Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
La commission a entendu, au cours d'une réunion commune avec la Délégation pour l'Union européenne, M. Michel Barnier, ministre de l'Agriculture et de la Pêche.
Le Président Patrick Ollier s'est déclaré heureux d'accueillir le ministre de l'agriculture et de la pêche afin d'évoquer le « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC). Ce dernier fait déjà l'objet d'un groupe de travail coprésidé par MM. Hervé Gaymard et Michel Raison, constitué de membres de la Délégation pour l'Union européenne (MM. Jean Dionis du Séjour et Jean-Claude Fruteau) et de la commission des affaires économiques (MM. Jean Gaubert, André Chassaigne et Robert Lecou). Ses travaux devraient aboutir d'ici la fin du premier semestre. Les mesures issues de ce « bilan de santé » seront adoptées sous la présidence française de l'Union, dont elle constituera un enjeu essentiel.
Il a également remercié le ministre d'avoir associé les parlementaires à son travail, notamment à Bruxelles.
Il s'est interrogé sur l'avenir des quotas laitiers et des autres outils de la politique d'aménagement du territoire, notamment compte tenu des déclarations de la Commission européenne le 20 novembre. Il a salué sur ce point la création d'un secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire, qui contribue à la lisibilité politique de ces questions.
, a souhaité la bienvenue au ministre et s'est également félicité de la mise en place du groupe de travail commun avec la commission des affaires économiques.
Le conseil des ministres de l'agriculture européens ayant adopté à l'unanimité, le 17 mars, un certain nombre de conclusions sur ce « bilan de santé », il a souhaité des précisions sur les termes de politique agricole « plus préventive et plus équitable », employés par le ministre. Quelles filières devraient être davantage aidées ? Comment assurer la croissance de la capacité alimentaire pour nourrir les 9 milliards d'habitants que comptera la planète en 2050 ? Comment défendre la préférence communautaire au sein des institutions internationales et, notamment, de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ? Il semble, enfin, que la Commission ait été réticente à l'idée d'engager la réflexion sur la nouvelle PAC souhaitée par la France. Qu'en est-il précisément ?
s'est déclaré heureux de se retrouver face à la commission des affaires économiques et à la Délégation pour l'Union européenne, avec laquelle il a l'habitude de travailler.
Le ministre a rappelé en préalable que, depuis 1962, la PAC constitue la première, voire, la seule politique économique européenne car elle mutualise les politiques nationales à un degré d'intégration qui n'a jamais été atteint par aucune autre politique. Certains prétendent qu'il faudrait « mettre l'argent ailleurs », notamment dans la recherche. Or, si l'effort de mutualisation européen en faveur de la recherche était comparable à celui de l'agriculture, 2 % du PIB européen y seraient consacrés. Les dépenses du « premier pilier » de la PAC représentent 9,1 milliards ; le « second pilier » – montagne, mesures environnementales, installation et modernisation – atteint 900 millions tandis que les fonds nationaux français s'élèvent à 800 millions pour les interventions économiques et à 900 millions pour les contreparties nationales du « second pilier ». Le rapport est donc de un à dix.
Il a fait remarquer que, si les institutions européennes sont faibles, les politiques s'affaiblissent et cet affaiblissement concernera, au premier chef, les politiques agricole et régionale. Le Traité de Lisbonne est donc une boîte à outils indispensable pour tous ceux qui considèrent que l'Europe ne peut être réduite à un vaste supermarché ou à une zone de libre échange.
2008-2009 constitue une période charnière pour la PAC. En effet, à la demande de MM. Chirac et Schröder, le budget de la PAC et son économie générale ont été stabilisés pour 2003 à 2013. Un rendez-vous d'évaluation et d'adaptation dit « bilan de santé » avait alors été prévu. Il s'agit d'un moment politique important en soi mais également pour anticiper le débat sur la PAC d'après 2013, de manière à ce que la discussion budgétaire de 2010 ne soit pas exclusive de tout autre et n'imprime pas sa marque aux débats de fond. En règle générale, pour préparer une nouvelle politique, il est nécessaire de s'y prendre deux à trois ans en avance. Dans la mesure où des élections européennes auront lieu en 2009, le choix du Président de la République d'anticiper le débat apparaît judicieux. Un conseil des ministres de l'agriculture informel se déroulera à ce propos à Annecy au mois de septembre.
Parce que l'agriculture a été, est et restera un actif stratégique pour l'Europe, il faut mettre en place une politique ambitieuse partagée par tous dans un contexte de grands changements mondiaux : planète de plus en plus peuplée – selon l'INRA, il faudra doubler la production alimentaire pour nourrir 9 milliards d'habitants en 2050 – ; prix des matières premières agricoles à la hausse ; demande alimentaire évolutive dans les grands pays émergents – la Chine, par exemple, consomme de plus en plus de protéines animales ; accidents climatiques. Pour toutes ces raisons, la demande sera donc durablement plus forte que l'offre. En outre, les risques sanitaires sont de plus en plus fréquents : les « pathogènes émergents » (virus du chikungunya, fièvre catarrhale) surgissent n'importe où, n'importe comment et touchent indifféremment les animaux, les végétaux et les êtres humains. Enfin, les Français et l'ensemble des Européens étant de plus en plus sensibles à l'environnement, l'écologie constitue désormais une composante essentielle du développement économique.
Un grand journal du soir a évoqué un « retour de l'agriculture ». Dans son dernier rapport, la Banque mondiale considère, quant à elle, que l'agriculture est le premier levier pour lutter contre la pauvreté. Le Forum économique de Davos a identifié l'insécurité alimentaire parmi les quatre menaces qui pèsent sur la planète : plus que jamais, l'agriculture est donc au coeur des enjeux planétaires. Il importe que l'Union européenne conforte cet acquis stratégique.
Il a été souhaité que le débat sur le « bilan de santé » soit décentralisé dans le cadre des Assises de l'agriculture auxquelles de nombreuses forces vives ont participé, notamment, les représentants du syndicalisme agricole. Des discussions ont eu lieu dans chaque département à l'occasion de sessions spéciales organisées dans les chambres d'agriculture. Il en ressort un accord assez unanime sur de grands objectifs : garantie de l'indépendance et de la sécurité alimentaires ; volonté de participation aux grands équilibres mondiaux ; mise en place d'une agriculture durable tenant compte des nécessités de la lutte contre le changement climatique ; répartition équilibrée sur l'ensemble des territoires. En outre, l'alimentation et le cadre de vie des consommateurs ne sauraient être abandonnés à la spéculation financière internationale, aux seules lois du marché ou au « moins-disant » sanitaire ou environnemental ; enfin, la vigilance doit être de mise dans le cadre des négociations internationales afin que, dans un souci de les conclure rapidement, l'agriculture européenne ne soit pas considérée comme une variable d'ajustement. Il s'agit donc d'adapter, en le préservant, notre modèle agricole.
Le conseil des ministres de l'agriculture du lundi 17 mars a été particulièrement important puisqu'il constituait le premier rendez-vous politique sur le « bilan de santé ». Ses conclusions ont été adoptées à l'unanimité moins deux abstentions. Il faut rendre hommage à l'important travail accompli sous la présidence slovène, d'autant que, sous la pression des Etats membres, ce conseil a été plus loin que la Commission ne le souhaitait, notamment en intégrant dans ses préoccupations, la volatilité des prix et la prévention des risques.
Ce conseil a défini quatre priorités.
La première priorité est d'instaurer une politique agricole plus préventive en adaptant la PAC à la nouvelle réalité des marchés agricoles dans l'intérêt des consommateurs et des agriculteurs. Cela se traduira par un dispositif nouveau de gestion des risques ou des aléas économiques, climatiques et sanitaires. Le renforcement des filières, notamment en encourageant les interprofessions à s'organiser, comme c'est le cas pour les secteurs des fruits et légumes et du vin, s'inscrit également dans cette perspective. Enfin, le principe du maintien des mécanismes de gestion de marchés - dont l'intervention - a été obtenu, même s'il est dans l'idée de la Commission de les affaiblir.
La deuxième priorité est de consolider les bassins de production les plus fragiles, ce qui passe par une ouverture du champ d'application de l'article 69 du règlement (CE) n° 1782-2003 du Conseil. La réorientation des aides du « premier pilier » à travers leur modulation ou leur redistribution devrait permettre de tenir compte de la réalité des prix en fonction des situations et de mieux soutenir les filiales et les territoires qui en ont besoin, en particulier les élevages ovin et caprin et, d'une manière générale, les productions animales à l'herbe, l'agriculture biologique et le secteur des fruits et légumes. Il est par ailleurs souhaitable de mettre en place un plan protéagineux.
La troisième priorité est de limiter les transferts du « premier » vers le « second pilier ». Contrairement à la Commission, le conseil des ministres considère que la PAC doit demeurer une politique économique et ne saurait être limitée au développement rural. Si les montants du « premier pilier » diminuent trop au profit du second, la redistribution des aides serait par voie de conséquence rendue beaucoup plus difficile. En outre, tout transfert vers le « second pilier » devant être cofinancé par le budget national, cela compliquerait la situation compte tenu du contexte budgétaire.
La quatrième priorité est de préserver le soutien à l'agriculture en améliorant la légitimité et la lisibilité de la PAC. S'agissant du plafonnement des aides, la France était moins touchée dans la mesure où les entreprises agricoles sont de petite taille. Un compromis devrait être trouvé autour d'une modulation obligatoire proportionnelle des aides et non plus linéaire. Il importe en outre de réduire les écarts entre les niveaux de soutiens, qui s'établissent entre 40 et 400 euros par hectare selon les productions et les territoires. Il est certain que les références historiques ne tiendront pas. Sans aller vers une régionalisation, c'est-à-dire vers une prime unique à l'hectare dans toute la France, on pourrait résoudre ce problème par une diversification des outils de la PAC : un meilleur équilibre entre les aides à travers l'article 69 ; des prélèvements différenciés et un soutien aux productions fragilisées.
Pour l'heure, les orientations politiques en ce sens sont posées mais la boîte à outils n'est pas encore disponible. Il y a la possibilité d'agir mais des réponses n'ont pas encore été données aux questions suivantes : où mettre le curseur ? Vers quelles productions réorienter les aides ? Comment aborder le second pilier ?
En tout état de cause, cette politique ne sera pas imposée : il faut en effet se garder de toute arrogance et veiller à convaincre et à écouter chaque partenaire. Le 1erjuillet, le ministre aura terminé la visite aux 26 autres pays de l'Union européenne afin de construire cette stratégie d'alliance. Il faut en effet compter avec les 27 ministres de l'agriculture européens qui disposent de 345 voix, la France en ayant 29 ; la minorité de blocage se situant à 91 et la majorité qualifiée, à laquelle se prennent toutes les décisions, à 255.
A partir du 1erjanvier 2009, conformément au Traité de Lisbonne, la codécision sera généralisée ; les décisions seront soumises au Parlement européen. Les contacts avec cette institution sont donc particulièrement importants et c'est pourquoi, à compter de juillet prochain, il se rendra personnellement une fois par mois à Strasbourg.
Enfin, même si le débat qui s'est déroulé dans les chambres d'agriculture n'a pas été parfait, il a été ouvert – notamment aux associations de consommateurs et de protection de l'environnement ainsi qu'aux élus – et 5 000 personnes y ont participé. Cette concertation se poursuivra, avec les parlementaires comme avec les associations et avec les syndicats professionnels.
a indiqué qu'à ce stade, le groupe SRC n'avait guère de critiques à formuler sur les intentions exprimées. Il est exact qu'une réflexion sur la politique agricole européenne implique également de prendre en compte les problèmes liés à l'alimentation sur le plan mondial, de même que ceux liés à la production de biocarburants, qui entraînera une diminution de la surface consacrée à l'agriculture.
Il importe également de s'interroger sur la place de l'Europe dans les marchés internationaux et en matière de commerce équitable, de même que sur le rôle de l'agriculture dans l'aménagement du territoire.
S'agissant du bilan de santé et de la réforme de la PAC, il ne faut en effet pas attendre 2010 pour agir. Des propositions doivent d'ores et déjà être formulées pour l'après 2013 sachant que la conjoncture a déjà considérablement évolué depuis 2003 puisque les productions étaient alors excédentaires et les prix bas.
Il s'est interrogé, par ailleurs, sur la modulation et sur le système des primes que la forte augmentation du prix des céréales suffit à délégitimer. Le conserver tel quel jusqu'en 2013 risque de poser un certain nombre de problèmes de société et il est vrai, comme l'a indiqué le ministre, que « les références historiques ne tiendront pas ». Une réforme totale de la PAC est urgente, de même qu'un rééquilibrage en faveur des productions plus respectueuses des sols et de l'environnement telles que l'herbe ou l'agriculture biologique.
Il faut en outre prendre garde à la régionalisation des aides car il ne s'agit pas d'organiser la solidarité entre les pauvres. Une péréquation nationale, dans ce cas-là, s'imposerait.
Enfin, s'agissant des quotas laitiers, l'annonce d'une augmentation de 2 % a provoqué une décélération du marché. L'abandon des quotas risquerait d'entraîner un effondrement du prix du lait, ce qui toucherait évidemment les producteurs. Il a souhaité également des précisions sur les aides à la pêche.
Si le groupe SRC approuve globalement les intentions du ministre, il jugera les résultats obtenus.
a jugé que les débats départementaux n'avaient pas été à la hauteur des attentes : 5 000 participants, cela représente une moyenne de 50 à 60 personnes par département, ce qui est très peu. Certains élus des chambres d'agriculture n'y ont en outre pas été associés, ni les parlementaires.
Pour apprécier véritablement les propositions qui sont faites, la question essentielle est de savoir si seul le marché fera la loi – les agriculteurs fournissant les matières premières aux prix mondiaux – ou si une véritable politique agricole sera mise en place avec des outils de régulation et d'intervention. Or, il semble que certains verrous sautent et que la dérégulation est en cours. La PAC ne sera ni durable ni bénéfique aux hommes et aux territoires sans une remise en cause de l'OMC. Les propositions du ministre permettront-elles par ailleurs d'atteindre les objectifs en matière d'emploi, d'environnement, de sécurité alimentaire ? Quid des découplages ? Un rééquilibrage en faveur de l'élevage est-il envisagé – prime à la vache allaitante, maintien ou non d'une prime à l'herbe – alors qu'un découplage intégral entraînerait la désertification agricole de territoires entiers ? Quid de la relance des protéagineux ? Par ailleurs, le plafonnement des aides sera-t-il envisagé par actif et par exploitation ? Quelle portée aura la modulation des aides ? Un écrêtement de certaines aides est-il prévu ? La régionalisation n'est sans doute pas une bonne formule car c'est aux États d'assumer la politique agricole. Enfin, qu'en sera-t-il plus précisément, sur le plan européen, de la gestion des risques sanitaires et climatiques ?
a remercié le ministre, au nom du groupe UMP, d'avoir associé les parlementaires au travail européen. Les enjeux sont particulièrement importants alors que la France s'apprête à présider l'Union européenne et que l'échéance de 2013 se profile.
Les acteurs de terrain ont apprécié la méthode de travail initiée par le Gouvernement ; ils souhaitent que le dialogue se poursuive afin de rester associés au processus de réforme de la PAC et à la déclinaison de la boîte d'outils.
Elle a souhaité des précisions sur le sujet des biocarburants et de la valorisation non alimentaire des agro-ressources ; de la stabilisation des revenus agricoles dans la perspective d'une PAC plus préventive et plus équilibrée et de la suppression des jachères. Enfin, ne faudrait-il pas, à terme, sortir l'agriculture de l'OMC comme le ministre en a lui-même émis l'idée, « compte tenu de la spécificité de l'alimentation et du blocage des négociations » ?
, a remercié le ministre pour sa présentation globale et cohérente qui offre beaucoup de perspectives alors que nombre de rendez-vous européens difficiles se profilent.
Qu'en est-il de l'articulation entre la revue du « bilan de santé » et les décisions qui pourraient être prises dans son prolongement ? Quel écho rencontrera l'appel justifié du Président de la République à réfléchir d'ores et déjà à l'après 2013 alors qu'un certain nombre d'interlocuteurs bruxellois semblent plus concentrés sur l'échéance du « bilan de santé » que sur l'organisation de cette réflexion ?
S'agissant de l'articulation entre la politique agricole commune et les discussions commerciales internationales, il faut noter que le Farm bill actuellement élaboré aux États-Unis est clairement contraire aux recommandations de l'OMC en matière de soutien à l'agriculture. Comment serait-il possible de conclure un accord alors que l'une des principales parties prenantes s'affranchirait des règles les plus élémentaires du commerce international ?
a remercié le ministre d'avoir toujours associé les parlementaires à son travail.
Restera-t-il dans le monde agricole une place pour les structures les plus vulnérables ? S'il importe en effet d'avoir un « premier pilier » fort afin de garantir la mission économique de l'agriculture, tout ne se résume pas à des considérations financières. Quel sera le sort de l'agriculture biologique en présence d'OGM ? Quel sera celui des abeilles alors que l'utilisation de certains insecticides se révèle désastreuse ? Celui de l'agriculture de montagne si les quotas laitiers disparaissent ? Celui de la biodiversité si les jachères sont supprimées ? Il convient plus que jamais de « veiller au grain » sur un plan règlementaire.
a demandé au ministre de veiller, s'agissant de la répartition entre les deux piliers de la PAC, à ce que les politiques européennes ne soient pas au bout du compte financées par les collectivités départementales ou régionales, et, s'agissant de l'application de l'article 69, à ce que le rééquilibrage des territoires soit effectif.
Il a également souhaité des précisions quant à l'installation des jeunes agriculteurs, et aux solutions intermédiaires qui pourraient être mises en place, avant l'application de la PAC rénovée, pour remédier à la grave crise de la filière ovine.
a souhaité connaître les modalités de soutien au secteur des fruits et légumes et a demandé des précisions sur la refonte envisagée de l'organisation économique de la filière. Les producteurs légumiers bretons, regroupés au sein du CERAFEL (Comité régional économique des fruits et légumes de Bretagne), sont en effet très inquiets des conséquences sur les structures régionales existantes d'une réforme même partielle de leur organisation.
s'est interrogé sur les moyens de traduire la volonté du Président de la République – à laquelle il se rallie – de rétablir la préférence communautaire : il y va de la crédibilité de la classe politique.
A titre d'exemple, l'Europe ne produit que 30 % du tabac qu'elle consomme. Sans aide communautaire, la filière de la tabaculture disparaîtrait après 2009. Or, il faut sauver cette production, d'autant qu'elle occupe des espaces dont personne ne veut.
a souligné que, dans son département, le débat organisé dans le cadre des Assises de l'agriculture avait été d'un très haut niveau, les jeunes agriculteurs montrant à cette occasion qu'ils sont devenus des acteurs économiques dignes de ce nom.
Il s'est ensuite demandé, dans la mesure où la production de matières premières céréalières ou oléagineuses dédiées aux biocarburants risque d'entraîner de graves déséquilibres, si la banalisation des cultures OGM ne pourrait pas être une solution.
Si l'on compare par ailleurs le prix des céréales consommées par les animaux d'élevage à celui de la viande bovine, ovine ou porcine, il semble nécessaire de procéder à un rééquilibrage des aides au détriment des céréaliers et au profit des éleveurs et, en quelque sorte, d'instaurer un système de droits à paiement unique (DPU) flottants afin de consolider les productions les plus fragiles.
Enfin les éleveurs s'inquiètent de la modulation des aides du premier pilier, qui pourraient ainsi passer au deuxième pilier pour financer, par exemple, la construction de salles polyvalentes.
s'est félicité des précisions apportées par le ministre quant au poids de la France dans la discussion européenne et de son rappel de ce que représentent, en termes de stratégies d'alliance, une majorité qualifiée ou une minorité de blocage.
Il a regretté le manque d'ouverture des débats départementaux, dans son département du Lot comme dans toute la région Midi-Pyrénées.
Certaines productions en difficultés, en particulier la filière ovine, doivent recevoir des aides non seulement parce que la rémunération des producteurs n'est pas à la hauteur de leur travail, mais également parce que des pans entiers du territoire en dépendent. Dans cet ordre d'idées, ne serait-il pas possible d'étendre à la trufficulture le dispositif des aides prévues par la PAC pour les parcelles boisées et de mieux surveiller l'importation de truffes non européennes ?
a évoqué, à propos des zones sensibles, le cas des zones humides, en particulier des marais littoraux. Il s'est par ailleurs interrogé sur les moyens de limiter, en zone rurale ou périurbaine, l'extension des lotissements, qui consomment chaque année 70 000 hectares de terres agricoles, soit, en dix ans, l'équivalent de la surface d'un département comme celui de la Charente-Maritime.
En réponse aux différents intervenants, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a tout d'abord fait observer, s'agissant de la remarque de M. Didier Quentin, que, parallèlement à la disparition des terres agricoles, la surface forestière française augmentait, elle, tous les sept ou huit ans, de l'équivalent de la surface d'un département.
Le problème des zones humides peut être relié à la question de Mme Catherine Vautrin concernant la jachère. Celle-ci a été mise à zéro pour relâcher la pression sur les prix des matières premières. Mais si plusieurs millions d'hectares ont ainsi été remis en culture, 3 % des jachères ont été préservées à des fins écologiques au bénéfice des zones humides et des territoires de chasse.
La préférence communautaire, évoquée par MM. Germinal Peiro et Hervé Gaymard, est sous-jacente au débat à l'OMC, dans lequel les négociateurs américains voient d'ailleurs leur mandat perdre de la force de jour en jour, ce qui explique l'accélération du processus depuis quelques semaines. Voilà moins d'un mois à Bruxelles, vingt ministres de l'agriculture sur vingt-sept ont déclaré ne pas vouloir signer d'accord plutôt que devoir accepter un mauvais accord, estimant que le rapport de M. Crawford Falconer était totalement déséquilibré entre, d'un côté, une agriculture considérée comme une variable d'ajustement et, de l'autre, un marché des services et de l'industrie que nombre de pays, notamment émergents, renâclent à ouvrir. Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire européenne à l'agriculture, est chargée de porter ce message auprès de la Commission, notamment, de M. Peter Mandelson qui négocie à l'OMC au nom de l'Union européenne.
Il ne faut d'ailleurs pas oublier que le Farm bill américain permet un large soutien aux biocarburants, ce qui, en cas de surproduction agricole, constitue une aide qui échappe totalement à la discussion menée dans le cadre de l'OMC. L'Europe ne sera donc pas naïve dans le débat. Elle continuera à défendre la nouvelle préférence européenne, qui consiste à assurer l'indépendance alimentaire de l'Europe et à soutenir le modèle agricole européen, c'est-à-dire une agriculture équilibrée sur l'ensemble des territoires aboutissant à des produits de qualité, diversifiés, traçables, qui ont des goûts et des couleurs, le tout pour un coût assumé, c'est-à-dire celui de la politique agricole commune. Une étude macroéconomique a d'ailleurs été demandée aux services de M. Eric Besson sur ce que coûterait l'absence de PAC. Le risque est de vider les campagnes pour concentrer dans quelques régions d'immenses usines agricoles et de mettre sur le marché des productions aseptisées.
Toujours en matière de préférence européenne, le Président de la République a demandé un renforcement des contrôles sur les produits qui entrent sur le marché européen afin de s'assurer qu'ils respectent les mêmes normes que celles imposées aux producteurs européens. Le souci de la sécurité des produits importés s'ajoutera donc à celui d'un maintien de droits de douane suffisants – ce qui implique une grande vigilance dans les discussions au sein de l'OMC – et d'un budget agricole qui permette de préserver le modèle européen.
L'agriculture est sans doute le secteur productif qui a le plus évolué depuis vingt ans. Les agriculteurs travaillent avec ordinateur et font de l'agronomie. Il faut leur donner acte de cette modernité qu'a soulignée M. Jean Auclair.
Le revenu annuel moyen avant impôt par actif atteint 40 000 euros par an dans le secteur des grandes cultures, contre 10 000 euros dans celui des ovins. Les aides publiques ayant en général une part prépondérante au sein de ces montants, en schématisant, on peut dire que leur suppression conduirait à la disparition de la plupart des exploitations agricoles.
MM. Jean Gaubert et André Chassaigne ont évoqué les lois du marché. Pour sa part, le ministre, en tant qu'européen, ne se considère pas comme un ultralibéral. Dans le débat présidentiel aux États-Unis, on se demande d'ailleurs, tant chez les Républicains que chez les Démocrates, si l'ultra libéralisme est la bonne réponse au désordre du monde.
Une boîte à outils paraît nécessaire car on ne saurait, sans graves conséquences, laisser les exploitations agricoles sans protection européenne dans un monde grand ouvert. Si, comme le souhaitent les Anglo-Saxons voire certains responsables à Bruxelles, on laissait les lois du marché faire leur oeuvre au prétexte que les prix augmentent, c'en serait en effet fini du modèle agricole européen, qui préserve la diversité et la qualité d'une production équilibrée sur tout le territoire.
Les outils en question permettront d'écrêter, sur le fondement de l'article 69, certaines aides. Les réorientations, décidées dès 2008 pour une application en 2009, seront soumises au Parlement. Il conviendrait que les aides qui ne sont plus justifiées du fait de l'augmentation des prix de certaines productions soient réorientées vers des filières ou des territoires insuffisamment aidés, qu'il s'agisse du secteur bio, de la production de lait dans les zones fragiles, du plan protéagineux, du secteur des fruits et légumes ou des productions animales liées à l'herbe. Contrairement à ce que souhaite la Commission, le plafonnement doit être mis en place de manière progressive et modulée, et cela se fera sans doute sur la base des propositions de M. Lutz Goepel, rapporteur allemand du Parlement européen sur le bilan de santé de la PAC.
Comme M. Jean Gaubert l'a souligné, la régionalisation n'est pas forcément le meilleur moyen d'aboutir à l'équité. Il convient de préférer la différenciation des prélèvements et la réorientation de certaines aides au moyen de l'article 69 – par exemple pour le plan protéagineux cité par M. André Chassaigne –, sans pour autant souhaiter le découplage général car certains couplages sont utiles, comme par exemple la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA). Le plan protéagineux sera l'un des sujets de réorientation de l'article 69.
Concernant la gestion des risques, l'objectif est de doter les producteurs agricoles d'outils de prévention, de mutualisation et de protection au niveau national avec usage partiel des crédits du premier pilier afin de prendre en charge, par exemple, une partie des primes d'assurance et de généraliser ainsi les systèmes d'assurance récolte, ou encore de financer en partie un fonds sanitaire. Si la Commission a en effet donné son accord pour une protection contre les aléas sanitaires et climatiques, la protection contre les aléas économiques reste à obtenir. Enfin, il serait bon de préserver les outils actuels, qu'il s'agisse des restitutions ou des interventions de la Commission que certains voudraient supprimer ou abaisser.
En réponse à M. Jean Auclair, le ministre a indiqué que la modulation, voulue par la Commission, de 2 % des crédits du premier pilier vers le deuxième, devrait s'appliquer chaque année jusqu'en 2013 et non jusqu'en 2015. Mais la France s'opposera, avec d'autres Etats membres, à un tel transfert.
Contrairement à ce que MM. André Chassaigne et Jean Launay en ont conclu, les débats départementaux ont été globalement utiles. Il est anormal que les élus n'y aient pas été associés puisqu'il avait été demandé aux préfets et aux présidents de chambre d'agriculture que les parlementaires et au moins une association de protection des consommateurs et une association de protection de l'environnement participent à ces débats.
S'agissant de la future politique agricole, qu'a évoquée M. Hervé Gaymard, il n'est pas question d'attendre 2010 ou 2011 pour débattre de l'après 2013, d'autant que 2009 sera une année entièrement occupée par les élections européennes et par le renouvellement de la Commission. Faute d'un tel débat, on pourrait craindre pour l'avenir des grandes politiques communautaires. De même que le débat a été ouvert dès 2002 pour sauver la politique régionale que certains auraient voulu détricoter à l'horizon 2007 au nom d'une Europe qui se serait résumée à une zone de libre-échange, il faut que s'ouvre dès aujourd'hui la discussion sur les missions futures de la PAC.
Il convient de rester très réservé quant au démantèlement progressif des quotas laitiers, qu'ont évoqué le président Patrick Ollier et M. Jean Gaubert et à leur suppression totale prévue pour 2015, même si une majorité qualifiée existe sur ce point au sein du Conseil des ministres et si les producteurs de lait s'y préparent de manière très responsable. Face à une demande supérieure à l'offre – la production française est elle-même passée de moins 600 000 tonnes à moins 200 000 tonnes par rapport au quota national –, une majorité qualifiée de pays a d'ores et déjà demandé une augmentation de 2 % par an des quotas dès la prochaine campagne. Faute d'une minorité de blocage, plutôt que de s'opposer à cette mesure avec l'Allemagne et l'Autriche, la France s'est abstenue, après avoir obtenu de la Commission que cette augmentation de 2 % soit ponctuelle et ne soit que de 1 % à partir de 2010, à condition que le marché le permette alors, une évaluation des évolutions du marché devant être lancée à cette date. On peut en effet craindre que, contrairement aux céréales et aux grandes cultures, le marché du lait, qui est extrêmement fragile, ne soit pas sur une tendance durablement haute : l'Océanie peut se remettre à produire et l'Ukraine, par exemple, peut retrouver la moitié de sa production laitière perdue depuis l'indépendance.
On ne peut accepter sans garanties la suppression des quotas en 2015, d'autant que le quota fixé pour chaque département constitue à la fois une contrainte et une protection : sans les quotas, les zones qui, par exemple, ne sont pas en AOC, courraient le risque de voir leur activité de production et de transformation du lait transplantée ailleurs. Le ministre ne sera donc pas celui d'un déménagement de l'économie laitière et se dit favorable à la mise en place d'une contractualisation au sein de la profession.
Mme Catherine Vautrin, M. Jean Gaubert et M. Jean Auclair ont évoqué les biocarburants. Il s'agit d'un débat mondial, les Américains et les Brésiliens ayant fait le choix stratégique d'en produire massivement, contrairement à l'Europe qui a prévu une incorporation de biocarburants dans les essences à hauteur de 7 % en 2010 – voire 10 % selon les pays. La filière ne représentera ainsi que 7 % de la surface agricole utile française, soit une proportion raisonnable de territoire, étant entendu que le bilan énergétique et écologique des biocarburants – que l'on peut estimer positif, y compris sur le plan économique avec la flambée du cours du baril de pétrole – relève d'un autre débat. L'ADEME publiera d'ailleurs très prochainement, à la demande des services de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, un nouveau bilan des biocarburants. Il n'est pas question de sacrifier l'alimentation aux biocarburants !
M. Jean-Marie Morisset a évoqué l'installation des jeunes. Une partie des 330 millions d'euros qui y ont été consacrés en 2007 a été préservé pour la dotation d'installation et la bonification de prêts, financée pour partie au titre du deuxième pilier. Certaines collectivités locales participant à cette politique au moyen d'un cofinancement, il conviendra de poursuivre la concertation avec les régions et les conseils généraux, non pour coordonner leurs politiques agricoles mais pour les informer des intentions de l'État face à la future réorientation des aides de la PAC.
Pour les fruits et légumes, secteur évoqué par Mme Corinne Erhel, l'orientation voulue par la France est de doter en DPU l'ensemble des exploitations. Conscient du débat qui a lieu en Bretagne et ailleurs sur la proposition de la Commission de réformer certains aspects de l'OCM des fruits et légumes, le Gouvernement entend aider les producteurs à structurer les interprofessions pour faciliter leurs négociations avec les grands distributeurs.
S'agissant des producteurs de truffes, une réponse sera apportée par écrit à M. Jean Launay. Quant au problème des producteurs de tabac, soulevé par M. Germinal Peiro, il faut savoir que 7 000 euros à l'hectare d'aide découplée sont versés à la tabaculture sous forme de DPU, alors que la moyenne générale se situe entre 40 et 400 euros. La France n'est d'ailleurs pas la seule à vouloir que cette aide ne soit pas supprimée, et elle se battra avec l'Italie, la Grèce et l'Espagne pour obtenir un traitement particulier du secteur.
MM. André Chassaigne et François Brottes ont souhaité que l'on favorise une politique qui garantisse l'emploi agricole de manière équilibrée sur tout le territoire. La France y parviendra au moyen d'un soutien de la production laitière dans les zones fragiles, d'une aide forte à la production ovine, d'un maintien du couplage de la PMTVA ou du moins d'une part couplée importante, et d'une politique de développement de l'agriculture durable, sans oublier un soutien par tous les moyens à la recherche tant privée que publique, sur les OGM ou les pesticides, par exemple. À cet égard, une évaluation des conséquences de l'introduction de l'insecticide Cruiser sera conduite dans plusieurs régions avec les apiculteurs. Si le moindre doute apparaît, l'autorisation de mise sur le marché sera retirée.
S'agissant enfin de la pêche, évoquée par M. Jean Gaubert, le ministère se mobilise afin que Bruxelles ne s'oppose pas au plan pêche – qui bénéficiera de 310 millions sur trois ans et qui comportera une quinzaine de mesures. Les aides d'urgence sont en cours de versement à hauteur de 12 millions d'euros, de même que les aides directes aux pêcheurs par l'intermédiaire du fonds d'indemnité chômage. L'objectif est de parvenir à des aides structurelles et durables notamment en soutenant les coopératives. Le ministre a toute confiance dans la capacité des dirigeants professionnels de la pêche à mettre en oeuvre avec lui ce plan pêche qui est sans précédent. Un débat spécifique pourrait d'ailleurs être organisé avec la commission d'ici à quelques semaines pour faire le point sur son application.
Le Président Patrick Ollier, après s'être déclaré favorable à l'organisation d'un tel débat, s'est félicité d'avoir entendu un ministre combatif, courageux et rassurant.
Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré heureux des réponses apportées par le ministre à un moment charnière de la politique agricole, dans la perspective de 2013.