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Commission des affaires économiques

Séance du 11 juillet 2007 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La commission a entendu M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur le rapport d'activité de la CRE.

Le Président Patrick Ollier se félicite de la venue de M. de Ladoucette devant la commission à l'occasion de la présentation au Parlement du rapport annuel d'activité de la CRE.

De nouvelles missions lui ont été confiées par le législateur en décembre dernier, après le vote de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, et il est intéressant de connaître les répercussions de celle-ci sur le travail de la CRE.

Un bilan des premiers jours d'ouverture du marché de l'énergie pour les particuliers est également attendu. La CRE a mené un véritable effort de pédagogie à destination des ménages. Quelles observations peut-elle faire sur la situation des entreprises ?

Avec les autres régulateurs européens, elle a beaucoup travaillé à l'analyse de la panne du 4 novembre 2006 et recommandé une harmonisation plus poussée des règles de fonctionnement des gestionnaires de réseau, ainsi qu'une coopération approfondie sur la prévision des flux et l'information sur leur évolution réelle. Quelles perspectives voit-on se dessiner à ce sujet ?

Il est un sujet qui inquiète beaucoup en France et qui a fait l'objet de débats houleux, à savoir l'éventualité de la séparation patrimoniale des activités concurrentielles et des activités réglementées. Plusieurs solutions alternatives existent pour garantir un égal accès aux réseaux. Quelle contribution la CRE peut-elle apporter à ce débat ?

Enfin, la CRE veille au bon fonctionnement et au développement des réseaux et infrastructures d'électricité et de gaz naturel liquéfié. Les investissements dans la production et les réseaux, notamment les interconnexions, lui paraissent-ils fixés au niveau nécessaire dans les prochaines années ? Le gaz naturel liquéfié apparaît au Président Ollier une opportunité exceptionnelle pour l'avenir. Ce point de vue est-il partagé ?

PermalienPhilippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie

remercie le Président Ollier d'avoir accepté de l'entendre à l'occasion de la présentation au Parlement du rapport annuel d'activité de la CRE – c'est une première – et se déclare très sensible au fait que la commission des affaires économiques ait pu le recevoir dans des délais aussi rapides compte tenu de la charge de travail du Parlement.

Il se déclare très modeste devant l'assemblée d'experts en matière énergétique qu'il a devant lui et rend hommage, pour l'effort de pédagogie menée en direction des consommateurs résidentiels, à M. Jean-Claude Lenoir qui, outre ses fonctions de député, exerce celles de médiateur national de l'énergie.

Avant de faire une présentation du rapport d'activité 2007 de la CRE, il indique que chacune des deux parties de celui-ci – activités européennes, activités nationales – est précédée d'une synthèse de cinq à huit pages, afin d'en améliorer la lisibilité.

Autorité administrative indépendante créée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la CRE comporte un effectif de 125 personnes. Elle est composée d'un collège de neuf commissaires – puisque la loi a ajouté deux commissaires aux sept existants – qui sont des représentants des consommateurs individuels et des gros consommateurs. Ce collège s'appuie sur l'expertise des services de la CRE, répartis en cinq directions.

Dans le contexte de l'ouverture à la concurrence engagée par l'Union européenne depuis près d'une décennie, le bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel, dont la CRE a la charge, implique non seulement une adaptation de la part des acteurs des marchés, mais également une régulation forte et efficace. C'est dans cette perspective que la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a renforcé les compétences de la CRE.

La commission dispose désormais d'une compétence propre en matière de surveillance des marchés de gros, organisés ou non. Des mécanismes de formation des prix plus efficaces et plus transparents sont nécessaires pour que les consommateurs profitent de tous les avantages de l'ouverture du marché. La mission de surveillance que la loi du 7 décembre 2006 a confiée à la CRE lui permettra de vérifier que la formation des prix de gros résulte bien du jeu de la concurrence. Il s'agira, par l'analyse des prix et des décisions des acteurs, de détecter tout comportement anormal et pouvant révéler une manipulation de marché. Le cas échéant, la CRE saisira le Conseil de la concurrence. Cette surveillance sera opérationnelle après l'été. Ce délai est nécessaire, à la fois pour mettre en place les outils permettant cette surveillance, pour étudier la manière dont opèrent certains régulateurs étrangers et voir comment cela se passe dans les salles d'optimisation du marché.

Par ailleurs, la loi a aligné la plupart des pouvoirs de la CRE dans le secteur du gaz sur ceux qu'elle détenait déjà dans le secteur de l'électricité. C'est, en particulier, le cas pour l'approbation du programme d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel, compétence dont la CRE disposait déjà pour le Réseau de Transport d'électricité (RTE). La mise en oeuvre de cette mission est engagée. La CRE travaille actuellement sur les projets d'investissement pour 2008 des gestionnaires de réseaux de transport de gaz, GRT Gaz – 31 000 kilomètres de canalisations – filiale de Gaz de France, et TIGF – 6 000 kilomètres de canalisations –, filiale de Total.

Dans son rapport d'activité 2007, la CRE a tenu à mettre l'accent sur la dimension européenne qui représente la moitié de l'activité de ses services et sous-tend bon nombre de ses actions. L'activité de la commission est à la fois constituée des réunions du collège (deux cents au cours des douze derniers mois) et des travaux menés par les services. Ceux-ci sont très impliqués dans les groupes de travail qui se réunissent au niveau des régulateurs européens et, le cas échéant, de la Commission européenne : groupes concernant les initiatives régionales gaz et électricité, groupe de travail sur les droits et la protection des consommateurs européens dans le cadre de l'ouverture des marchés et dont la CRE assure la direction, groupe de travail concernant l'élaboration des codes de bonne conduite pour les nouveaux terminaux méthaniers, groupe de travail qui vient d'être mis en place au sein des régulateurs européens sur la sécurité d'approvisionnement en électricité et que la CRE préside avec son homologue autrichien.

Le président de la CRE fait également partie du Council of European Energy Regulators (CEER), l'organe de coordination des vingt-sept régulateurs des pays européens, qui se réunit une fois par mois, et de l'European Regulators' Group for Electricity and Gas (ERGEG) dont les réunions sont trimestrielles et qui comporte outre les régulateurs, la Commission européenne. Le président de la CRE préside aussi le Groupe de Stratégie Internationale, créé en mars 2007, et qui est chargé de définir et de mener les relations étrangères du CEER avec les organes de régulation hors EU, ainsi qu'avec un certain nombre d'organismes internationaux comme l'AIE.

La CRE a en charge la régulation des marchés de l'électricité et du gaz. Elle tient compte des spécificités de chacune de ces énergies. L'électricité est une énergie qui n'est pas stockable et qui est produite sur le territoire de l'Union européenne selon des modes de production dont les coûts sont différents. Le gaz, en revanche, est une énergie très largement importée, mais stockable. Son prix est majoritairement fixé par les contrats à long terme indexés sur les prix des produits pétroliers. Le rappel des caractéristiques de ces deux énergies permet de souligner à quel point les réseaux de transport et de distribution constituent l'épine dorsale des marchés de l'énergie. Leur bon fonctionnement conditionne à la fois le plein exercice de la concurrence et la sécurité d'approvisionnement des consommateurs.

Les réseaux de transport et de distribution, d'électricité comme de gaz, sont des monopoles naturels : ils doivent donc être régulés.

En vertu de l'article 28 de la loi du 10 février 2000, la CRE veille « à ce que les conditions d'accès aux réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel n'entravent pas le développement de la concurrence. » Pour assurer cette mission, elle doit garantir un accès non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix pour tous les utilisateurs. Elle doit également mettre en place les conditions favorables au développement des infrastructures de transport et de distribution.

La CRE s'appuie, pour ce faire, essentiellement sur trois outils financiers : son pouvoir d'approbation des programmes d'investissements des gestionnaires de réseaux de transport ; son pouvoir de proposition des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution ; la bonification des taux accordés à certains investissements dans le domaine du gaz.

Le premier outil financier de la CRE est son pouvoir d'approbation des programmes des gestionnaires de réseaux de transport. Dans le secteur de l'électricité, l'approbation annuelle par la CRE du programme d'investissement de RTE tient compte des besoins annoncés de développement de renouvellement. Ils ont été évalués à 10 milliards d'euros d'ici à 2020. La CRE a demandé que les programmes d'investissements de RTE soient accompagnés d'engagements de respect des critères de qualité de service. Cette exigence de qualité s'applique en matière de sûreté du système électrique, de qualité de l'alimentation, de raccordement des nouveaux clients et de résorption des congestions sur le réseau.

Par ailleurs, l'approbation des programmes d'investissements des GRT de gaz est en cours de mise en place. Son processus s'appuiera largement sur l'expérience acquise avec RTE.

Le deuxième outil financier de la CRE est son pouvoir de proposition des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution. Les tarifs d'utilisation des réseaux sont élaborés par la CRE et proposés au ministre chargé de l'énergie qui doit les accepter ou les refuser, sans pouvoir rien y changer, dans un délai de deux mois. Ces tarifs doivent garantir l'autonomie des gestionnaires de réseaux en offrant les ressources nécessaires à leurs investissements de maintenance et de développement. Les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité – TURPE – concernent les réseaux de transport et de distribution. L'application de ces tarifs depuis le 1er janvier 2006 – les deuxièmes que la CRE a eu à élaborer – permet de tracer des pistes d'évolution pour les tarifs à venir. Les gestionnaires de réseaux doivent être incités à accroître progressivement leur efficacité et ainsi permettre une baisse des tarifs d'utilisation des réseaux, tout en maintenant une haute qualité de service, à laquelle la CRE accorde une attention toute particulière.

Le tarif de réseau est un élément constitutif du prix final de l'électricité. Pour les consommateurs résidentiels, qui sont au tarif bleu, la part du transport est de l'ordre de 45 à 47 %, ce qui n'est pas négligeable. Il n'est pas toujours simple de trouver l'équilibre entre l'incitation à l'investissement et le souci de ne pas faire peser trop fortement celle-ci sur le consommateur final.

Le troisième outil financier de la CRE est la bonification des taux accordés à certains investissements dans le domaine du gaz.

Dans le secteur du gaz, les nouveaux tarifs de transport proposés par la CRE, entrés en vigueur au 1er janvier 2007, ont permis de clarifier le mode de rémunération des actifs immobilisés et les mesures d'incitation à l'investissement. La préparation d'un tel tarif mobilise les différentes directions concernées pendant plus d'un an, et le collège durant près de neuf mois.

La France importe 98 % de sa consommation de gaz et le développement des points d'entrée du gaz, terrestres ou maritimes est indispensable pour faciliter l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché français. Les consommateurs doivent pouvoir, à l'avenir, tirer parti de la position géographique privilégiée de la France, seul pays ayant la possibilité de mettre en concurrence le gaz russe, le gaz algérien, le gaz de la mer du Nord et les GNL atlantiques et méditerranéens. L'objectif est donc d'inciter les opérateurs à investir pour augmenter la sécurité d'approvisionnement en diversifiant les sources – terminaux méthaniers – et pour favoriser la concurrence par une amélioration des capacités d'entrée et de transport. C'est pour cela que la CRE bonifie les taux par une majoration de 125 à 300 points de base pour les investissements dans le réseau de transport et les terminaux méthaniers.

D'une manière générale, des réseaux qui fonctionnent bien et dont le développement répond aux exigences des marchés participent à la sécurité d'approvisionnement. C'est vrai tout autant pour le gaz que pour l'électricité.

Le bon fonctionnement des réseaux interconnectés européens d'électricité et de gaz est une préoccupation constante du régulateur. La CRE accorde ainsi une attention toute particulière au niveau d'investissement consacré par RTE aux interconnexions électriques. Tout en prenant en compte les difficultés inhérentes aux contraintes administratives et aux exigences environnementales des populations, la CRE souligne l'insuffisance de ces investissements.

Dans son premier rapport annuel sur la gestion et l'utilisation des interconnexions électriques, rendu public en mai, la CRE met l'accent sur l'impact positif des évolutions des mécanismes de gestion des congestions aux frontières introduites début 2006, c'est-à-dire la suppression des droits d'accès prioritaires des contrats historiques sur les interconnexions avec les États membres de l'Union européenne.

D'autre part, le mécanisme dit d'ajustement, en assurant un équilibre instantané entre production et consommation à la fréquence de 50 Hertz, en résorbant les congestions et en générant des signaux de prix guidant les investissements de nouveaux moyens de production de pointe, apporte une contribution essentielle à la sécurité d'approvisionnement.

Cela représente une part importante – qui est peu mise en avant – de l'activité de la direction de l'accès aux réseaux électriques de la CRE.

À la suite de la panne du 4 novembre 2006, la CRE a rappelé l'importance du bon fonctionnement des réseaux de transport et des interconnexions transfrontalières en matière de sécurité d'approvisionnement. L'ampleur de cette panne résulte d'une mauvaise application des règles de sécurité par des gestionnaires de réseaux allemands et d'une insuffisante coopération entre les gestionnaires de réseaux européens. Pour y remédier, les régulateurs européens préconisent que, sous leur contrôle, des règles juridiquement contraignantes pour les gestionnaires de réseaux de transport – GRT – soient établies.

La question de l'indépendance des réseaux de transport est l'un des sujets principaux des réflexions et des futures propositions de la Commission européenne concernant son projet de troisième paquet législatif.

L'indépendance des gestionnaires de réseaux par rapport aux entreprises intégrées auxquelles ils appartiennent est un principe structurant de l'organisation de marchés ouverts, inscrit dans les directives européennes et transposé en droit français. En conséquence, la CRE contrôle le respect par les gestionnaires de réseaux de leurs obligations en matière de non-discrimination et de transparence. Elle a publié en novembre 2006 son deuxième rapport annuel sur le respect des codes de bonne conduite et sur l'indépendance des gestionnaires de réseaux. Pour RTE, la situation est considérée comme globalement convenable. Cette situation satisfaisante a permis de défendre auprès des autres régulateurs européens et auprès du Commissaire à l'énergie, M. Andris Piebalgs, le modèle français de régulation, à savoir qu'il est possible d'avoir des gestionnaires de réseaux intégrés qui soient réellement indépendants à condition d'appliquer totalement les directives et de donner des pouvoirs aux régulateurs pour faire respecter cette indépendance.

Dans le débat qui a lieu actuellement au Parlement européen sur le rapport Vidal-Quadras qui propose la séparation patrimoniale, le Gouvernement français prône le modèle français d'une régulation efficace. Il n'est pas certain qu'il parvienne à convaincre ses partenaires européens mais les négociations n'aboutiront pas avant dix-huit mois ou deux ans. La Commission européenne risque, par ailleurs, d'adopter une position de repli, appelée ISO, qui plairait assez aux Allemands mais qui paraît très complexe aux Français : la compagnie verticalement intégrée reste propriétaire des actifs du réseau, elle perçoit une rémunération réglementée sur ces actifs, mais n'en assure pas l'exploitation, l'entretien et le développement.

Depuis 2006, l'intégration européenne des marchés de l'électricité et du gaz naturel s'effectue sur la base d'une approche régionale au travers de ce qui est appelé « initiatives régionales du gaz et de l'électricité » de l'ERGEG. Cette technique d'intégration différenciée consiste en une harmonisation communautaire par étapes : formation des marchés régionaux, puis création d'un seul marché européen. Tout l'enjeu se situe dans la capacité à harmoniser les différents marchés régionaux ainsi créés.

Dans le secteur de l'électricité, la CRE participe à quatre initiatives régionales sur les sept existantes. Elle a ainsi contribué avec les quatre autres régulateurs de la zone Centre-Ouest – Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas – à l'élaboration d'un plan d'action, publié en février 2007, en vue d'accélérer l'intégration régionale des marchés électriques. Ce plan insiste sur l'amélioration de la fluidité des échanges transfrontaliers par la mise en place d'un couplage des marchés. Ce mécanisme permet d'utiliser de façon plus efficace la capacité quotidienne des interconnexions entre plusieurs réseaux nationaux, mais également de favoriser la convergence des prix du marché de gros entre les différentes zones concernées. Le couplage des marchés de l'électricité belge, français et néerlandais, lancé en novembre 2006, en est un exemple prometteur. Depuis la mise en service du couplage, les prix horaires français et néerlandais ont été égaux pendant 83 % des heures de fonctionnement des marchés. Les prix horaires français, belges et néerlandais ont été égaux pendant 60 % des heures.

Par ailleurs, le 6 juin dernier, s'est tenue au Luxembourg la réunion dite pentalatérale sur le couplage des marchés et la sécurité d'approvisionnement de l'Europe du Centre-Ouest, qui réunit les ministres chargés de l'énergie, les régulateurs et les opérateurs des cinq pays concernés. À l'époque, le ministre français chargé de l'énergie était Alain Juppé. À cette occasion, un accord est intervenu, sous forme d'un Memorandum of Understanding, pour étendre ce couplage à l'Allemagne et au Luxembourg d'ici à janvier 2009. C'est une décision politique très importante mais difficile à réaliser. Les ministres ont également évoqué la possibilité de lancer une initiative du même type adapté au gaz, afin d'améliorer l'intégration du marché européen.

Dans le secteur du gaz précisément, la CRE participe à deux initiatives régionales sur trois qui ont pour but de favoriser l'émergence de marchés régionaux en améliorant la transparence et en harmonisant les données publiées par les gestionnaires de réseaux de transport. Dans la région Nord-Ouest – Pays-Bas, Nord de la France, Belgique, Irlande, Grande-Bretagne, Allemagne, Danemark, Suède, Irlande du Nord –, la CRE est en charge, avec le régulateur allemand, de l'amélioration des échanges de gaz aux interconnexions ; dans la région Sud – Espagne, France, Portugal –, les gestionnaires de réseaux de transport de gaz espagnols et français sont incités à réaliser des investissements coordonnés et à promouvoir l'interopérabilité entre les réseaux.

Le 27 juin dernier, s'est tenu à Bruxelles, sous la présidence du directeur de la DG Energie et transports (TREN), une réunion rassemblant l'ensemble des parties prenantes des trois pays – administration, régulateurs, transporteurs, électricité et gaz – afin de relancer ces opérations, notamment dans le cas de l'électricité où la question de l'interconnexion entre la France et l'Espagne est depuis longtemps un sujet délicat. La nomination d'un coordinateur – Mario Monti – a été annoncée comme imminente. Un calendrier précis des réunions entre les différents acteurs a été défini, et une réunion semestrielle avec la Commission décidée pour suivre l'évolution de l'intégration des marchés tant dans le secteur de l'électricité que dans celui du gaz.

Les initiatives régionales, dont il est rarement fait état dans la presse, sont un des très gros chantiers du régulateur, dans une large coordination avec les pouvoirs publics, dans la construction du marché unique européen de l'énergie.

Quelques jours après l'ouverture complète des marchés, les constatations suivantes peuvent être faites.

Si elle n'est pas négligeable, l'ouverture reste toutefois limitée : 16,5 % des sites professionnels, soit 766 300 sites au 1er avril 2007, ont souscrit à une offre de marché pour l'électricité. Près de 17,1 % ont fait de même pour le gaz, soit 117 800 sites au 1er avril 2007. La dynamique d'évolution des secteurs du gaz et de l'électricité s'est inversée au cours de l'année 2006, puisque c'est maintenant sur le marché du gaz que se dirigent le plus de sites.

Il convient de souligner qu'en électricité, 98 % des « petits » sites professionnels – artisans, commerçants ou professions libérales précédemment au tarif bleu d'EDF – qui sont alimentés par des fournisseurs alternatifs bénéficient de prix de marché inférieurs aux tarifs réglementés depuis bientôt trois ans. Cela représente quelque 300 000 consommateurs sur un total de 766 000. Cela n'a pas été le cas pour les « gros » consommateurs professionnels, puisque le prix de marché de gros est aujourd'hui supérieur au tarif réglementé. C'est la raison pour laquelle a été décidée au mois de décembre dernier la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le TaRTAM. Au 1er juillet 2007, environ 2 500 sites, sur 766 000 au total, avaient demandé à pouvoir en bénéficier. Ces demandes émanent principalement des entreprises qui étaient auparavant au tarif vert.

Au cours des douze derniers mois, l'action de la CRE a été également marquée par la préparation de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz naturel aux consommateurs résidentiels. L'enjeu de cette ouverture est de taille car le nombre de consommateurs qui peuvent potentiellement exercer leur éligibilité est passé, le 1er juillet, de 4,7 millions à 33,5 millions pour l'électricité et de 680 000 à 12 millions pour le gaz. La CRE se devait, d'une part, de mettre en place les processus pour permettre le bon fonctionnement du marché et, d'autre part, d'informer les consommateurs sur les modalités de cette nouvelle liberté. Pour permettre un bon fonctionnement des marchés, il est essentiel que chaque consommateur qui le souhaite puisse changer de fournisseur en toute connaissance de cause et sans entrave. C'est une condition nécessaire même si elle n'est pas suffisante.

Depuis 2005, la CRE a piloté la concertation au sein de groupes de travail « consommateurs » « électricité » et « gaz » avec les associations de consommateurs, les représentants des fournisseurs, des gestionnaires de réseau de distribution et de transport, ainsi que les pouvoirs publics. La concertation au sein du groupe de travail consommateurs, créé par la CRE, a permis de définir les règles de fonctionnement des marchés ouverts : modèle standardisé de présentation des offres, changement de fournisseur, emménagement-déménagement… Le secrétaire d'État à la consommation et au tourisme, M. Luc Chatel, est venu saluer les travaux du GTC le 29 juin dernier à l'occasion d'une visite du dispositif d'information des consommateurs mis en place à la CRE.

Pour que toutes les informations soient accessibles à chaque consommateur, la CRE a lancé un site Internet – energie-info.fr – en liaison avec le médiateur national de l'énergie, la DGEMP – la direction générale de l'énergie et des matières premières – et la DGCCRF – la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, qui est ainsi devenu le site officiel des pouvoirs publics français. Chaque consommateur peut y trouver des fiches pédagogiques lui permettant de comprendre les modalités de son choix, ainsi que la liste des fournisseurs qui se sont engagés à faire des offres aux clients résidentiels. La CRE a également ouvert, le 18 juin, un service d'information « consommateurs » : le numéro Azur 0 810 112 212.

Outre son intérêt premier pour le consommateur, le dispositif d'information permettra à la CRE de disposer du nécessaire retour d'expérience sur les modalités pratiques de l'ouverture des marchés. Elle pourra ainsi proposer des améliorations le cas échéant.

La CRE a veillé à la préparation de la filialisation des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de l'électricité et du gaz et sera vigilante sur la question de l'indépendance de ces derniers, comme elle l'a été pour les gestionnaires de réseaux de transport.

Elle a souhaité s'assurer que les systèmes d'information – SI – des GRD étaient bien préparés à l'ouverture totale du marché au 1er juillet 2007, afin de permettre les basculements de fournisseurs. Dans l'ensemble, ces SI seront opérationnels dès les premiers mois de l'ouverture. Néanmoins, des difficultés subsistent dans le cas du SI d'EDF Réseau Distribution (ERD), pour lequel un audit a été réalisé. L'adaptation des SI des GRD en gaz est, quant à elle, satisfaisante. Quoi qu'il en soit, les SI devraient être opérationnels dès le 1eraoût.

Enfin, l'évolution du parc de compteurs d'électricité basse tension devrait faciliter la diversification des offres en électricité proposées aux consommateurs. Cette évolution ne peut se justifier que si elle permet des améliorations dans les trois domaines suivants : l'information des consommateurs ; le fonctionnement du marché de l'électricité ; les coûts des gestionnaires de réseaux.

Conformément aux dispositions des lois du 10 février 2000 et du 13 juillet 2005, et à la directive européenne du 5 avril 2006 relative à l'efficacité énergétique, la CRE a engagé l'élaboration des modalités de cette évolution, en collaboration avec les parties intéressées : 34 millions de sites raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité sont potentiellement concernés.

Si l'ouverture à la concurrence conduit à la réorganisation de la commercialisation, elle ne remet pas en cause la continuité du service public de l'électricité. La CRE participe d'ailleurs à la mise en oeuvre des missions du service public de l'énergie. Cela concerne principalement l'évaluation des charges de service public de l'électricité – CSPE – et la participation à l'élaboration des tarifs d'obligation d'achats produites à partir de sources décentralisées.

Le rapport d'activité 2007 de la CRE présenté au Parlement conformément aux dispositions légales se veut un document de référence et de travail pour l'ensemble des acteurs du secteur de l'énergie et un outil utile pour le législateur.

PermalienPhoto de Christian Bataille

après avoir bien précisé que les critiques qu'il allait formuler s'adressaient à la fonction occupée par M. de Ladoucette et non pas à sa personne, dénonce la conséquence inéluctable de l'ouverture libérale des marchés de l'énergie à la concurrence, à savoir l'augmentation des prix pour les consommateurs. Le problème n'est pas de savoir si la CRE a respecté l'éthique du libéralisme et de la concurrence pour les marchés du gaz et de l'électricité. Il est dans le résultat de cette politique pour le consommateur.

Le système précédent était équilibré. Il permettait aux consommateurs de défendre une conception française du marché de l'énergie face à des variations erratiques pour le gaz et de garantir un prix de sortie pas trop éloigné du prix de revient pour l'électricité. Par la grâce du libéralisme, le marché concurrentiel va déboucher sur des prix majorés pour le consommateur. C'est dans la poche de celui-ci que vont se régler les notes respectives des différents parasites qui vont intervenir sur ces marchés. Exemple d'aberration : EDF sera tenue de vendre à prix coûtant à des producteurs prétendument libres qui revendront, avec bénéfice, aux consommateurs assez benêts pour se laisser prendre par la propagande qu'ils ne manqueront pas de trouver dans leurs boîtes aux lettres.

Pour la CRE, un bon marché est un marché libre où le gaz et l'électricité se payent plus cher qu'aujourd'hui. Les consommateurs ont la possibilité de résister aux tentations justifiées par la commission.

La politique actuelle est bien éloignée des objectifs de la loi de 2000. Le fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz pousse les prix à la hausse. La venue de M. de Ladoucette, dix jours après l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, permet d'apprécier les effets négatifs à venir de l'application des nouvelles réglementations.

PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

félicite le président de la CRE pour la qualité de son rapport, dont la lecture est facilitée par la présence de plusieurs synthèses, et la CRE pour la qualité des informations données aux consommateurs, en lien avec l'administration et le médiateur national de l'énergie.

Un premier élément vient contredire les propos tenus par M. Christian Bataille, qui, cela mérite d'être rappelé, a été le rapporteur de la première loi sur l'ouverture du marché de l'énergie. C'est l'indication donnée par M. de Ladoucette dans son propos liminaire selon laquelle, pour l'essentiel, les prix offerts aux professionnels étaient inférieurs aux tarifs. Par ailleurs, le fait que peu de consommateurs aient demandé à bénéficier du TaRTAM institué dans la loi du 7 décembre 2006 laisse penser que les tarifs de retour proposés, pendant une période limitée à deux ans, n'ont pas été aussi attractifs et que, entre-temps, les prix de l'énergie se sont assagis.

Si la France veut assurer son indépendance et renforcer ses capacités de production, il faut, bien sûr, qu'il y ait des prix en conséquence. On ne saurait trop insister sur le fait que, pendant une période trop longue, pendant laquelle M. Bataille était dans la majorité, rien n'a été fait pour renforcer les capacités de production de la France en électricité. Les retards qui se sont accumulés obligent à aller plus vite.

La majorité des mesures prises ont été partagées par tous les gouvernements, de droite et de gauche. C'est, en effet, à Barcelone, en mars 2002, c'est-à-dire sous le gouvernement de M. Lionel Jospin, que l'essentiel des décisions concernant l'ouverture du marché de l'énergie ont été prises.

Quels sont les freins et les obstacles qui empêchent aujourd'hui le développement du marché de l'énergie en Europe ?

Quel est l'avis de la CRE sur la question très sensible des tarifs ? Le texte adopté par le Parlement n'a pas été publié au Journal officiel car le Conseil constitutionnel a annulé un certain nombre de dispositions qui rendent le dispositif bancal et parfois incompréhensible, du fait, notamment, de l'abandon des tarifs en cas de déménagement et d'emménagement dans un site dont un précédent occupant a déjà renoncé aux tarifs.

Sans vouloir transgresser le droit de réserve de la CRE, une période transitoire ne serait-elle pas nécessaire pour permettre à l'ensemble des consommateurs de se préparer mieux encore aux conditions offertes par le marché libre des prix de l'énergie ?

PermalienPhoto de François Brottes

rappelle qu'il avait déjà demandé, au nom du groupe socialiste, au moment du débat sur Gaz de France, que la commission auditionne le président de la CRE. Il précise que c'est le médiateur qui est chargé de défendre les intérêts des consommateurs, et non pas le président de la CRE, dont la mission principale est de permettre aux nouveaux entrants de s'exprimer sur le marché, lequel se régule parfois à l'encontre de l'intérêt des consommateurs.

Le médiateur devrait être entendu en tant que tel par la commission des affaires économiques. Celui-ci devrait alors faire la part des choses entre sa fonction de médiateur et sa fonction de parlementaire – M. Lenoir n'étant bien sûr pas visé. Il n'est pas idéal qu'un député en exercice soit en même temps médiateur.

Il faut remercier le président de la CRE pour la qualité de son rapport, synthétique et accessible. Quelles sont les sanctions prévues à l'encontre d'E.ON, pour avoir fait une erreur et causé un préjudice à certains particuliers, certaines collectivités et entreprises, victimes d'une rupture de fourniture d'énergie ? Pourquoi n'y aurait-il pas de poursuites ?

Comment la CRE imagine-t-elle qu'on pourra rembourser les propriétaires de logements du préjudice qu'ils risquent de subir s'ils ne sont pas d'accord pour que leurs locataires sortent du tarif réglementé ? Où en est le programme Exeltium ?

On assiste actuellement, en matière de production hydroélectrique, à des renouvellements de concessions, qui font l'objet d'une mise en concurrence. Or il y a quelques mois, un rapport montrait que certains barrages étaient potentiellement défaillants. Quel regard le régulateur porte-t-il sur cette situation, au moment où les barrages peuvent passer d'un opérateur à un autre ? Au-delà des aspects administratifs, il convient de veiller à la maintenance et à la sécurité des installations.

Enfin, beaucoup d'opérateurs font payer aux consommateurs, qu'ils soient industriels ou particuliers, le fait que l'énergie qu'ils vont consommer est une énergie « développement durable », « écologique », etc. Ce n'est pas forcément justifié. De quels moyens de contrôle peut donc disposer la CRE pour vérifier que ces tarifs ne correspondent pas à de la « poudre de perlimpinpin » ?

PermalienPhoto de François Loos

évoque la place du modèle français au sein de l'Europe. L'originalité de ce modèle tient à sa capacité de régulation – niveau des investissements, des tarifs – et au fort taux d'investissement sur lequel il est bâti. Il permet de mettre en place des dispositifs pour les électro-intensifs et d'ouvrir le marché tout en gardant des tarifs à des niveaux raisonnables. Notre pays a-t-il la capacité à imposer ou à faire adopter par nos partenaires, et par la Commission européenne, ce modèle dans les temps qui viennent ?

De cette capacité dépend le niveau d'investissement. Faut-il investir davantage que pour la seule production française ? Comment arbitrer entre les besoins d'aujourd'hui et de demain ? Est-ce que tous les groupes européens qui ont été lancés dernièrement permettent de mieux cibler et anticiper les investissements ? Quelle est donc la bonne dose d'intégration européenne ? 10, 20, 30 % ? La question se pose de la même façon dans le domaine du gaz. Quelle est la bonne dose de GNL ? 20, 30 ou 40 % ? Est-ce que tous les projets de terminaux méthaniers sont nécessaires ?

PermalienPhoto de Jean Gaubert

remarque que libéralisation ne signifie pas toujours baisse des prix. Quand l'offre est plus importante que la demande, les prix baissent ; quand la demande et plus importante que l'offre, les prix montent. Et pendant longtemps et structurellement, l'offre sera moins importante que la demande. Les prix auront donc tendance à monter sur le marché.

Il relève une contradiction chez M. de Ladoucette. Selon ce dernier, pratiquement toutes les PME ayant changé – 98 % d'entre elles – auraient été gagnantes ; mais dans son rapport, page 41 il écrit que « le bilan de l'ouverture des marchés aux clients professionnels est mitigé », et semble se plaindre que « seulement 17 % ont changé de fournisseur ». Ce n'est pas du tout gênant. Ce qui est intéressant, c'est que le client ait pu obtenir l'énergie au prix le plus bas possible pour développer son activité professionnelle et qu'il ait eu le droit de changer. Le droit n'est d'ailleurs pas l'obligation. Or il y a souvent confusion, aussi bien chez les eurocrates qu'à la CRE.

Le TaRTAM allait faire baisser les prix. Mais s'il y a eu si peu de personnes intéressées, c'est que les complications étaient bien plus importantes qu'on l'avait imaginé lors des débats au Parlement.

M. de Ladoucette a eu raison de dire que les réseaux publics devaient être efficaces. Mais lorsque l'on demande de l'efficacité, l'aménagement du territoire finit par en pâtir. C'est visible dans le département des Côtes d'Armor, où EDF a tendance à investir dans les zones qui ont un fort potentiel de développement et à oublier ce qui se passe dans les secteurs qui subissent une dépression. De la même manière, l'opérateur de réseau sera amené à abandonner l'aménagement du territoire. Un tel point mérite que la commission s'y arrête.

Il sera difficile de diminuer le coût d'utilisation des réseaux à une époque où les autres matières premières, aluminium, cuivre et pétrole, continuent de monter. Tous les investissements d'entretien sur le réseau ont tendance à augmenter de 6 ou 7 % par an. Demander qu'il y ait une baisse du coût d'utilisation paraît donc très dangereux si l'on prend en considération l'avenir de ces réseaux.

M. Gaubert souscrit aux questions posées par M. Loos sur la relation à l'Europe. Il observe que l'UE souhaite la libéralisation, mais qu'elle s'était interdit de prendre en considération le statut des entreprises. Or il semble qu'elle ait changé de position.

PermalienPhoto de Serge Poignant

revient sur ce qui a été dit sur le TaRTAM et demande des précisions sur les 2 500 sites qui l'ont choisi. Il demande également des précisions sur l'évolution des recettes de CSPE.

PermalienPhoto de Claude Gatignol

insiste tout d'abord sur l'importance de l'intervention de M. de Ladoucette au moment où s'ouvrent les marchés. La notion de tarifs réglementés est une spécificité française.

Il relève, parmi les éléments qui font le prix, la quantité disponible, l'obligation d'approvisionnement et la rareté. Le déficit connu récemment en termes de capacités de production d'électricité peut conduire à des situations difficiles. Selon la RTE, la France serait déficitaire dès 2008 d'au moins 1 000 mégawatts. Le président de la CRE peut-il confirmer ces chiffres ?

La CRE a-t-elle des moyens de contrôle sur les fournisseurs qui sont maintenant bien différents des producteurs ? Le secteur réglementé va-t-il durer ?

La France est en concurrence avec les pays voisins s'agissant de la fourniture. Ceux-ci ont leur part dans la fameuse panne récente. La CRE a-t-elle les moyens d'intervenir pour inciter le système en vigueur dans les pays voisins à plus de performance en termes tant de production que de commercialisation ? L'Allemagne a plutôt choisi des capacités de production qui poussent les prix vers le haut, alors que la France a, théoriquement, le Kwh le moins cher d'Europe.

Comment la CRE aborde-t-elle le problème difficile du coût des quotas de CO2 qui pèsent sur les prix de l'énergie finale ?

Les investissements à venir dans la filière électronucléaire sont importants. Font-ils partie des réflexions de la CRE ?

Comment peut-on envisager la régulation dans le domaine du gaz ? Il s'agit en effet d'une matière première totalement importée, et soumise aux règles de marchés internationaux difficiles à maîtriser. En France, seuls le transport et le stockage sont possibles.

PermalienPhilippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie

se dit impressionné par la connaissance que les députés ont du secteur.

S'agissant des tarifs réglementés, la réponse officielle est simple. Il y a un contentieux entre l'État français et la Commission européenne et la CRE n'a aucun commentaire à faire à leur propos.

Pour autant, faut-il une période de transition ? C'est évident. La Commission européenne ne souhaite pas transmettre le dossier tel quel à la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). M. Andris Piebalgs, le Commissaire européen en charge de l'énergie, semble prêt à entamer des discussions avec les pouvoirs publics français pour trouver des solutions raisonnables qu'il appartiendra à ceux-ci d'imaginer. Par exemple, pourquoi ne pas proposer que les 11 millions de personnes qui bénéficient d'une aide au logement bénéficient aussi de tarifs ? La Commission n'y serait probablement pas hostile.

Cette question n'est pas de la compétence de la CRE. Mais les pouvoirs publics français disposent sans doute de pistes pour trouver des solutions d'évolution dans le temps et de préserver des tarifs réglementés pour une large partie de la population.

S'agissant du rapport entre l'investissement nécessaire de renouvellement des moyens de production et les prix de l'électricité, M. de Ladoucette observe qu'après les investissements qui ont eu lieu entre 1974 et 1979 dans le cadre du programme électronucléaire, la France avait été considérée jusqu'en 2000 comme étant surcapacitaire.

Il évoque un souvenir personnel : dans un poste précédent, alors PDG de Charbonnages de France, il gérait une société devenue une part d'ENDESA. Il avait décidé de faire un investissement en centrales gaz en Lorraine. En raison de la baisse des prix entre 1999 et 2003, cet investissement, annoncé dès 1998, ne se fera que dix ans plus tard. Il y a donc parfois un rapport entre le prix et l'investissement. Il existe d'ailleurs une théorie très élaborée sur le niveau du prix nécessaire pour renouveler la filière nucléaire.

S'agissant d'Exeltium, M. de Ladoucette n'a aucune information. On attend plus ou moins la réponse de Bruxelles.

S'agissant du TaRTAM, les 2 500 sites concernés se répartissent de la manière suivante : 1 950 sites de grande taille, qui représentent une grosse proportion de la consommation électrique ; 532 sites moyens ; 16 petits sites.

La CRE n'a pas les compétences pour s'intéresser aux investissements de la filière nucléaire, qui relèvent de la responsabilité du ministère chargé de l'énergie, plus particulièrement de la Direction générale de l'énergie et des matières premières.

En revanche, la CRE a une vision de la situation de la tension du marché de production électrique en France dans le domaine de la pointe. La France reste le premier pays européen exportateur d'électricité, mais son niveau d'exportation reste stable et ses importations augmentent. Sur la frontière allemande, le résultat net est importateur. Cela est dû à une très forte tension sur la pointe. Dès qu'un phénomène climatique, chaud ou froid, se produit, il est nécessaire d'aller chercher des moyens de production financés au coût marginal de la centrale la moins performante, ce qui contribue à l'élévation du prix. On s'adresse au voisin allemand pour obtenir du courant, produit à partir du gaz ou du charbon.

La situation devrait s'améliorer. Des projets sont en voie de concrétisation, voire en cours de réalisation dans les quatre prochaines années. En 2012, la France devrait être revenue à un niveau d'investissements suffisant pour couvrir ses besoins en pointe. Ces investissements proviennent de nombreux acteurs du marché : non seulement de EDF, mais d'entreprises comme, par exemple, ENDESA. Les phénomènes de restructuration de l'énergie en Europe amèneront sans doute cette dernière à céder ce qui était auparavant la SNET à E.ON, qui deviendra un acteur du marché français et un concurrent de poids vis-à-vis de EDF.

M. Loos a évoqué le modèle français et la capacité de la France à faire prendre en considération ce modèle par ses partenaires européens. M. de Ladoucette constate que lorsqu'il se réunit avec ses 26 collègues régulateurs, il ne représente qu'un vingt-septième. Les positions défendues par la France ne sont pas toujours partagées. Il lui arrive d'être minoritaire, comme ce fut le cas à propos de la séparation patrimoniale. Le seul résultat qu'elle ait obtenu, c'est que s'il y avait séparation patrimoniale, on ne traiterait probablement pas le gaz et l'électricité de la même façon. Lorsque les 27 régulateurs sont ensemble, les décisions se prennent à la majorité qualifiée, sachant que la France pèse 29 voix. La France doit être très présente pour défendre ses positions. Il a fallu, à la CRE, renforcer la direction internationale, qui compte quatre membres, alors que celle de la commission de l'énergie anglaise en compte trente. D'où un effort nécessaire de présence, de moyens, de persuasion, ce qui demande beaucoup d'énergie.

Parmi les éléments du prix de l'électricité, il ne faudrait pas oublier les quotas de CO2. Aujourd'hui le prix du CO2 s'est effondré, mais c'est très provisoire. Et on ne peut pas vouloir une politique européenne environnementale, avec des énergies renouvelables, sans en accepter les conséquences.

La CRE n'a pas de position doctrinaire sur le fait qu'il faille ou non aller sur le marché. L'important est que les consommateurs puissent faire un choix, et ceux qui choisissent le marché doivent pouvoir le faire sans obstacle. Pour autant, M. de Ladoucette pense que la concurrence sera un élément de maîtrise de l'évolution du prix de l'énergie, lequel, à moyen et long terme, ne pourra qu'augmenter légèrement.

S'agissant du problème « investissements et aménagement du territoire », il remarque que la capacité financière d'investissement des réseaux de transport et de distribution n'est pas totalement utilisée. Autrement dit, on investit moins qu'initialement prévu. Ce ne sont pas les tarifs qui empêcheraient d'investir, mais c'est plutôt un problème de volonté.

On a dit qu'il serait délicat de baisser les tarifs. La Commission de régulation est composée de neuf membres. Les débats sur ce point sont assez vifs. Les représentants des consommateurs ont une tendance naturelle à pousser à la baisse, mais il est vrai que les positions peuvent être différentes.

RTE a engagé des poursuites contre E.ON. M. de Ladoucette ne sait pas où en est l'opération, mais on peut interroger RTE à ce propos.

S'agissant des barrages hydrauliques, le Gouvernement demande à la CRE son avis sur les tarifs, mais ce n'est pas à elle de réguler la production, c'est à la DGEMP.

Il arrive que la CRE ait un avis négatif, comme ce fut le cas concernant les éoliennes. Mais il faut savoir qu'elle raisonne sur des critères économiques et de comparaison de rentabilité du capital investi, ce qui ne correspond sans doute pas à une politique environnementale, devenue prioritaire, qui se voudrait dégagée de toute considération économique. D'où un risque de dialogue de sourds avec les pouvoirs publics.

Il est vraiment gênant que le médiateur national de l'énergie n'ait pas les moyens de fonctionner aujourd'hui. Se pose par ailleurs un problème pour répondre à la demande d'information des clients résidentiels. Cette opération est partie assez tard, parce que la CRE attendait les moyens du médiateur. Le centre d'appels reçoit près de 2000 appels par jour, mais ne peut répondre qu'à 500 par jour, faute de moyens. Cette situation risque d'être perçue négativement.

PermalienPhoto de François Brottes

exprime le souhait que le président Ollier, au nom de la commission, fasse une démarche auprès du Gouvernement pour que le médiateur puisse avoir les moyens de son action. Lors d'une émission de radio, il a entendu la représentante de la CRE essayer de répondre aux questions posées, dans un mélange des genres bien peu respectueux des textes en vigueur. Le marché est ouvert depuis le 1er juillet. Il est inadmissible que les services du médiateur ne soient pas en état de fonctionner.

Le Président Patrick Ollier répond qu'il s'apprête à envoyer une lettre aux deux ministres concernés, Mme Lagarde et M. Borloo, que la commission auditionnera bientôt, et qu'il confiera personnellement le 18 juillet aux rapporteurs la charge de veiller à la bonne exécution des lois. Puisque la fonction a été créée, il faut que les moyens de fonctionner existent. D'ici fin juillet, des éléments de réponse devraient parvenir à la commission.

PermalienPhoto de Jean Proriol

rappelle que, dans ses réponses, M. de Ladoucette a indiqué que la CRE n'intervenait pas dans les tarifs réglementés. Il évoque un précédent débat en commission et une visite à la CRE, au cours desquels il avait cru comprendre que son président serait volontiers intervenu dans ce secteur pour étudier la composition du tarif réglementé. Il interroge donc celui-ci sur sa position actuelle.

PermalienPhilippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie

précise ses propos : il a dit qu'il ne voulait pas émettre d'avis sur les tarifs réglementés, leur conception et leur existence. En revanche, il est dans le rôle de la CRE de veiller à ce que les tarifs réglementés soient bien le reflet des coûts, lesquels se décomposent ainsi : le coût du transport, de la commercialisation et de la fourniture. Comme cela figure dans le rapport, dans certains cas de tarifs jaunes et verts, ce n'est pas le cas. De tels tarifs ne sont donc pas conformes à la loi.

Lorsque le résultat obtenu pour certains tarifs est inférieur au seul coût du transport, cela signifie que le prix de la fourniture est négatif, ce qui est tout de même étonnant ! La DGMP rétorque que ce qui est important, c'est que les tarifs couvrent les coûts « en moyenne ». Or la CRE travaille coût par coût.

Le Président Patrick Ollier remercie M. de Ladoucette et exprime le souhait que la commission et la CRE aient des relations plus suivies et plus fréquentes. Dans le cadre de la prochaine création de groupes de travail, il propose que le groupe « industrie, énergie, recherche » ait des contacts réguliers avec la CRE.

PermalienPhilippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie

remercie le Président pour ces propositions qu'il accueille avec enthousiasme.