La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, le projet de loi, adopté par le Sénat, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (n° 63).
Chapitre IER
Instauration de peines minimales d'emprisonnement applicables dès la première récidive de crimes ou de délits
Articles 1er et 2 : Instauration de peines minimales d'emprisonnement applicables dès la première récidive de crimes ou de délits :
La Commission a adopté deux amendements du rapporteur visant à supprimer les deux dispositions, introduites par le Sénat, précisant que seules les sanctions pénales prononcées à l'encontre des mineurs sont prises en compte pour l'établissement de l'état de récidive légale. Son auteur a précisé que cette disposition, qui a davantage sa place au sein de l'ordonnance de 1945 que du code pénal, fera l'objet d'un amendement à l'article 3.
La Commission a rejeté deux amendements présenté par M. Manuel Valls proposant que la juridiction ne puisse prononcer une peine inférieure au seuil fixé pour les crimes et certains délits commis en état de nouvelle récidive légale qu'en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties suffisantes d'insertion ou de réinsertion, ces critères étant davantage conformes aux grands principes du droit français qu'une référence à des « garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion ».
La Commission a ensuite adopté les articles 1er et 2 ainsi modifiés.
Article 2 bis (Article 41 du code de procédure pénale) : Obligation pour le procureur de la République de prescrire une enquête de personnalité avant de prendre des réquisitions tendant à retenir la récidive :
Le rapporteur a présenté un amendement supprimant l'article 2 bis qui rend obligatoire une enquête de personnalité chaque fois que le parquet décide de retenir l'état de récidive légale. Il a en effet considéré que le droit existant rendait déjà obligatoire l'enquête dans de très nombreuses hypothèses et que cette disposition serait inutile pour des faits qui, bien que commis en état de récidive, sont d'une très faible gravité et pour lesquelles le prévenu comparait libre à l'audience.
a indiqué que lors d'une audition réalisée avec le rapporteur, M. Bruno Cotte, président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, avait estimé que l'absence d'enquête sociale rendrait virtuelle dans les faits la capacité laissée aux magistrats de déroger à la peine minimale en cas de nouvelle récidive. Or, en l'absence d'individualisation de la peine, les règles constitutionnelles et les engagements internationaux de la France ne seraient plus respectés, ce qu'avait également estimé le rapporteur de la Commission des Lois du Sénat en proposant un amendement similaire.
Après que le rapporteur eut précisé que cette question avait en effet été évoquée avec Bruno Cotte qui avait davantage fait part d'interrogations sur ce sujet que de certitudes, la Commission a adopté l'amendement de suppression de l'article 2 bis.
Article 2 ter Article 132-20-1 nouveau : Information du condamné sur les conséquence de la récidive :
Le rapporteur a présenté un amendement laissant au président de la juridiction la liberté de juger de l'opportunité d'informer ou non le condamné des conséquences qu'aurait pour lui une nouvelle condamnation en état de récidive légale. Outre les risques d'annulation liés à l'augmentation des formalités procédurales, rendre cette information obligatoire pourrait conduire à des situations incongrues, soit en laissant penser que la récidive est inévitable, soit en ayant un effet déplacé à l'égard des victimes en cas de très forte condamnation.
Le Président Jean-Luc Warsmann a indiqué partager entièrement la position du rapporteur.
a estimé que l'amendement vidait de son sens une disposition ayant une vertu pédagogique certaine, même si les remarques du rapporteur sont recevables.
Le rapporteur a admis que la question de la suppression complète de cette disposition pouvait se poser. Il s'est dit ouvert à des améliorations rédactionnelles du dispositif proposé.
La Commission a adopté l'amendement ainsi que l'article 2 ter ainsi modifié.
Après l'article 2 ter : Coordination :
La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant article additionnel et visant à supprimer l'obligation de motivation spéciale de la nature, du quantum et du régime de la peine en cas de récidive ou de réitération. Cette disposition, issue de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, avait été adoptée en substitution à la non-création des peines minimales, et n'est pas compatible avec celles-ci. Son maintien aboutirait à contraindre les juges à motiver spécialement leur décision d'appliquer les peines minimales, tandis que le projet ne prévoit cette motivation qu'en cas de dérogation au principe.
Article 3 (art. 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Peines minimales obligatoires pour les mineurs et nouvelle possibilité d'exclusion de responsabilité pénale :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Manuel Valls.
Puis elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.
Après avoir rejeté un amendement de M. Manuel Valls supprimant la disposition selon laquelle le tribunal des enfants n'a pas à motiver spécialement sa décision de ne pas faire bénéficier un mineur de plus de 16 ans de l'excuse de minorité en matière de délits violents commis en récidive légale, la Commission a adopté un amendement du rapporteur insérant dans l'article 20-2 de l'ordonnance de 1945, par coordination avec les amendements de suppression adoptés aux articles 1er et 2, une disposition précisant que le premier terme de la récidive d'un mineur ne peut être constitué par une condamnation à une mesure ou sanction éducative.
La Commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle ainsi qu'un amendement de coordination du rapporteur.
Elle a ensuite adopté l'article 3 ainsi modifié.
Article 4 (art. 362 du code de procédure pénale) : Information des jurés de la cour d'assises sur l'application des peines minimales :
La Commission a adopté l'article 4 sans modification.
Après l'article 4 :
La Commission a rejeté un amendement de M. Manuel Valls prévoyant la nullité de la procédure lorsqu'il n'a pas été procédé à la vérification de la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en cause dans les cas où l'article 41 du code de procédure pénale prévoit que le parquet doit en faire la demande.
CHAPITRE II Dispositions relatives à l'injonction de soins
Article 5 (art. 131-36-4 du code pénal et art. 763-3 du code de procédure pénale) : Application de l'injonction de soins en matière de suivi socio-judiciaire :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Manuel Valls, le rapporteur s'étant inscrit en faux contre l'argument selon lequel cet article opérerait un transfert de responsabilité de la justice vers la médecine.
La Commission a ensuite adopté un amendement de clarification du rapporteur ainsi qu'un amendement de coordination du même auteur.
La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.
Article 6 (art. 132-45-1 [nouveau] du code pénal) : Application de l'injonction de soins en cas de sursis avec mise à l'épreuve :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Manuel Valls.
La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur puis l'article 6 ainsi modifié.
Article 7 (art. 723-30 et 723-31 du code de procédure pénale) : Application de l'injonction de soins dans le cadre de la surveillance judiciaire :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Manuel Valls.
Puis elle a adopté l'article 7 sans modification.
Article 8 (art. 721-1 du code de procédure pénale) : Impossibilité d'octroyer une réduction de peine à certains condamnés refusant les soins en détention :
La Commission a adopté l'article 8 sans modification
Article 9 (art. 729, 731-1 et 712-21 du code de procédure pénale) : Renforcement du suivi médical dans le cadre de la libération conditionnelle :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. Manuel Valls.
La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que les traitements dont bénéficient les condamnés incarcérés et les condamnés pouvant bénéficier d'une libération conditionnelle sont proposés par le juge de l'application des peines.
Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur ainsi qu'un amendement de coordination du même auteur.
La Commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.
Après l'article 9 :
La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Hunault excluant les remises de peine automatiques pour les personnes condamnées en état de récidive pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ou pour un délit d'atteinte volontaire à l'intégrité de la personne ou d'agression sexuelle lorsqu'il a été commis sur un mineur de quinze ans.
CHAPITRE III Dispositions diverses et transitoires
Avant l'article 10 : Intitulé du chapitre III :
La Commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle présenté par le rapporteur.
Article 10 : Entrée en vigueur de la loi :
La Commission a été saisie d'un amendement de M. Manuel Valls repoussant au 1er mars 2010 l'entrée en vigueur des dispositions du I de l'article 5 et de l'article 6 du projet de loi. Le rapporteur s'y est déclaré défavorable et a rappelé que la ministre de la justice s'est engagée devant la Commission à mettre en oeuvre un plan massif de recrutement de médecins coordonnateurs en partenariat avec le ministère de la santé. La Commission a rejeté cet amendement.
Puis elle a adopté l'article 10 sans modification.
Après l'article 10 :
La Commission a été saisie d'un amendement de M. Michel Hunault tendant à instaurer un contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Le rapporteur a rappelé qu'un projet de loi a été déposé sur ce sujet. En réponse à M. Serge Blisko, qui a demandé des précisions sur le calendrier d'examen de ce projet de loi, le président Jean-Luc Warsmann a indiqué que ce texte sera probablement débattu au Sénat pendant la présente session extraordinaire et à l'Assemblée nationale au début d'une session extraordinaire au mois de septembre.
La Commission a rejeté cet amendement.
La Commission a ensuite rejeté un amendement du même auteur prévoyant le dépôt d'un rapport du Gouvernement sur la situation dans les établissements pénitentiaires, le rapporteur ayant jugé cet amendement sans lien avec le texte et rappelé qu'une loi pénitentiaire sera prochainement examinée par le Parlement.
La Commission a enfin été saisie d'un amendement de M. Michel Hunault prévoyant le dépôt d'un projet de loi pénitentiaire dans un délai d'un an. Après avoir estimé que la ministre de la justice avait fait une remarquable prestation lors de son audition par la Commission et avait témoigné de son ouverture d'esprit, M. Michel Hunault s'est félicité de l'annonce du dépôt d'un projet de loi sur le contrôle des prisons et de la constitution d'un groupe de travail sur une future loi pénitentiaire, mais a jugé que les problèmes de surpopulation carcérale pourraient être abordés concomitamment avec le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive. La situation des personnes incarcérées, qui a suscité une grande émotion chez les parlementaires, constitue en effet d'une des causes de la récidive et doit être améliorée.
a marqué son accord avec M. Michel Hunault, qui participe régulièrement aux rencontres parlementaires sur les prisons, et a jugé dramatique la situation des 63 000 personnes incarcérées. Il a regretté que le projet de loi pénitentiaire soit examiné après celui relatif à la récidive, qui va rendre plus difficiles les conditions de vie des personnes incarcérées, tout comme l'absence de grâce collective pour le 14 juillet. Il a rappelé que la commission d'enquête sur les prisons françaises avait fait en 2000 le constat d'une situation indigne de la République et il a jugé très légers les progrès effectués depuis. Ainsi, une mutinerie a eu lieu en 2007 dans un centre de détention pour mineurs où 32 détenus occupaient 12 mètres carrés. M. Serge Blisko a souhaité que l'amendement soit adopté afin d'alerter le Gouvernement sur la situation des prisons lors de l'examen en séance publique.
a déploré que, malgré le constat unanime effectué en 2000 par la commission d'enquête, les lois répressives se soient accumulées depuis 2002 et que les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, des psychiatres et des juges d'application des peines soient largement insuffisants. Il a estimé que le projet de loi augmentera le nombre de détenus alors que les prisons sont déjà surpeuplées et que les conditions de détention sont dénoncées par le Conseil de l'Europe. Jugeant que les préconisations du rapport de M. Guy Canivet sur le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires n'étaient pas suivies, il a appelé à adopter l'amendement afin de démontrer la volonté du Gouvernement et de la majorité de mettre en place une véritable politique de réinsertion.
Après avoir rappelé que tous les groupes parlementaires étaient d'accord sur la nécessité d'une loi pénitentiaire, M. Étienne Blanc a indiqué que le nombre de peines aménagées est en constante progression, ce qui est encourageant. Il a cependant estimé qu'un amendement demandant au Gouvernement de présenter un projet de loi pose un problème juridique et fait part de l'opposition des membres du groupe UMP à son adoption.
a jugé que la problématique des conditions carcérales mérite une loi à part entière plutôt qu'un amendement à un texte portant sur un autre sujet. Il a par ailleurs rappelé que les rapports sur la surpopulation carcérale concernent essentiellement la population carcérale majeure, tandis que le problème ne se pose pas pour les détenus mineurs.
a contesté l'idée selon laquelle on pourrait voter un texte ayant pour conséquence d'emprisonner davantage de mineurs au motif que les centres de détention pour mineurs ne sont pas remplis.
Le rapporteur a considéré que le problème des conditions carcérales ne doit pas être éludé mais a rappelé qu'une injonction au Gouvernement est inconstitutionnelle.
La Commission a rejeté cet amendement.
Article 11 : Application des dispositions du projet de loi dans les collectivités d'outre mer et en Nouvelle-Calédonie :
La Commission a adopté cet article sans modification.
Puis la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
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