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Commission des affaires économiques

Séance du 26 mars 2008 à 11h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • SRU
  • charges
  • logement
  • ménages

La séance

Source

Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire

La commission a d'abord nommé M. Jean-Yves Le Bouillonnec comme rapporteur sur la proposition de loi visant à donner un logement adapté à chacun et abordable pour tous (n° 737) et a ensuite procédé à l'examen de cette proposition.

PermalienPhoto de François Brottes

a indiqué qu'il s'agissait d'un texte important, dans la mesure où le droit au logement ne devait pas rester un droit virtuel. Il a estimé que cette proposition de loi illustrait clairement la capacité du groupe socialiste à formuler des propositions concrètes.

PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

, rapporteur, a rappelé que cette proposition de loi était le fruit d'une réflexion menée depuis un an et demi sur la politique du logement, par les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat, en étroite collaboration avec les élus, les bailleurs sociaux et les militants. Cette réflexion avait en outre été entamée dans le cadre des nombreux textes examinés sous la législature précédente, le groupe socialiste ayant déposé un nombre important d'amendement sur ces textes.

La présente proposition vise à un changement de cap dans la politique du logement, afin de favoriser l'accès au logement et le pouvoir d'achat des plus défavorisés, de dynamiser la construction de logements neufs, ainsi que l'accession, et de mobiliser le patrimoine privé.

L'ensemble des orientations adoptées dans le cadre des lois adoptées sous la précédente législature se sont avérées des échecs, non pas dans les intentions politiques, mais s'agissant des instruments utilisés et du cadre budgétaire.

La proposition de loi repose par conséquent sur trois axes :

– le pouvoir d'achat des ménages modestes et la protection des locataires,

– la réforme des dispositifs fiscaux en faveur du logement ;

– le soutien à la construction de logements sociaux, notamment grâce au renforcement de l'article 55 de la loi SRU.

Le premier volet de ce texte concerne la relance du pouvoir d'achat par la baisse des dépenses de logement, et la protection des locataires.

Il est ainsi proposé de limiter les hausses de loyer à la relocation, et d'améliorer les conditions de versement des aides au logement, avec notamment une revalorisation de ces aides, afin de tenir compte de l'inflation enregistrée depuis 2002, et la suppression du mois de carence, et du seuil de 15 euros en deçà duquel les aides ne sont pas versées.

Il est également proposé de revenir à une gestion du fonds de solidarité logement à parité entre l'État et le département, et de sécuriser les rapports locatifs, avec la création d'un fonds de garantie des impayés, qui soit véritablement universel et mutualiste. Il est proposé en conséquence, et dans un souci de cohérence, la suppression du cautionnement solidaire, qui perd son sens dès lors que le fonds de garantie est universel. Le dispositif améliore les conditions dans lesquelles le dépôt de garantie est restitué au locataire par le propriétaire.

La proposition de loi n'envisage pas uniquement le poids financier du logement du point de vue du loyer, mais également du point de vue des charges locatives, et des charges supportées par les propriétaires bailleurs qui investissent dans des travaux d'amélioration profitant au locataire occupant.

Enfin, le texte vise également à sécuriser les accédants à la propriété victimes d'accidents de la vie.

Le deuxième volet de cette proposition de loi concerne le financement de la construction de logements sociaux. Il vise notamment à renforcer le livret A, en en augmentant le plafond. Le livret A, en effet, est un instrument majeur de financement du logement social.

Par ailleurs, est proposée une réforme d'ampleur de la fiscalité du logement. L'ensemble des analyses économiques illustrent à quel point le dispositif de l'amortissement Robien est mal calibré.

De même, il semble nécessaire et légitime que les politiques publiques favorisant l'accession soient ciblées sur les ménages les plus modestes, ce qui permettrait du même coup d'accroître l'aide apportée par l'État à ces ménages.

En outre, il est proposé d'exonérer fiscalement les revenus locatifs des propriétaires bailleurs souhaitant accueillir des ménages bénéficiant du DALO.

Enfin, le troisième et dernier volet de la proposition de loi vise à relancer la construction de logements sociaux.

En effet, les dispositifs existants, en particulier l'article 55 de la loi SRU, méritent d'être précisés. Le texte renforce le système de pénalités de cet article de loi. L'État pourra par ailleurs disposer d'un droit de préemption dans les communes ne respectant pas leurs obligations légales au titre de l'article 55 de la loi SRU.

Outre les modifications de l'article 55 de la SRU, il est proposé d'apporter des modifications au droit de l'urbanisme, afin notamment de lutter contre la rétention foncière, et de permettre aux communes de récupérer une partie de la plus-value engendrée par le classement d'un terrain en zone urbaine. Il est également proposé de soutenir l'effort financier des collectivités locales qui construisent des logements sociaux, par le renforcement des dotations qui leur sont accordées.

Par ailleurs, il paraît indispensable que le contingent préfectoral ne puisse être délégué qu'aux présidents de structures intercommunales et non plus aux maires.

Enfin, il est proposé de prévoir que l'État doit vendre ses terrains et immeubles à des prix inférieurs à leur valeur vénale, dès lors qu'ils sont consacrés à la construction de logements, notamment sociaux.

PermalienPhoto de Michel Piron

, s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est interrogé sur l'intérêt de présenter aujourd'hui un tel texte, alors que le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi sur le logement dans les prochaines semaines. Le diagnostic du groupe SRC étant erroné, une mise en perspective des problèmes actuels en matière de logement s'impose.

Le titre I de la proposition de loi a pour objet une politique de la demande, alors que la politique de l'offre ne fait l'objet que du titre III. Or, selon un constat généralement partagé, la crise du logement s'explique par l'insuffisance des constructions dans les années 1990 à 2000. Les experts estiment ainsi qu'il manque de six cent mille à un million de logements. La priorité absolue est donc d'augmenter l'offre de logements. Augmenter les moyens financiers des demandeurs de logement sans augmenter l'offre, c'est contribuer à la hausse des prix de l'immobilier sans résoudre le problème.

La loi Robien avait pour objet de développer l'offre, et a permis de relancer la construction. 437 000 logements neufs ont été construits en 2007, confirmant une reprise entamée en 2004. Ces bons chiffres ne résultent pas de décisions prises il y a quelques mois, ils ont des origines plus anciennes. En outre, les délais sont longs entre la décision de financement et les réalisations concrètes. Ainsi, les financements actuels, plus que doublés en dix ans, ne sont pas encore totalement traduits par des réalisations sur le terrain. Il faut prendre en compte les problèmes de la filière de la construction.

Enfin, la notion de logement social elle-même est controversée. Elle ne recouvre pas le seul champ des PLAI.

La proposition de loi soulève une question fondamentale : avec qui, des communes et des intercommunalités notamment, mener la politique du logement ? Le dispositif Robien a déjà fait l'objet d'un reciblage : l'amélioration de la territorialisation est en cours. Quant à la dimension temporelle, il faut oeuvrer à la stabilité des règles, pour ne pas décourager les producteurs.

Des propositions du groupe SRC, celles qui sont nouvelles ne sont pas justes, et celles qui sont justes ne sont pas nécessairement nouvelles. Ainsi, l'article 5 vise à instaurer de nouvelles contraintes pour les banques : est-ce pertinent dans le contexte financier actuel ? La réforme du fonds de solidarité pour le logement (FSL) est-elle cohérente avec la décentralisation ? Comment articuler l'article 16, qui crée un lien entre le prêt à taux zéro (PTZ) et l'environnement, et l'article 19, qui fait du PTZ un instrument social ?

Sur la garantie des risques locatifs (GRL), pourquoi ne pas attendre le rapport qui sera présenté très prochainement par le Gouvernement ? La même question se pose à propos des articles 14 et 15 qui anticipent sur les conclusions des groupes de travail mis en oeuvre dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

En conclusion, on ne peut que déplorer la complexification des règles qu'entraînerait l'adoption de la proposition de loi, et le lourd accroissement des charges financières (dû à la revalorisation de l'APL, à la suppression du mois de carence et du seuil de 15 euros, à l'extension du taux réduit de TVA aux réseaux de chaleur, à l'obligation pour l'État et les établissements publics de vendre des terrains en dessous de leur valeur vénale, à la majoration des PTZ et au renforcement des dotations forfaitaires aux collectivités territoriales). Même s'il témoigne de bonnes intentions, un tel patchwork de mesures ne saurait recueillir l'assentiment du groupe UMP.

PermalienPhoto de Michel Piron

a conclu en préconisant qu'il convenait dans ces conditions de ne pas passer à l'examen des articles.

PermalienPhoto de François Brottes

, s'exprimant au nom du groupe SRC, a estimé que l'urgence sociale et la situation des millions de mal-logés imposaient de passer rapidement à l'examen des articles de la proposition de loi.

PermalienPhoto de Pierre Gosnat

a indiqué que la première réaction du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine (GDR) avait été de partager le constat fait dans l'exposé des motifs de la proposition de loi et d'approuver l'essentiel de ses quarante articles. Il a estimé que l'opportunité d'examiner une telle proposition de loi n'était pas contestable dans la mesure où le logement constituait, avec l'emploi, la préoccupation majeure des familles et des jeunes. Cette préoccupation portait à la fois sur la recherche d'un logement et sur la part croissante représentée par le coût du logement dans le budget de chaque foyer. La situation actuelle est à certains égards comparable à la crise des années cinquante : l'offre générale de logements, de même que celle de logements sociaux, est insuffisante. Dans le même temps, la production de logements sociaux se ralentit, l'État se désengage dans l'attribution des aides à la pierre et certains maires refusent d'appliquer l'article 55 de la loi SRU rendant obligatoire un pourcentage de 20 % de logements sociaux. Dans le parc privé, une augmentation des loyers de l'ordre de 15 à 20 % est constatée lors des relocations. De même, dans le logement social, une augmentation des prix est constatée pour les constructions neuves : les loyers s'élèvent désormais à 650 ou 700 euros hors charges pour des F3. Comme l'a souligné le rapporteur, le PLS, qui représente une grande partie du parc social, est devenu inaccessible pour les jeunes et les foyers à revenus modestes. Il est nécessaire de s'interroger sur les raisons qui ont conduit à cette situation, alors que pendant plusieurs décennies il avait toujours été possible de répondre à la demande. La réforme Barre en 1977 a fixé le cap, en soulignant que le logement, dont le coût représentait à l'époque 12 à 15 % des revenus des ménages, n'était pas considéré à sa juste valeur marchande, évaluée plutôt aux alentours de 30 % de ces mêmes revenus. Depuis, l'État s'est désengagé massivement, un phénomène de spéculation est apparu et le logement est devenu de plus en plus une marchandise comme une autre.

L'exposé des motifs de la proposition de loi entend « balayer une partie des grandes thématiques du secteur du logement afin de redonner du pouvoir d'achat aux ménages les plus éprouvés » mais ce pouvoir d'achat ne peut venir que d'une augmentation des salaires et cette formule apparaît trop restrictive. Il aurait fallu rappeler avant tout le droit au logement, duquel doivent découler les mesures proposées. Le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine approuve les articles de la proposition de loi avec parfois quelques réserves. L'article 32 par exemple fixe un seuil trop élevé, rares étant les communes comptant déjà plus de 50 % de logements sociaux. L'article 38, qui vise à revenir sur la délégation faite au maire du contingent préfectoral, prévoit un cadre trop restrictif car toutes les communes ne sont pas engagées dans un processus d'intercommunalité. Il aurait fallu également prévoir des articles traitant de la réhabilitation du parc social et du parc privé dégradé. L'accès des jeunes à un logement aurait aussi sans doute gagné à être davantage mis en avant.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que la majorité partageait le constat fait par le rapporteur. Il a précisé qu'une réunion devait avoir lieu le soir même au ministère du logement sur le futur projet de loi qui sera déposé par Mme Christine Boutin. La majorité était donc consciente de la nécessité de faire évoluer les choses. Un certain nombre d'éléments présents dans la proposition de loi seront repris dans le projet de loi et il sera intéressant de voir si l'opposition votera à cette occasion les dispositions du texte du Gouvernement.

Cependant, la proposition de loi prévoit également de nouvelles contraintes. La France accuse un retard en matière de logement et la crise actuelle est le fruit d'un manque de volonté politique aussi bien à gauche qu'à droite. C'est pendant la période 1997-2002 que ce retard s'est le plus creusé. La volonté de le rattraper aujourd'hui se heurte à un marché de la construction saturé et à l'incapacité des entreprises à répondre aux appels des élus et à tenir leur calendrier. Les difficultés actuelles sont également liées à un problème d'acheminement des matériaux. La proposition de loi crée des charges induites considérables, alors qu'il faudrait réduire ces charges. Il est dangereux de renforcer les contraintes sur les propriétaires bailleurs. Ces contraintes doivent être examinées dans le cadre de la commission nationale de concertation et risquent d'avoir un effet dissuasif, qui peut augmenter la vacance de logements. Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) doit quant à lui rester un instrument permettant la libération de logements sociaux et favorisant les rotations. La suppression de la délégation faite au maire du contingent préfectoral n'est pas non plus opportune car le maire est l'autorité de proximité qui connaît le mieux les problèmes et revenir sur cette délégation consisterait à remettre en cause un élément de décentralisation.

PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

a répondu aux interrogations portant sur l'opportunité de l'examen de cette proposition de loi, en rappelant que celle-ci était le résultat d'une participation très active et continue de son groupe sur le thème du logement. Il a également réaffirmé qu' un véritable changement de cap était aujourd'hui nécessaire. Le PLS, notamment parce qu'il ne coûte rien à l'État, a été favorisé. Mais il est inaccessible à près des deux tiers des demandeurs de logements. Il a également relevé les changements d'attitude de la ministre du logement, qui semble annoncer aujourd'hui le dépôt prochain d'un projet de loi, tout en ayant explicitement écarté cette hypothèse lors des discussions budgétaires de l'automne dernier. S'agissant des contraintes, il est regrettable qu'une seule ville située dans le Val-de-Marne, soit réellement sanctionnée pour non-respect de l'article 55 de la loi SRU. Une loi doit être appliquée partout.

La Commission a alors décidé de ne pas passer à l'examen des articles et en conséquence de ne pas présenter de conclusions.

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