsqu'il s'agit de rendre complémentaires ces deux objectifs. L'enjeu consiste à déterminer quelle doit être sa place. Certains veulent le voir disparaître, d'autres le rendre omniprésent.

Le système du seuil de revente à perte a indéniablement eu des effets pervers imprévus.

En revanche, la loi Raffarin tendait bien à défendre le commerce de proximité dans les zones rurales et en centre-ville. L'extension du droit de préemption aux locaux relevant d'un bail commercial – mesure encore inappliquée parce que le Gouvernement n'a toujours pas publié le décret d'application – empêcherait une libéralisation totale de l'installation des grandes et moyennes surfaces, qui détruirait le tissu humain et social des centres-villes et des villages.

La concurrence est de nature à régler certains problèmes mais il importe aussi de protéger les commerces de proximité. À Rueil-Malmaison, un projet d'implantation de grande surface en centre-ville est pratiquement abandonné ; s'il était parvenu à son terme, la ville aurait changé de nature. Il ne faut pas être doctrinaire, mais trouver un équilibre qui ne bloque pas les leviers de la croissance.

PermalienJacques Attali

témoigne de son hostilité envers un système où les hôteliers en place sont majoritaires dans une instance qui a le pouvoir de s'opposer à la création d'un nouvel établissement de plus de trente chambres. Et cela vaut aussi pour les grandes surfaces et les cinémas.

Cela ne signifie pas qu'il faut laisser tomber les petits commerçants, bien au contraire. Pour commencer, il faut conférer une valeur obligatoire au schéma d'urbanisme, défini par les autorités démocratiquement élues, lesquelles inspirent davantage confiance que certaines commissions à la composition problématique… Si le schéma d'urbanisme interdit la construction d'une grande surface à tel endroit, le problème est réglé.

Pour protéger les petits commerces et les petits fournisseurs, plusieurs mesures basiques s'imposent : obliger les grandes surfaces à payer les petits fournisseurs à moins de trente jours ; dégager beaucoup plus de moyens pour inciter les petits fournisseurs à se regrouper au sein d'organisations économiques de producteurs ; veiller à ce que l'intégralité des crédits du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, soient effectivement mis à la disposition du petit commerce.

Le président Patrick Ollier regrette que la presse ait interprété les propositions de la commission pour la libération de la croissance française comme des oukases.

PermalienPhoto de Jean-Paul Charié

constate une spécificité française : les pratiques condamnables qui ont cours parmi les enseignes de distribution, concernant notamment les délais de paiement, les marges arrière, les pénalités et les centrales d'achat, n'existent pas en Allemagne, pour des raisons éthiques. Tous les producteurs et les fournisseurs gagneraient à un changement de système, même radical.

Les centrales d'achat, c'est le contraire de la concurrence, car les distributeurs s'entendent entre eux.

Quand à certains gros fournisseurs, ils font tout pour exclure leurs concurrents des rayons en acceptant de passer outre les conditions générales de vente.

La grande distribution génère trois fois moins d'emploi que le petit commerce ; demain, il n'y aura même plus de caissières. Défendre la grande distribution, ce n'est donc pas défendre l'emploi.

La loi Galland ne peut être incriminée puisqu'elle s'applique à tous les secteurs d'activité. Or, pour les industriels et les marques de distributeurs, elle n'a pas eu d'effets pervers.

Le groupe UMP est disposé à examiner des mesures radicales, à une condition : que les grands distributeurs se montrent enfin vertueux et respectent les lois de la République, afin que la loi du marché se substitue à la loi du plus fort.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

admet que l'euro protège la France contre la hausse du pétrole, même s'il pose des problèmes en matière d'exportations et aussi de risque de change, car la valeur du dollar peut baisser entre la commande et la livraison d'un Airbus.

Il convient effectivement de ne pas opposer la croissance à la qualité de la vie ou à l'environnement.

La liberté est certes indissociable de la justice sociale, mais les règles concurrentielles doivent être assorties de règles sociales. Si les maraîchers allemands taillent des croupières à leurs concurrents alsaciens, c'est qu'ils font appel à des sociétés de services tchèques et surtout polonaises qui leur fournissent une main-d'oeuvre très bon marché.

La FNSEA, il y a seulement quelques années, a été condamnée à une grosse amende pour avoir organisé le regroupement des petits fournisseurs de viande bovine. Les propositions de la commission ne doivent pas se limiter à des pétitions de principe.

Le législateur a toujours été animé par la volonté de changer les choses, mais le contournement de la loi est un sport très pratiqué en France. Sur les marges arrière et le seuil de revente à perte, M. Attali fait penser aux nouveaux convertis, qui sont souvent les plus grands zélateurs.

Sans seuil de revente à perte, une grande surface multiproduits pourrait facilement tuer le magasin d'articles de sport voisin, car elle pourrait baisser de 70 % le prix des cinq cents produits phares de ce dernier ; la disparition de tous les commerces spécialisés, petits ou grands, serait néfaste pour la concurrence.

Les délais de paiement constituent une véritable rente financière pour les grandes surfaces. Sur ce point, il faut modifier la législation. Les grandes surfaces paient les légumes qu'elles achètent à trente jours fin de mois, ce qui peut aller jusqu'à cinquante-neuf jours. Pire, il arrive encore qu'elles exigent que la facture du producteur soit éditée un mois après la fourniture des denrées. Dans un contexte où le coût de l'argent renchérit, ces manoeuvres se font sur le dos des consommateurs et des producteurs.

« Tout ce qui brille n'est pas d'or », dit le proverbe. Il ne faudrait pas se faire manipuler par quelques beaux parleurs.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

est agréablement surpris par la brutalité du diagnostic de M. Attali, qui est de nature à stimuler les parlementaires pour qu'ils retrouvent leur liberté de parole.

La sensibilité centriste porte depuis longtemps cette idée de libéralisme régulé.

Puisque la représentation nationale légiférera vraisemblablement en deux temps, elle se montrera ambitieuse, le message est reçu cinq sur cinq.

Qui a vocation à jouer le rôle de régulateur ? Le régulateur doit-il être national ou européen ? Dans certains secteurs, notamment celui des télécommunications, la question d'un régulateur européen se pose déjà.

La régulation doit-elle être transversale ou sectorielle ? Il existe déjà une autorité de régulation des télécommunications, l'ART, et une commission de régulation de l'énergie, la CRE. Faut-il les renforcer ou les démonter au profit d'un régulateur national fort ?

La régulation de la taille et de la nature de projets, sur les territoires, passe par une réforme très profonde des commissions départementales d'équipement commercial, les CDEC, ces machines à créer de la connivence et à dire oui lentement. Un schéma d'urbanisme est un zonage, inopérant pour bloquer un projet de 30 000 mètres carrés.

PermalienPhoto de Christian Jacob

doute que la commission pour la libération de la croissance française puisse faire passer la société française de l'ombre à la lumière.

Le mode de fixation du seuil de revente à perte est mauvais mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. La suppression de tout système de protection conforterait la distribution et conduirait à la constitution de monopoles ou de duopoles. Respecter le consommateur, c'est d'abord protéger l'acte de production, et cela passe par un renforcement des moyens de contrôle.

La politique d'aménagement du territoire française n'a pas si mal réussi et la structuration commerciale est plutôt meilleure en France que chez certains de ses voisins. Le fonctionnement des CDEC peut certes être révisé mais il faut des règles, sans quoi les collectivités locales devront intervenir et acheter elles-mêmes les terrains. Collectiviser les sols pour maîtriser l'organisation du commerce serait le pire des non-sens.

PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

estime que certains grands distributeurs sont en situation de monopole. Avant d'instaurer une vraie autorité de régulation de la concurrence, ne conviendrait-il pas de supprimer la fausse coopération commerciale et de travailler sur les délais de paiement ?

Les prix prédateurs, promotionnels, génèrent 140 milliards rien que sur l'alimentaire. La grande distribution a engrangé seule les gains de productivité accumulés depuis dix ans, sur le dos des consommateurs. L'État doit-il intervenir en cas de baisse excessive des prix ?

L'innovation est un sujet majeur. Les règles communautaires sur la chasse aux monopoles et l'établissement d'une fausse égalité entre pays européens ne sont-elles pas pénalisantes pour l'Union tout entière ? Si l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII, est en train de fermer, c'est parce que Bruxelles s'est opposé à son financement.

La rénovation du patrimoine de logements ne devrait-elle pas être obligatoire ? Et comment la financer ?

PermalienPhoto de Serge Poignant

insiste sur la nécessité de faire sauter des verrous et de dépasser des contraintes pour aller au bout de la volonté de réforme.

L'agglomération nantaise compte de nombreuses grandes surfaces et pas une seule enseigne. Celui qui exploite 5 000 mètres carrés en demande 8 000 et celui qui en exploite 8 000 en demande 10 000 : tout le petit commerce disparaît, dans les quartiers comme dans les bourgs et les petites villes. Faut-il supprimer les CDEC ? L'outil de l'urbanisme paraît insuffisant pour enrayer le phénomène. Attention, la concurrence risque de détruire plus d'emplois qu'elle n'en créera.

PermalienPhoto de Annick Le Loch

juge contradictoire le système de zonage qui consisterait à donner toute liberté d'installation à la grande distribution et à décréter par endroits l'implantation de petits commerces. Des précisions peuvent-elles être données à propos du schéma d'urbanisme ?

PermalienPhoto de Michel Raison

désapprouve un démantèlement éventuel du système en vigueur. Pourquoi décréter que le renforcement de la concurrence dans le secteur de la distribution est la seule solution ? Quand on a mal au pied à cause d'un caillou dans sa chaussure, mieux vaut ôter le caillou que prendre un cachet d'aspirine. Les Allemands fabriquent leur croissance par les exportations, les Français par la consommation interne. Le vrai problème, c'est la compétitivité des entreprises. Vu le contexte français, aucune loi ne fera baisser les prix significativement. Les charges sont certes élevées en France, mais les soins et la protection sociale y sont meilleurs, et cela coûte cher.

PermalienPhoto de François Brottes

craint que l'absence de sérénité actuelle ne soit guère propice au déblocage de la société ni à la relance la croissance. Il est contradictoire de préconiser, comme le fait le Président de la République, à la fois la mobilité et l'accès à la propriété. Est-il pertinent d'insuffler de la précarité à tous les étages pour faire avancer la société ? La sérénité est-elle l'ennemie du progrès ?

Les autorités indépendantes existantes s'intéressent assez peu à la défense du consommateur. En outre, lorsqu'un marché arrive à maturité et s'autorégule, les directives prévoient la disparition de son autorité de contrôle. Qu'en pense M. Attali ? L'évolution d'un marché peut amener à la concentration puis à la constitution d'un monopole privé. Enfin, lorsque les opérateurs privés en ont assez d'abonder le fonds de compensation destiné à financer un service universel, l'autorité de régulation le supprime, se détourne progressivement de l'intérêt général et laisse augmenter les tarifs, avec un État totalement schizophrène.

En sa qualité de chef d'entreprise, M. Lionel Tardy félicite M. Attali pour son propos introductif.

Quelle est la place des PME dans les réflexions de la commission pour la libération de la croissance française ?

Des actions de groupe pourront-elles être conduites contre des PME ? Un seuil est nécessaire pour éviter l'asphyxie juridique.

Des dispositions sont-elles prévues en matière de charges ? Le vrai levier pour améliorer le pouvoir d'achat, c'est la réduction des charges.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

confirme que la France recule sur tous les terrains, au moins depuis quatre ou cinq ans ; des indicateurs européens objectifs le montrent. Les coûts de production sont équivalents en France et en Allemagne ; la différence entre les deux pays est due aux écarts de performance entre leurs entreprises.

Par ailleurs, les grands donneurs d'ordres allemands, notamment les centrales d'achat, font preuve d'un remarquable patriotisme économique : ils acceptent de surpayer légèrement leurs fournisseurs. La France ne risque-t-elle pas d'entrer dans une spirale déflationniste, source d'importations supplémentaires ?

Le maire de Lyon, président du Grand Lyon, avait refusé l'extension d'une grande surface suédoise, mais celle-ci va s'installer sur le territoire d'une communauté de communes. Les efforts d'un élu sont donc réduits à néant. L'aménagement doit être pensé sur des zones géographiques étendues.

PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

note que le débat est déjà lancé au niveau national, alors que la commission pour la libération de la croissance française n'a pas encore rendu ses conclusions.

L'économie de marché implique la libre concurrence et l'encadrement de cette dernière. Il faut se diriger vers l'« hyperconcurrence » afin de créer une « hyperoffre ». À cet effet, la production doit être préservée et soutenue, par l'intermédiaire d'organismes de régulation.

Les organisations des filières de production agricoles sont démontées une à une. Ne conviendrait-il pas de faire marche arrière et de les renforcer ?

Le consommateur s'attache aux prix bas mais aussi au rapport qualitéprix. Dès lors, ne faut-il pas accroître l'information en créant un organisme national chargé de rendre publics l'origine des différents produits, les techniques employées pour leur fabrication et le prix de leurs intrants ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

souligne que le commerce de proximité prend une dimension particulière dans les zones peu peuplées. Comment éviter leur disparition et la désertification qui en résulte ?

Il serait inquiétant que les installations de grandes surfaces soient laissées à la seule appréciation des délivreurs de permis de construire. Les CDEC, composées de consommateurs, de consulaires et bien sûr d'élus, contribuent à l'aménagement du territoire.

Quelle est la position de M. Attali sur l'ouverture des commerces le dimanche ?

La question du logement est prioritaire. L'accession à la propriété ne doit pas faire oublier le logement locatif, enjeu important surtout en zone rurale.

PermalienPhoto de Laure de La Raudière

considère que la grande distribution n'est pas forcément le secteur qui recèle le plus de potentiel de croissance.

Comment faciliter l'accession au logement, qui représente une part croissante dans le budget des ménages ?

En France, le coût du travail est cher et le taux de chômage reste relativement élevé. Quelles sont les pistes de réflexion explorées par la commission pour la libération de la croissance française dans le domaine du travail ?

PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

souligne que les centres-villes et les agglomérations se couvrent peu à peu d'enseignes tandis que le commerce de proximité disparaît. Quelles mesures peut-on prendre contre ce phénomène, qui a des conséquences économiques mais aussi culturelles, dans la mesure où il véhicule une certaine standardisation ?

La CDEC permet aux acteurs de se rencontrer et de faire de l'aménagement du territoire mais son action est totalement fausée : quand elle émet un refus, elle est reniée par la commission nationale de l'équipement commercial, la CNEC, dans 90 % des cas, en tout cas s'agissant de l'Isère.

Le FISAC procède d'une excellente initiative, mais ses fonds sont malheureusement un peu tronqués et son temps de réponse est trop long.

Les PME-PMI sont de plus en plus opposées aux grands groupes, alors qu'il serait tellement plus efficace de les relier, comme en Allemagne, et de mettre l'ensemble en réseau avec les instituts de recherche. Du reste, l'abandon de programmes stratégiques comme l'AII va se retourner contre les PME-PMI.

Sous peine d'être un peu artificielles, les « écopolis » devraient être focalisées sur les villes actuelles, qui concentrent 80 % de la population.

PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

signale que rien n'empêche les acheteurs, les assureurs ou les banquiers de se regrouper mais que les producteurs et les fabricants, eux, n'ont pas même le droit de se rencontrer pour s'entendre sur les prix et s'autoréguler. Dans ces conditions, les distributeurs auront toujours le dernier mot.

Le consommateur citoyen qui naîtra du Grenelle de l'environnement devra accepter de payer un peu plus cher certains produits.

La baisse de la consommation entraîne souvent la création de nouvelles taxes pour aider les entreprises en difficulté. De surcroît, les coups de pouce au pouvoir d'achat favorisent les importations.

PermalienPhoto de Alain Gest

relève l'idée des « écopolis ». Les villes nouvelles construites une trentaine d'années n'ont pas nécessairement laissé un bon souvenir. En quoi ces « écopolis » favoriseraient-elles la croissance, très concrètement ?

Le président Patrick Ollier explique que la liberté excessive risque de tuer le plus faible. Changer les dispositifs de l'organisation commerciale requiert une réforme globale.

Les propositions de la commission pour la libération de la croissance française ne risquent-elles pas d'avoir pour seul effet de déplacer la connivence et la complicité ?

Il est injustifié de faire passer les cinémas et les hôtels en CDEC. En revanche, pour le commerce, leur action contribue à l'aménagement du territoire. Les propositions de la commission permettront-elles de freiner la poussée des discounters ? Une théorie apparemment cohérente peut ne pas résister aux réalités du terrain.

La commission des affaires économiques espère que ses remarques seront prises en compte et sera très heureuse de recevoir à nouveau M. Attali avant la conclusion de son rapport.

PermalienJacques Attali

accepte avec plaisir de revenir devant la commission des affaires économiques afin de débattre de la faisabilité et de la gouvernance de la réforme. Le plus difficile n'est pas de formuler des propositions mais de les appliquer. Il ne s'agit pas de servir tout le monde, comme quand on élabore un programme électoral, mais de servir la France.

Les propositions de la commission pour la libération de la croissance française n'ont de sens que prises globalement. Les médias n'ont retenu que les points qui semblaient favorables aux grandes surfaces alors que ce premier rapport constitue un réquisitoire à leur encontre : il contient des idées pour soutenir le petit commerce, il décrit le système de rente, il critique la faiblesse du Conseil de la concurrence. La réforme ne saurait se limiter à des dispositions parcellaires comme la suppression des lois Raffarin et Galland, contre lesquelles un véritable réquisitoire a été dressé ce matin. Il convient aussi de renforcer l'autorité de la concurrence, qui doit être en mesure de casser les grandes surfaces, d'imposer la transparence et la sécurité.

La cohérence va plus loin encore : la concurrence entre établissements publics de coopération intercommunale renvoie à la réforme de l'État. Si l'échelon départemental laissait la place à des communes plus puissantes et mieux intégrées dans des regroupements, avec un renforcement de la région, le système serait plus cohérent.

Le mécanisme de revente à perte n'a de sens que parce que presque personne n'est capable de définir ce qu'est un prix prédateur. Il faut qu'une autorité libre et transparente détermine le niveau à ne pas franchir. La France est le seul pays européen où le seuil de revente à perte est défini par ceux qui ont intérêt à ce qu'il soit le plus élevé possible ! C'est un frein à l'innovation, au commerce et au développement des petites et moyennes entreprises.

Dans le secteur du numérique, onze autorités de régulation cohabitent en s'efforçant de s'emparer du territoire des voisines afin de justifier leur existence. Avant de créer une autorité nationale unique transversale, il faudrait au moins unifier celles qui existent dans chaque secteur, ou tout au moins réduire leur nombre.

Ces premières propositions de la commission pour la libération de la croissance française ne couvrent qu'une toute petite partie du problème. Elle en formulera d'autres à propos du marché du travail, des charges, de la durée du travail, du travail du dimanche, de la compétitivité, des exportations, des relations entre les PME, la recherche et l'université. Il faut réduire le déficit, la dette et les dépenses publiques ; il serait donc malvenu de proposer de dépenses nouvelles, sauf dans le domaine de l'enseignement supérieur, qui vit une tragédie.

Sur la problématique du logement, la commission pour la libération de la croissance française préconise davantage de transparence mais aussi d'intervention publique. Le nombre de logements construits augmente mais les attributions de logements sociaux ne sont pas assez transparentes. La gouvernance des organismes d'HLM doit être étudiée en détail. Il convient de créer une bourse Internet du logement social. Lorsque la loi solidarité et renouvellement urbains, loi dite SRU, n'est pas appliquée, l'État doit se mettre en situation de récupérer des terrains.

La propriété n'est pas incompatible avec la mobilité. Tout dépend du marché hypothécaire et du coût des transactions immobilières, qui sont beaucoup plus élevées en France qu'à l'étranger – cette question renvoie à celle des professions réglementées.

Partout dans le monde, on constate une mutation des technologies du logement, dans les domaines de l'écologie et de la numérisation. Des villes pilotes sont sélectionnées aux États-Unis, en Corée du Sud ou en Angleterre. Les villes nouvelles ne se sont pas soldées par un échec, même si les premières ont été moins réussies que les suivantes. Les « écopolis » seraient des ensembles de 50 000 habitants, financés sur fonds privés et relevant du statut d'organisation d'intérêt national. Sans doute faudrait-il rendre éligibles des villes nouvelles et des quartiers préexistants.

La France a besoin de grands projets et de grands chantiers ; elle ne peut rester recroquevillée sur une position défensive. L'idée des « écopolis » est maintenant soumise à l'imagination collective. Un pays ne peut pas être grand sans port : il ne faut pas laisser Le Havre et Marseille reculer. Il est crucial que la France se donne les moyens de constituer dix grands campus universitaires de taille mondiale regroupant plusieurs universités, sur le modèle de ceux existant en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Paris doit absolument demeurer une place financière de taille mondiale.

Le président Patrick Ollier salue ces grands projets d'avenir, qui séduisent beaucoup la commission des affaires économiques.

Une grande partie de la matinée du mercredi 19 décembre sera consacrée à une seconde audition, à laquelle l'ensemble des députés seront conviés, quelle que soit la commission permanente à laquelle ils appartiennent.