La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Besnoit Apparu, le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (article 17) – n° 820.
, a souligné, en introduction, que la saisine pour avis de la commission a un champ évidemment restreint puisqu'elle ne concerne que l'article 17 du projet de loi constitutionnelle, qui prévoit de laisser aux assemblées parlementaires la liberté d'instituer en leur sein jusqu'à huit commissions permanentes, au lieu des six actuellement prévues par l'article 43 de la Constitution.
Au moment où l'on s'apprête à fêter le cinquantième anniversaire de la Constitution de 1958, le gouvernement entreprend une réforme constitutionnelle de grande envergure, conséquence logique d'une autre réforme constitutionnelle, celle du quinquennat. En effet, en adoptant le quinquennat, couplé à la concomitance des élections législatives et présidentielles, le pouvoir du président de la République a été renforcé et il convient maintenant de rééquilibrer ce pouvoir au profit du Parlement.
La revalorisation du Parlement passe par un certain nombre de mesures visant à renforcer ses prérogatives. Parmi les dispositions les plus emblématiques du projet de loi constitutionnelle, on peut retenir le partage de l'ordre du jour entre le Gouvernement et les assemblées (article 22 du projet), la limitation de l'usage de l'article 49 alinéa 3 (article 23), la fixation d'un délai minimum d'examen des textes ou encore la discussion en séance publique du texte adopté par les commissions (article 16).
L'article 17 du projet de loi constitutionnelle représente une formidable opportunité pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de répondre à la revendication, déjà ancienne, de se scinder. La première proposition de scission date en effet de 1969.
Le choix, opéré en 1958, d'une commission unique pour traiter les affaires culturelles et sociales répondait aux enjeux du moment, qui ne sont plus ceux d'aujourd'hui. En 1958, les rédacteurs de la Constitution ont voulu rompre avec la tradition républicaine de commissions permanentes et spécialisées car celles-ci, multiples, donnaient prises aux groupes de pression. Pour cela, ils ont instauré des commissions spéciales et temporaires, les commissions permanentes ne devant plus être saisies que de textes simples et d'intérêt mineur.
En fait, les commissions permanentes ont peu à peu retrouvé leurs prérogatives, se saisissant de l'ensemble des textes, et la pratique des commissions spéciales est restée marginale (environ 1% des textes). Dès lors, les défauts de l'organisation de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sont devenus criants :
– des effectifs pléthoriques – un quart des parlementaires, 120 en 1958 et 145 aujourd'hui, soit l'équivalent de la chambre des représentants de Belgique et une fois et demie le Sénat américain – incompatibles avec un travail législatif de qualité ;
– un champ de compétence extrêmement vaste : la variété des sujets traités par la commission témoigne d'une époque où les problématiques éducatives, culturelles et sociales n'avaient pas l'importance qu'elles ont aujourd'hui. Or, au fil de la Ve République, les questions éducatives, culturelles et sociales sont devenues de plus en plus importantes dans la société. Aujourd'hui, 11 des 37 portefeuilles ministériels (près de 30 %) du gouvernement de M. François Fillon portent sur ces questions sociales, éducatives et culturelles alors que le gouvernement de Félix Gaillard (1957-1958) ne comprenait que six portefeuilles ministériels sur 35 dans ce domaine (moins de 17 % du total) et le premier gouvernement de Michel Debré, 5 sur 26 (moins de 20 % du total).
A ces évolutions s'ajoute la montée en puissance des activités d'information et de contrôle de la commission. Cette pratique était presque inexistante il y a une dizaine d'années. Si aujourd'hui la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est pleinement saisie de ces activités de contrôle, celui-ci est moindre dans le champ culturel en raison du poids des attributions de la commission en matière sociale.
La charge de travail de la commission est en effet très lourde. Aujourd'hui, elle est la plus active des commissions permanentes : elle comprend un quart des membres de l'Assemblée, représente près du quart de la durée globale des réunions de commissions et occupe près du tiers du temps de séance de l'Assemblée nationale. Les chiffres du dernier rapport d'activité donnent le tournis : 369 réunions de commission représentant 597 heures, 60 lois examinées, 297 rapports publiés et plus de 40 000 amendements examinés. Cela a été accompli au détriment des sujets culturels que la commission n'était pas en mesure, faute de temps, de traiter de manière aussi approfondie qu'elle l'aurait souhaité.
Une commission des affaires culturelles de plein exercice sera donc plus à même d'exercer la plénitude de ses missions. C'est pourquoi il sera proposé, dans la révision du Règlement qui suivra la révision constitutionnelle, de scinder la commission des affaires culturelles, familiales et sociales en une commission des affaires sociales et une commission des affaires culturelles.
La question fondamentale sera de déterminer les limites du périmètre des deux futures commissions. Le champ de la commission des affaires sociales devrait inclure la santé, le travail, l'emploi, la sécurité sociale, la solidarité et la formation professionnelle. Le champ de la commission des affaires culturelles devrait inclure la culture, la communication, l'éducation, la recherche, ainsi que la jeunesse et le sport.
Les auditions menées par le rapporteur ont montré que cette ligne de partage à l'intérieur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ne souffre d'aucun débat. Il existe une unanimité pour l'adopter. Les interrogations résident plutôt dans le tracé de la frontière avec les autres commissions permanentes comme l'illustrent les quatre exemples suivant :
– Les textes relatifs au droit d'auteur sont actuellement renvoyés à la commission des lois alors qu'au Sénat ils le sont à la commission des affaires culturelles. Il conviendrait de les réintégrer dans le champ de la commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale.
– Les textes relatifs à la recherche sont renvoyés à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales lorsqu'ils concernent l'organisation de la recherche et la recherche fondamentale et à la commission des affaires économiques lorsqu'ils concernent la recherche appliquée. Il serait opportun de rapatrier l'ensemble des questions de recherche à la commission des affaires culturelles, et créer ainsi un pôle recherche fort en son sein.
– À l'inverse, les textes relatifs aux anciens combattants, y compris ceux portant sur leurs droits à pension, devraient relever des attributions de la commission de la défense plutôt que de la future commission des affaires sociales.
– Plus problématique est la question du secteur des communications électroniques. Les textes concernant les « tuyaux », c'est-à-dire ceux relatifs à ce qui était anciennement dénommé les télécommunications, sont actuellement renvoyés à la commission des affaires économiques, tandis que ceux relatifs aux contenus transmis par les réseaux de communications électroniques sont renvoyés à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce partage décidé en 1959 est apparu au fil du temps de plus en plus artificiel. Le rapprochement des contenus et des contenants est aujourd'hui évident ; il suffit de voir le partenariat que viennent de signer Orange et France Télévision. Il n'est plus possible de traiter comme auparavant ces questions. Il serait cohérent que les contenus l'emportent sur les contenants et donc de confier à la future commission des affaires culturelles le champ de compétences des communications électroniques, mais cela fera l'objet d'un débat avec la commission des affaires économiques.
Plus généralement, 70 % des textes examinés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales relèvent du champ du social et 30 % du champ culturel. L'élargissement des attributions de la future commission des affaires culturelles aurait l'avantage d'équilibrer cette charge de travail entre les commissions. En outre, la scission proposée permettra à la future commission des affaires culturelles de se saisir plus fréquemment pour avis des textes relatifs à des questions n'entrant pas dans son champ de compétence au sens strict, ce que la commission des affaires culturelles du Sénat fait couramment.
Enfin, concernant le nombre maximal de commissions permanentes inscrit dans la Constitution, le chiffre de huit apparaît comme étant le plus pertinent. Il ne représente certainement pas une menace pour l'équilibre des institutions. Il ne serait, en revanche, pas opportun de le retirer de la Constitution pour l'inscrire dans la loi organique ou le Règlement de l'Assemblée.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Le président Pierre Méhaignerie a remercié le rapporteur pour ses propos dont il a résumé le sens par l'expression « Vivement demain ! ». La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a effectivement du mal à exercer de manière satisfaisante sa fonction de contrôle.
Observant que le vieux rêve de création d'une commission des affaires culturelles à l'Assemblée datait de quarante ans, M. Christian Kert a également souligné que ce débat intervenait immédiatement après qu'a été prononcé en séance publique l'éloge funèbre d'un homme politique de culture, Aimé Césaire, qui aimait à souligner que son combat politique et son oeuvre artistique allaient de pair.
La perspective de cette création intervient à un moment où coexistent deux débats sur la culture : celui, essentiel, sur la place que la culture doit conserver dans notre société, d'une part ; celui de la place de l'Etat dans la politique culturelle, d'autre part, premier dossier dont la future commission des affaires culturelles pourrait se saisir.
Le rapporteur a tout à fait raison de considérer que jusqu'à présent, les questions éducatives et culturelles ont nécessairement eu tendance à passer au second rang : une commission dont le champ de compétence sera moins large pourra notamment mieux se pencher sur les médias et la communication, sans oublier, dans la ligne tracée par le rapport d'information de Mme Muriel Marland-Militello sur cette question, que l'éducation comprend également les enseignements artistiques.
Enfin, il n'aurait pas été satisfaisant que la France demeure en Europe le seul pays à ne pas disposer d'une commission permanente en charge des affaires culturelles et éducatives ; il reste toutefois à en déterminer le périmètre, qui devra en tout état de cause inclure les droits d'auteur. Mais pour l'heure, il faut remercier le président Pierre Méhaignerie d'avoir considéré avec une même importance les questions sociales et les questions culturelles depuis qu'il préside la commission.
Rappelant qu'il avait travaillé deux ans au cabinet de Jacques Duhamel, lorsque celui-ci était ministre de la culture, le président Pierre Méhaignerie a souligné que son intérêt pour l'ensemble des questions traitées par la commission n'était donc pas nouveau.
Reconnaissant ressentir un crève-coeur à la perspective de voir s'opérer la scission de la commission, compte tenu du caractère éclectique et passionnant des sujets qui y sont traités, M. Marcel Rogemont a cependant admis que l'organisation actuelle péchait fortement et que M. Jean Le Garrec, lorsqu'il présidait la commission, avait déjà milité pour une telle réforme. Le débat porte en revanche sur le point de savoir si le nombre maximal de commissions permanentes doit être fixé dans la Constitution ou relever de chaque assemblée. Quant à la discussion sur le périmètre de la future commission, elle est éminemment politique : il faudra donc faire primer le sens sur la technique et adopter une approche large, comme l'a indiqué le rapporteur, en lui confiant par exemple le droit d'auteur de même que l'ensemble des questions liées à la communication et à la télévision.
Jugeant que le fait que le projet de loi en soit réduit à aborder le nombre maximal de commissions permanentes montrait le peu de hauteur pris par le débat sur la réforme constitutionnelle, M. Maxime Gremetz a relevé que ce sujet était débattu depuis au moins trente ans et indiqué qu'il était favorable à ce que ce nombre soit porté à huit ou dix. Débordée de travail, la commission est actuellement un véritable monstre qui doit tout aborder et n'approfondit donc rien. Mais si un accord semble facile sur ce point, celui du champ de compétence des commissions sera certainement beaucoup plus débattu. Par exemple, sait-on à qui sera confié le droit du travail, qui doit être inclus dans les questions sociales mais peut concerner les intermittents du spectacle ? En outre, l'ensemble des associations ne souhaitent pas que les anciens combattants relèvent de la commission de la défense, elles qui craignent déjà que ne soit supprimé le secrétariat d'Etat en charge de ces questions.
s'est félicité qu'après quarante années de tentatives infructueuses, il soit aujourd'hui possible de décider de la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Jusqu'à présent, l'ordre du jour de la commission étant très chargé, il n'est pas possible aux parlementaires de s'impliquer réellement dans l'examen de tous les textes. La scission en deux commissions permettra donc un travail plus approfondi.
Si le principe de la scission de la commission semble acquis, il reste à déterminer les champs de compétences de la commission chargée des affaires sociales et de celle chargée des affaires culturelles et de l'éducation. Certaines questions posent problème, par exemple, la formation professionnelle, qui relève du droit du travail mais qui doit être aussi envisagée comme une forme d'éducation permanente. On pourrait aussi évoquer la question du code du travail qui relève incontestablement de la commission des affaires sociales, mais dont la dimension culturelle ne peut être négligée en raison du poids de sa longue l'histoire.
Concernant les nouvelles modalités d'examen des textes prévues par la révision constitutionnelle, il faut souligner l'importance du changement introduit par l'article 16 qui prévoit qu'un texte ne pourra être examiné en séance publique qu'à l'expiration d'un délai d'un mois après son dépôt, ce qui permettra aux commissaires de s'emparer pleinement des sujets et de les traiter au fond. Cette novation est d'autant plus importante que la discussion des projets de loi en séance publique se fera désormais, selon le même article, à partir du texte adopté par la commission saisie au fond. Par ailleurs, même si les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas visés par cet article 16, il serait souhaitable que les députés disposent du temps nécessaire pour un examen approfondi de ces textes particulièrement complexes et donc que le Gouvernement ne dépose pas les projets de loi de financement de la sécurité sociale moins de quinze jours avant leur examen en séance publique.
s'est interrogé sur la pertinence de faire figurer dans la Constitution le nombre des commissions permanentes. Dans la mesure où il est envisagé de revaloriser le rôle du Parlement, pourquoi ne pas lui laisser la liberté sur ce point ?
Si la charge de travail de la commission est incontestablement trop lourde, le passage de six à huit commissions permanentes pourrait être l'occasion de réfléchir à une répartition des compétences plus fine que la simple scission des deux grandes commissions, celle des affaires économiques et celle des affaires culturelles. Au partage des questions relatives au travail et à l'emploi, par exemple, actuellement réparties entre ces deux commissions, on risque d'ajouter un éclatement encore plus fort si la question de la formation professionnelle relevait de la commission des affaires sociales et les questions d'éducation de la future commission des affaires culturelles. Il serait donc important d'avoir une réflexion globale sur le nouveau découpage de ces sujets, étroitement liés.
, tout en se déclarant favorable à la création de deux nouvelles commissions, s'est interrogée sur leur fonctionnement : sera-t-il assuré par un redéploiement du personnel de l'Assemblée ou par des recrutements supplémentaires ?
En réponse à cette interrogation, le président Pierre Méhaignerie a précisé que la scission de la commission se ferait sans recrutement nouveau de fonctionnaires parlementaires, l'Assemblée nationale n'échappant pas à la nécessité de maîtriser ses dépenses.
a constaté que, depuis la disparition d'Édouard Landrain, très impliqué dans le secteur associatif et sportif, le sport est un peu le parent pauvre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Il est frappant de constater qu'en Allemagne, en Autriche ou en Bulgarie, il existe des commissions spécifiques pour traiter des questions sportives.
En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :
– Concernant l'opportunité de faire figurer dans la Constitution le nombre de commissions, il convient de souligner que, jusqu'à présent, cette question est de valeur constitutionnelle, la Constitution prévoyant explicitement que le nombre de commissions est fixé à six. Il serait possible de renvoyer à la loi organique le soin de déterminer le nombre de commissions, mais cette décision reviendrait à donner au Sénat un pouvoir considérable sur l'organisation du travail à l'Assemblée nationale puisque la loi organique devrait être votée dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale. Par ailleurs, il n'est pas envisagé de renvoyer cette question au règlement des assemblées parlementaires.
Suite à cette remarque, M. Maxime Gremetz a estimé que les précisions données par le rapporteur avaient de fortes chances d'être vaines car il est fort improbable que la révision constitutionnelle aille jusqu'à son terme. A l'avenir, il est donc vraisemblable que l'on évoque à nouveau la nécessité de créer une commission des affaires culturelles pour alléger le travail de la commission chargée des affaires sociales.
Puis, le rapporteur a poursuivi ses réponses :
– Concernant l'intérêt de scinder en deux la commission, celui-ci est incontestable car il permettra un travail beaucoup plus approfondi de chaque commission qui pourra, par exemple, se saisir pour avis de certains projets de loi alors que cette possibilité est rendue aujourd'hui très difficile en raison de l'encombrement de l'ordre du jour de la commission.
– Quant à la question de savoir comment seront traitées les questions relatives à la jeunesse et au sport, il paraît cohérent de les attribuer à la commission qui traitera des questions d'éducation et de culture. En effet, compte tenu des vertus éducatives du sport, et même si actuellement la ministre chargée de la santé est aussi en charge du sport, il paraît préférable que ce soit la commission chargée de l'éducation qui traite des questions sportives. Cette répartition des compétences est aussi préférable pour éviter un trop fort déséquilibre dans le nombre de projets de loi traités par les deux commissions, 70 % des textes adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sous la précédente législature ayant trait aux questions sociales. Il est en outre important de noter que, dans les projets de loi dits « culturels », une très grande part revient à des textes relatifs aux questions sportives. Si l'on attribuait le sport à la commission des affaires sociales pour en faire un bloc de compétences avec les questions de santé, le déséquilibre entre les deux commissions serait donc beaucoup trop fort. Cela n'interdira cependant pas la commission des affaires sociales de se saisir pour avis des textes relatifs au sport, renvoyés au fond à la commission des affaires culturelles.
La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 17 du projet de loi constitutionnelle.
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