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Commission des affaires économiques

Séance du 25 juin 2008 à 10h30

Résumé de la séance

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La séance

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Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Meunier, le rapport d'information sur la pollution du Rhône par les PCB.

Le président Serge Poignant a rappelé que la Commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire avait confié, le 10 octobre 2007, à M. Philippe Meunier la mission d'élaborer un rapport d'information sur la pollution du Rhône par les polychlorobiphényles (PCB). Il semblait naturel de désigner pour cette mission d'information un collègue élu dans une circonscription directement concernée par cette pollution chimique.

Le sujet était d'autant plus préoccupant que la contamination du fleuve affecte également les ressources piscicoles. Des analyses ont révélé la présence des PCB dans la chair des poissons, créant une appréhension croissante dans le bassin du Rhône, où les préfets ont été conduits à interdire la consommation des produits de la pêche.

Dans ces conditions, il convenait que les membres de la commission disposent d'un maximum d'informations non seulement sur l'ampleur de la pollution, mais aussi sur ses causes, ses conséquences, sur les éventuelles réponses à y apporter et sur l'action des pouvoirs publics.

De son coté, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État en charge de l'écologie, réuni à Lyon, le 10 octobre 2007, le premier comité de pilotage sur la pollution du Rhône par les PCB, chargé d'examiner un programme d'actions pluriannuel. Ce COPIL a préfiguré l'installation d'un comité national de pilotage qui s'est réuni le 6 février dernier et qui a donné lieu à la présentation d'un plan national d'actions sur les polychlorobiphényles.

PermalienPhoto de Philippe Meunier

, rapporteur, a tout d'abord remercié le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire d'avoir pris l'initiative de la création d'une mission d'information sur la pollution du Rhône par les PCB. Cette mission d'information était justifiée par une contamination des poissons qui a entraîné l'interdiction de leur consommation privant en conséquence les pêcheurs de leurs ressources. La pollution du Rhône appelait une initiative en direction de toutes celles et ceux (riverains, élus territoriaux, professionnels, amoureux de la nature) qui s'inquiètent pour l'avenir de ce fleuve dont le bassin recouvre près d'un quart de la surface de la France. Le milieu aquatique rhodanien est caractérisé par la richesse de sa biodiversité et des différents milieux qui le composent. Il est aisé, dans ces conditions, de mieux comprendre le fort retentissement dans l'opinion publique de toute pollution venant perturber l'équilibre du bassin du fleuve. Si la présence de produits organiques persistants de type PCB n'est pas une nouveauté pour le Rhône, les premières analyses y ayant révélé la présence de PCB remontant à 1986, elle occupe depuis quelques années les devants de l'actualité régionale et nationale.

Courant 2005, M. Cédric Giroud, pêcheur professionnel dans le canal de Jonage, en amont de Lyon, fait en effet analyser la chair de poissons, fruits de sa pêche, afin de rassurer ses clients. Il souhaitait, en toute simplicité, lever leurs inquiétudes suite à une épidémie de botulisme dont avaient été victimes des oiseaux aquatiques dans le secteur du Grand Large, au Nord Est de Lyon. Si les résultats des analyses pratiquées ne détectaient pas de bactéries responsables du botulisme, elles démontraient, en revanche, une concentration anormalement élevée de polychlorobiphényles dans la chair des poissons. Étonnamment, dans un même temps, la direction départementale des services vétérinaires du Rhône procédait, dans le cadre de la surveillance des denrées alimentaires mises en vente sur les étals des marchés, à une analyse de poissons d'eau douce proposés à la commercialisation. Celle-ci révélant également une teneur anormalement élevée de PCB dans la chair des poissons, les services vétérinaires alertèrent le Préfet du Rhône.

En réponse à cette alerte sanitaire, le préfet du Rhône interdisait, le 14 septembre 2005, la consommation des poissons pêchés dans les zones contaminées. Cette décision administrative ne constituait que le premier maillon d'une chaîne d'arrêtés pris par les préfets des autres départements bordant le Rhône sur la quasi-totalité de son cours, au fur et à mesure que de nouvelles analyses effectuées sur la faune piscicole révélaient sa contamination.

Peu de temps après l'arrêté d'interdiction pris par le préfet du Rhône, l'Association des pêcheurs professionnels du Rhône et de l'aval Méditerranée déposait une plainte contre X, suivie de celle de M. Michel Forissier, maire de Meyzieu. Cette mobilisation traduisant une sourde et légitime inquiétude, qualifiée par certains de « Tchernobyl à la française » était relayée par les médias, d'autant que l'apparent immobilisme des pouvoirs publics laissait libre cours aux bruits les plus divers sur l'origine et les conséquences de ces composés organiques sur la santé humaine. Force est de reconnaître que l'absence d'informations claires et précises sur ces produits encourageait le développement d'une forme d'angoisse collective. Si l'information ne supprime pas le danger, il apparaît souvent qu'elle permet du moins de s'en protéger au mieux.

Les PCB sont des produits chimiques de synthèse découverts en 1881 et fabriqués industriellement à partir de 1929 par Monsanto, plus connu pour les OGM. Ils présentent des propriétés physico-chimiques qui en ont fait l'un des produits miracle de l'industrialisation au XXème siècle. Ils ont été utilisés, jusqu'à leur interdiction, dans des applications dites fermées (transformateurs et condensateurs) et des applications dites ouvertes (colles, encres, mastics, dalles plastiques, peinture, huiles de coupe, disques vinyle, rouge à lèvres). Ayant été fabriqués puis utilisés dans les entreprises à de nombreux titres à une époque où les rejets industriels n'étaient pas réglementés, ils se retrouvent disséminés dans tous les éléments -air, eau, terre- sur l'ensemble de la planète.

Ce sont toutefois des produits dont la toxicité n'a été que tardivement révélée. Les personnels de l'usine de production de Monsanto aux États-Unis qui étaient exposés de manière directe et aiguë ont présenté des symptômes d'atteintes dermatologiques et des troubles hépatiques dès 1937. Mais la prise de conscience publique de la dangerosité de ces molécules n'est intervenue qu'à la fin des années 1960, à la suite d'une contamination accidentelle en 1968 au Japon de 1 800 personnes. La communauté scientifique ne s'accorde cependant pas sur la classification des PCB parmi les substances classées cancérigènes, malgré de fortes présomptions. Du fait de leur caractère bio-accumulable, en raison de leur fixation dans les graisses, les PCB ont tendance à se retrouver à tous les échelons de la chaîne alimentaire. L'alimentation constitue d'ailleurs la principale source de contamination humaine.

En 1973, l'OCDE a formulé une recommandation en vue de l'interdiction des PCB en raison de leur toxicité. Elle a été suivie en France, en 1975, de l'interdiction de leur emploi dans les systèmes dits ouverts, puis en 1976 d'une directive européenne de même objet. En 1985, une directive européenne, transposée en France en 1987, a généralisé l'interdiction de production et d'utilisation des PCB.

En 1996, une nouvelle directive européenne a imposé aux États membres d'élaborer un plan d'élimination et de décontamination des appareils contenant plus de 500 Ppm (0,5 g par kilo) de PCB, avec une échéance d'élimination fixée à 2010. La France ayant été condamnée en 2002 par la Cour de justice européenne pour manquement à ses obligations en la matière, elle a publié son plan national d'élimination l'année suivante. La France a par ailleurs ratifié en 2003 la Convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques persistants, qui incluent les PCB. La date ultime d'élimination de tous les équipements contenant des PCB a été fixée par cette convention à 2025.

La pollution des cours d'eau, et donc du Rhône, est essentiellement une pollution historique liée à l'industrialisation du territoire. Deux sites industriels situés à proximité de Grenoble ont produit une grande part des PCB en France, Jarrie et Pont-de-Claix, la production française s'étant élevée à environ 180 000 tonnes. Au-delà de celui du Rhône, la pollution par les PCB est avérée dans plusieurs bassins fluviaux, le bassin de Seine-Normandie, ceux d'Artois-Picardie et de Rhin-Meuse. La pollution par les PCB s'affranchit des frontières et nombre de pays en sont également victimes : États-Unis, Japon, Suisse, Russie, Australie, Allemagne, Norvège, Canada…

Outre cette pollution historique, plusieurs autres sources demeurent malheureusement, à l'heure actuelle : les stations d'épurations, le ruissellement des eaux, les accidents et incendies, les actes de vandalisme pour récupérer le cuivre des transformateurs …

Les PCB ne sont pas solubles dans l'eau et n'y sont donc présents qu'à l'état de traces. Toutefois, ils se fixent sur les matières en suspension dans l'eau et se déposent avec les sédiments. Si le passage des sédiments aux poissons demeure encore mal connu, les espèces vivant au plus près du lit des rivières dans les zones polluées sont néanmoins les espèces les plus contaminées. Selon une étude de l'AFSSA, les PCB sont présents selon des proportions variables dans tous les aliments, les poissons constituant le principal vecteur de contamination de l'homme. La réglementation européenne a défini, en tenant compte du principe de précaution, des seuils pour les taux de PCB dans la chair des poissons au-delà desquels ces derniers doivent être interdits à la consommation.

Face à cette pollution force est de constater que la réaction des pouvoirs publics français a tardé. Ce manque de réactivité est du à une organisation administrative inadaptée à la gestion de crise. En effet, la transversalité du sujet ne s'accorde pas au cloisonnement et à l'empilement des compétences qui caractérise les administrations dans ce dossier. Chacune s'est préoccupée du sujet dans sa sphère de compétences, sans établir de lien avec les autres.

Le rapporteur a salué l'initiative de la secrétaire d'État à l'écologie qui a créé en octobre 2007 un comité de pilotage pour le bassin du Rhône réunissant tous les acteurs concernés, y compris les élus et les organisations environnementales afin d'établir un dialogue, de coordonner les actions et de mutualiser les connaissances. Lors de la mise en place du comité de pilotage national en février 2008, la secrétaire d'État a présenté les grandes lignes d'un plan national d'actions qui s'articule autours de six axes :

– intensifier la réduction des rejets de PCB dans les eaux ;

– améliorer les connaissances scientifiques sur le devenir des PCB dans les milieux aquatiques et gérer cette pollution ;

– renforcer les contrôles sur les poissons destinés à la consommation et adopter les mesures appropriées de gestion des risques ;

– améliorer la connaissance du risque sanitaire et sa prévention ;

– accompagner les pêcheurs professionnels et amateurs ;

– évaluer et communiquer.

L'étude des différentes mesures contenues dans ce plan national d'actions a amené le rapporteur à élaborer 34 propositions, portant tant sur le plan politique que sanitaire, environnemental et scientifique. Parmi celles-ci, figurent en particulier :

– l'accélération de la simplification de l'organisation administrative et la réforme de l'État,

– l'information de la population sur l'état de la contamination, la formulation de recommandations de consommation à destination des personnes les plus exposées notamment dans les zones contaminées,

– l'inclusion au niveau communautaire des PCB parmi les substances systématiquement recherchées lors de l'évaluation, en application de la directive cadre sur l'eau, du bon état chimique des masses d'eau,

– l'adoption par la communauté scientifique d'une définition unique pour les PCB indicateurs,

– la réalisation d'un inventaire complémentaire des équipements contenant des PCB, l'inventaire initial n'ayant pas été effectué en 2002 dans des conditions satisfaisantes,

– la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques afin de permettre au Parlement de suivre l'évolution des recherches scientifiques en cours à la fois sur le mode de transfert des PCB vers les organismes vivants et la mise oeuvre de techniques inédites de dépollution.

Au total, ces propositions sont le résultat de 43 auditions effectuées à l'Assemblée nationale ou lors de quatre déplacements, au cours desquelles ont été rencontrées, outre la secrétaire d'État à l'écologie, une soixantaine de personnes d'horizon très divers (représentants des services de l'État, élus locaux, industriels, universitaires et scientifiques, représentants des fédérations de pêche en eau douce, représentants des associations de protection de l'environnement…).

Après l'exposé du rapporteur, M. Jacques Le Guen a demandé si des limites maximales résiduelles avaient déjà été fixées pour les denrées pouvant contenir des PCB et comment évoluaient les pathologies identifiées.

Il a insisté sur le manque de réactivité de l'administration, faiblesse trop souvent observée et qui appelait, comme dans le cas de la pollution par le chlordécone aux Antilles, la nomination d'un coordonnateur national et d'un coordonnateur local. Il a estimé nécessaire le lancement d'études complémentaires sous l'égide de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'Institut national de veille sanitaire (INVS) afin de connaître la toxicité à long terme. Il a enfin préconisé la mise en place d'un comité de suite, comparable à celui du chlordécone.

PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

a demandé si les normes évoquées par le rapport étaient issues de recherches scientifiques ou constituaient seulement des seuils de détection théoriques. Puis il a signalé le risque, entraîné par la proposition de réinstallation des pêcheurs professionnels dans d'autres domaines de pêche, de conflits d'intérêt avec les pêcheurs amateurs et les activités touristiques.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

a salué le travail de qualité du rapporteur puis rappelé que les PCB étaient disséminés dans la nature depuis plus d'un siècle, ce qui est inquiétant pour d'éventuelles découvertes futures de polluants comparables. Il a, lui aussi, dénoncé le maquis des services administratifs et déploré que celui-ci continue de s'accroître, en dépit des mesures de simplification administrative, avec l'avalanche des projets de loi. Il a indiqué que le bassin du Rhône n'était pas seul en cause, des PCB étant présents partout. Au-delà d'un simple état des lieux, il est nécessaire d'établir des normes admissibles et d'adopter un train de mesures correctrices, notamment l'interdiction de cultiver certaines terres agricoles contaminées. S'agissant de l'écotaxe, il a estimé que celle-ci bien qu'opportune ne devait pas remplacer les sanctions pénales.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

a précisé que les lacs alpins étaient également contaminés bien que l'interdiction de consommer l'omble chevalier ait été très récemment levée. Il a demandé des précisions sur le problème plus général de la présence de PCB dans l'eau potable, sur la question des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), sur la durée et la portée de l'interdiction de la consommation et de la pêche sur le Rhône et sur les solutions de dépollution envisagées hormis le brassage des sédiments qui est à exclure.

PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

a demandé quel était le coût prévisionnel de la dépollution et comment elle serait financée.

PermalienPhoto de Laure de La Raudière

a félicité le rapporteur pour ses propositions concrètes et a demandé s'il convenait de les hiérarchiser et de leur donner un calendrier de réalisation.

PermalienPhoto de Yves Albarello

, ayant évoqué les opérations de décontamination des transformateurs électriques contenant des PCB, a demandé quels moyens étaient mis en oeuvre dans l'industrie, à l'heure actuelle, pour procéder à cette dépollution.

Après que le président a indiqué qu'il conviendrait d'effectuer un suivi des préconisations du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– les doses journalières tolérables de PCB pour l'homme ont été estimées par l'OMS et des seuils maximum de teneur en PCB ont été fixés pour les denrées alimentaires par l'Union européenne ;

– les effets toxiques du PCB ont été découverts en 1937 et révélés trente ans plus tard à la suite d'un accident survenu au Japon ;

– il existe depuis 2007 un coordonnateur national - la secrétaire d'État à l'écologie – et un coordonnateur local : c'est le préfet de région, préfet coordonnateur de bassin ;

– les normes réglementaires sont déterminées par l'Union européenne à partir d'un « bruit de fond » qui représente l'exposition moyenne la plus faible possible des populations. Deux seuils sont définis, un premier seuil d'alerte des autorités sanitaires et un second seuil plus élevé qui déclenche l'interdiction de consommer les produits concernés ;

– le risque de conflit entre pêcheurs professionnels et amateurs est en cours de règlement au niveau local ; l'exemple suisse montrant que les deux formes de pêche peuvent parfaitement cohabiter ;

– le maquis des services administratifs plaide bien évidemment en faveur de la réforme de l'État et de l'accroissement des responsabilités, dans ce dossier, du secrétariat d'État à l'écologie ;

– le Rhône évacue lui-même les PCB grâce à son puissant courant, à l'inverse, par exemple, de la Seine qui a un moins fort débit ; les actions engagées dans le bassin du Rhône serviront de modèle pour les autres ;

– les analyses réalisées encore insuffisantes rendent nécessaires des investigations complémentaires sur les poissons, les sédiments et les végétaux ;

– la création d'une écotaxe ne se substituerait pas aux sanctions pénales existantes et son produit pourrait être affecté à l'élimination des polluants ;

– le rapport d'information ne concerne pas les HAP ;

– l'interdiction de consommer les poissons a été levée pour certaines espèces entre le nord de Valence et Avignon au début du mois de mai 2008 ;

– concernant l'eau potable, la recherche des PCB n'est pas obligatoire dans les eaux destinées à la consommation humaine en raison de la non solubilité des PCB dans l'eau ;

– les techniques de dépollution sont extrêmement complexes, de nouvelles méthodes étant encore au stade de la recherche expérimentale notamment au sein du pôle de compétitivité Axelera ;

– le coût global de dépollution du Rhône, dont le cours s'étend sur 812 kilomètres serait estimé sous toutes réserves, selon une première hypothèse, à environ 10 milliards d'euros ; ce qui donne la mesure du coût d'une dépollution des fleuves sur le plan national ;

– un plan d'action doté d'un calendrier a été prévu pour le bassin Rhône avant de l'être sur le plan national ;

– l'élimination des PCB relève d'une filière très réglementée, très contrôlée par l'inspection des installations classées et les DRIRE notamment. Les personnels travaillant dans les entreprises concernées bénéficient de protections de haut niveau, comparables à celles en vigueur dans l'industrie nucléaire.

A l'issue de ce débat, la Commission a décidé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication, en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement.

◊ ◊

La Commission a ensuite procédé à l'examen pour avis, sur le rapport pour avis de M. Jean-Paul Anciaux, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 969).

Le Président Serge Poignant a rappelé la volonté constante du Président Ollier d'impliquer la Commission des affaires économiques sur les textes concernant l'emploi et le droit du travail. Ceux-ci constituent en effet le quotidien de nos entreprises et la Commission ne peut s'en désintéresser, a fortiori lorsqu'il s'agit de la réglementation du temps de travail et de ses effets sur l'économie. C'est pourquoi il était très important que la Commission se saisisse pour avis sur ce projet de loi, comme elle s'était saisie l'an passé sur le projet de loi relatif au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat.

A titre liminaire, M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis, a remercié le Président Ollier d'avoir fait en sorte que la commission des affaires économiques se saisisse pour avis du projet de loi relatif à la démocratie sociale et au temps de travail et a salué la présence du rapporteur au fond, M. Jean-Frédéric Poisson.

Le projet de loi est en grande partie issue de la position commune du 9 avril 2008 qui elle-même constitue la réponse des partenaires sociaux à la commande du gouvernement formulée le 18 juin 2007 et précisée le 26 décembre de la même année. Il s'agit là d'une méthode de travail désormais bien rodée qui, depuis sa conception dans la position commune de 2001 et sa reconnaissance dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, a été consacrée par la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social. Toutefois, le système mis en place n'exclut absolument pas que le gouvernement propose au Parlement de légiférer en matière de droit social et de droit du travail sur des thèmes abordés par les partenaires sociaux : cette méthode n'a pas pour effet de priver le Parlement de son rôle de législateur pour le cantonner à un rôle de greffier.

Le projet de loi fera date dans l'histoire des relations sociales de notre pays comme celui qui, le premier, aura fait évoluer les règles de la représentativité syndicale, figées depuis 1950, ainsi que les conditions de validité des accords et aura permis de développer la négociation collective dans les entreprises. Il contribue en effet à approfondir la réforme du dialogue social, à l'oeuvre depuis 2002, en redonnant une nouvelle légitimé aux acteurs sociaux, légitimité fondée démocratiquement car reposant avant tout sur l'expression des salariés. C'est d'ailleurs du lieu même de l'expression des salariés, leur entreprise, que procédera désormais cette nouvelle légitimité, car c'est bien dans l'entreprise qu'elle aura en premier lieu vocation à s'appliquer. Poursuivant en quelque sorte la voie tracée dans la loi du 4 mai 2004 qui avait permis aux accords d'entreprise de déroger aux accords de branche, le projet de loi bouleverse l'ordre établi depuis des décennies en donnant directement aux salariés et aux employeurs les clés de la négociation. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi constitue également une avancée majeure dans le renforcement de la participation effective des salariés dans leur entreprise, dans leur association à sa bonne marche et finalement à son destin. En cela, il répond parfaitement aux aspirations des Français qui réclament d'être plus et mieux impliqués dans les décisions qui les concernent au niveau de leur entreprise. Les Français ont compris que le sort de l'emploi et de la compétitivité de leur pays était intimement lié à la bonne santé de leurs entreprises et souhaitent contribuer à leur réussite. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, la valeur travail est loin d'avoir perdu son sens et le succès, désormais indéniable, du dispositif des heures supplémentaires mis en oeuvre dans le cadre de la loi TEPA, tend à prouver que les intérêts des salariés et des entreprises se rejoignent dans ce domaine.

Il est donc logique que le gouvernement ait souhaité aller au bout de sa démarche, conformément à ce qu'il avait annoncé à plusieurs reprises : il ne pouvait en effet se contenter des timides avancées proposées dans le cadre de la position commune du 9 avril 2008 sur le temps de travail. Il répond ainsi directement aux besoins des entreprises et des salariés en leur permettant de travailler plus, afin, pour les entreprises, d'accroître leur compétitivité, et, pour les salariés, de gagner plus, et donc d'augmenter leur pouvoir d'achat. De ce point de vue, l'ambition du Président de la République et les intentions du gouvernement ont toujours été claires : si les partenaires sociaux n'ont pas souhaité négocier ou s'ils l'ont fait a minima, il est normal que le gouvernement et le Parlement reprennent la main. Par ailleurs, la seconde partie du projet de loi découle intrinsèquement de la première, puisqu'elle constitue une déclinaison de cette nouvelle liberté donnée aux acteurs sociaux de négocier dans l'entreprise. Enfin, le texte ne remet absolument pas en cause la durée légale du travail ou les durées maximales autorisées mais apportent plus de souplesse et de simplicité dans la mise en oeuvre des heures supplémentaires, des conventions de forfait et de l'aménagement du temps de travail. A cet égard, les Français sont lucides qui, tout en plébiscitant les 35 heures comme une avancée sociale, considèrent néanmoins qu'elles ont représenté un frein à la compétitivité des entreprises et à la hausse des salaires.

Le rapporteur pour avis a ensuite détaillé les dispositions du projet de loi, soulignant tout d'abord que, dans sa première partie, celui-ci renforce la démocratie sociale en renvoyant largement à l'élection. Ainsi, l'article 1er pose les bases d'une nouvelle définition de la représentativité des syndicats ; il doit se lire en lien avec l'article 2. En effet, aux 7 nouveaux critères de représentativité – effectifs ; transparence financière ; indépendance ; respect des valeurs républicaines ; influence ; ancienneté et audience – s'ajouteront des seuils d'audience syndicale à obtenir, exprimés en pourcentages des résultats des élections professionnelles : 10 % au niveau de l'entreprise et du groupe, et 8 % au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel. L'article 3 élargit pour sa part l'accès au premier tour des élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise à tout syndicat légalement constitué. L'article 4 redéfinit les règles de désignation du délégué syndical, qui, pour être désigné par un syndicat représentatif dans toute entreprise de plus de 50 salariés, devra avoir recueilli 10 % des suffrages au 1er tour des élections professionnelles. L'article 5 prévoit enfin la possibilité pour tout syndicat légalement constitué depuis deux ans de créer une section syndicale et d'en désigner un représentant. Dans l'attente de la reconnaissance éventuelle de la représentativité de son syndicat, ce dernier pourra exercer les attributions dévolues à la section, mais ne pourra pas négocier.

La première partie du texte propose en outre un deuxième volet de mesures établissant de nouvelles règles de validité des accords collectifs qui visent à renforcer la négociation collective. Ainsi, l'article 6 prévoit que tout accord collectif, de quelque niveau qu'il soit, devra, pour être valide, avoir été signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages, et ne pas faire l'objet d'une opposition de la part de syndicats ayant recueilli la majorité des suffrages. C'est une nouvelle avancée en direction de la reconnaissance du fait majoritaire. Afin de développer la négociation dans l'entreprise, l'article 7 permettra en outre de négocier avec des élus du personnel ou un salarié mandaté, dans toutes les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical. Cette négociation sera encadrée et ne concernera que les mesures dont la législation subordonne la mise en oeuvre à un accord collectif.

Troisième volet de cette première partie, l'article 8 pose des règles claires en matière de transparence financière des organisations syndicales et rend possible le financement du dialogue social, répondant en cela à un vrai besoin dans les très petites entreprises, notamment dans l'artisanat.

S'agissant de la deuxième partie du projet de loi qui concerne le temps de travail, le texte correspond aux engagements du Président de la République et fait suite aux divers aménagements proposés depuis 2002 afin de pallier les conséquences négatives des 35 heures, qui avait notamment été bien identifiées par la mission d'information commune sur l'évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail présidé par Patrick Ollier et dont le rapporteur fut Hervé Novelli. A cet égard, le projet de loi constitue en quelque sorte un prolongement du dispositif des heures choisies instaurées par la loi du 31 mars 2005, adoptée à l'initiative du président et du rapporteur de la mission d'information, qui permettait déjà de dépasser le contingent annuel d'heures supplémentaires sans solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail tout en nécessitant un accord collectif et bien sûr un accord entre l'employeur et le salarié. Le projet de loi va plus loin, tout d'abord, dans son article 16, avec la suppression du contingent légal d'heures supplémentaires et le renvoi à un accord d'entreprise ou, à défaut, de branche pour fixer un contingent conventionnel. Est également renvoyée à la négociation la détermination des conditions de dépassement du contingent et les contreparties obligatoires en temps de repos. De la sorte, le projet de loi supprime l'obligation d'informer l'inspecteur du travail pour effectuer des heures supplémentaires sous contingent et celle d'obtenir son autorisation pour effectuer des heures au-delà du contingent, ces contraintes administratives constituant un frein majeur au développement des heures supplémentaires. L'article 16 pérennise en outre le dispositif issu de la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat sur la monétisation du repos compensateur de remplacement.

L'article 17 modifie le régime des conventions annuelles de forfait en heures et en jours, en renvoyant là aussi à un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche pour déterminer les conditions de recours aux conventions individuelles de forfait. Pour les forfaits en jours, il reprend par ailleurs de manière pérenne les dispositions prévues par la loi du 8 février 2008 sur le nombre de jours de travail annuel (218 jours) et la majoration applicable en cas de dépassement, dans la limite du nombre maximum de jours travaillés fixés par l'accord (10 %). Pour les forfaits en heures, il élargit leurs champs d'application à l'ensemble des salariés réellement autonomes tout en supprimant les possibilités de dérogation aux durées maximales de travail.

Enfin, l'article 18 constitue une mesure de simplification importante en créant un nouveau mode d'aménagement unique du temps de travail remplaçant les 5 modes existant qu'étaient l'organisation en cycles, la modulation, le temps partiel modulé, les JRTT à l'année et les JRTT sur quatre semaines et en renvoyant là aussi à un accord d'entreprise ou, à défaut, de branche.

En conclusion, le rapporteur pour avis a exprimé sa conviction selon laquelle le projet de loi ferait date dans l'évolution des relations sociales en France. Il permettra en effet de faire bouger les lignes et d'apporter un peu d'air frais dans un modèle social qui a besoin d'évoluer, car la société évolue : les conditions de travail évoluent, les relations au sein de l'entreprise évoluent, le syndicalisme évolue, passant d'une culture de conflit et d'avantages sociaux acquis par la lutte à une logique de négociation et de donnant-donnant. De ce point de vue, le projet de loi s'inscrit dans une continuité idéologique remontant à Jacques Chaban-Delmas et au projet de nouvelle société, dont l'objectif était de réussir à faire primer le contrat sur le règlement, la régulation collective sur la norme imposée. Il a ensuite invité la commission à émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve des amendements qu'il lui soumettra à titre personnel ou en concertation avec le rapporteur de la commission des affaires sociales.

PermalienPhoto de André Chassaigne

a estimé en premier lieu que la possibilité offerte à la Commission des affaires économiques de se saisir pour avis du débat sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail était exceptionnelle et devait être utilisée. La dimension « démocratie sociale » du projet de loi apparaît comme la transposition d'une position commune approuvée par les deux principales organisations de salariés sur les conditions de la représentativité syndicale ; un principe nouveau se trouve, par ailleurs, consacré, celui de la prise en compte des résultats aux élections professionnelles et non plus prud'homales, pour mesurer la représentativité des syndicats. Mais sont exclus de ces dispositions, les entreprises de moins de dix salariés, fréquentes en territoire rural, celles qui ne comptent pas de représentants syndicaux et les demandeurs d'emploi. Le seuil de 10 % retenu, qui paraît justifié dans les petites entreprises, semble trop élevé dans les grandes entreprises, pour préserver un certain pluralisme syndical. Il faut noter également la possibilité prévue dans le projet de loi de négociations intervenant dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux par le biais de salariés mandatés : un risque existe qu'interviennent alors des décisions sans tenir compte des intérêts des salariés.

S'agissant de la partie du projet de loi consacrée au temps de travail, on doit regretter la suppression du contingent des heures supplémentaires et du repos compensateur obligatoire comme la disparition de l'autorisation de l'inspecteur du travail pour effectuer des heures au-delà de ce contingent. Le dispositif prévu ouvre la voie à une utilisation massive par les employeurs des heures supplémentaires, sans aucune garantie pour les salariés en termes d'augmentation de salaires. L'assouplissement du recours au forfait en jours consacre une évolution déjà entamée par la loi Aubry II, elle élargit les catégories de salariés concernés, conduisant ainsi à un véritable « détricotage » du code du travail. Autre nouveauté de taille introduite par le texte : la possibilité donnée à l'employeur de fixer lui-même, à défaut d'accord, le nombre maximal annuel de jours travaillés dans le cadre de ces forfaits, au-delà de la durée annuelle de 218 jours, après simple consultation du comité d'entreprise. Enfin, la charge de travail du salarié fera l'objet désormais d'un simple entretien individuel annuel et non plus d'une négociation collective.

Il faut rappeler, que la France a été récemment condamnée par le comité européen des droits sociaux pour la mise en place du régime dérogatoire du forfait annuel en jours au motif que celui-ci permettait des durées de travail trop longues ; il est tout à fait regrettable que cette condamnation n'ait pas été prise en compte par le projet de loi.

Celui-ci prévoit ensuite de faciliter la modulation et l'annualisation du temps de travail. Il s'agit là, certes, d'un prolongement du dispositif instauré par les « lois Aubry » ; mais, le projet de loi allège en même temps le contenu obligatoire exigé de l'accord collectif et supprime plusieurs négociations qui étaient prévues. Pour les entreprises qui fonctionnent en continu enfin, l'employeur n'est plus tenu de consulter le comité d'entreprise sur l'organisation du temps de travail sur plusieurs semaines.

M. André Chassaigne a indiqué que son groupe était défavorable à l'adoption de ce projet de loi. La promotion de la valeur travail évoquée par le rapporteur n'est pas du tout incompatible avec la protection des salariés, or ce projet de loi aggrave au contraire leurs conditions de travail et ne peut qu'accroître la souffrance au travail.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

a indiqué à titre liminaire que le groupe SRC ne déposerait pas d'amendements sur le projet de loi devant la Commission des affaires économiques saisie pour avis. Elle a estimé que ce texte, présenté comme un « instrument de dialogue social », trahit en réalité celui-ci. Selon le rapporteur, le Gouvernement a l'intention de reprendre la main, mais il avait obtenu le 10 avril que les partenaires sociaux concluent un accord sur la représentativité, le dialogue social et la financement du syndicalisme. Pourquoi le 26 avril, le Gouvernement a t-il demandé que les négociations soient élargies à la question du temps de travail ? ce que les partenaires sociaux ont refusé. Le projet de loi comporte en réalité deux points très dissemblables : une tentative de rénovation de la démocratie sociale signée par les partenaires sociaux et la fin programmée de la durée légale du travail alors que, comme le montrent de nombreuses enquêtes, les Français sont attachés aux 35 heures. Le groupe SRC est donc totalement défavorable à ce texte.

PermalienPhoto de Jean-Paul Charié

a salué l'initiative du Président Patrick Ollier qui a permis à la commission des affaires économiques de se saisir des sujets du temps de travail et de la représentativité syndicale, notamment grâce à l'éclairage précieux du rapporteur, M. Jean-Paul Anciaux, et du rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Jean-Frédéric Poisson.

Soulignant la démarche constructive des syndicats, et nommant de la CFTDT et de la CGT, qui ont su dépasser les clivages binaires, il a regretté que M. André Chassaigne ait présenté sa vision de ces sujets de manière quelque peu péremptoire, quand deux visions coexistent à l'UMP et dans l'opposition, qui pourraient être confrontées et plus utilement débattues. Il a contesté la vision de M. André Chassaigne en estimant que celle-ci ne recueillait qu'un faible écho au niveau électoral.

S'agissant de la démocratie sociale, il a jugé qu'on ne saurait parler de développement des entreprises sans prendre en considération le facteur humain. L'intérêt du chef d'entreprise ne réside plus dans la détention de l'information, mais dans son partage ; édicter ne suffit plus, il faut associer, ce qui souligne l'importance des institutions représentatives du personnel.

Dans les petites entreprises, dont la richesse repose sur leur caractère familial, il ne saurait y avoir de délégués du personnel imposés « d'en haut », il convient de privilégier une approche plus souple. Si la représentativité par bassin de vie et par branche ne doit pas être négligée, il faut procéder avec circonspection pour ne pas déstabiliser ces petites structures.

S'agissant des 35 heures, le projet de loi n'a ni pour objet ni pour effet de mettre en cause la durée légale du travail, puisqu'elle détermine le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Si dans certaines entreprises, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail a été couronnée de succès, dans la majorité des cas elle a constitué une entrave au développement économique, et le projet de loi permettra de libérer la capacité des entreprises à s'adapter aux évolutions économiques.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

a rappelé, s'agissant de la démocratie sociale, que le groupe UMP avait reçu les organisations syndicales représentatives le 10 juin, et a salué la démarche des syndicats, en particulier la CFDT, qui se sont engagées dans un projet difficile. Tous les syndicats ont indiqué leur volonté de concourir à l'élaboration d'un cadre législatif conférant aux organisations davantage de légitimité et de représentativité afin d'améliorer le dialogue social, vision à laquelle il souscrit, faisant sien le constat dressé par M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, selon lequel le système actuel a entraîné une multiplication des syndicats mais pas des salariés syndiqués.

En ce qui concerne les 35 heures, les décisions doivent être prises au plus près du terrain et présenter une certaine souplesse. Il a contesté l'opinion selon laquelle les salariés sont systématiquement placés en situation d'infériorité par rapport à leur employeur, notamment dans les secteurs en tension rencontrant des difficultés de recrutement.

Il a également contesté la création d'un prélèvement supplémentaire de 0,15 % de la masse salariale afin de financer le dialogue social, en soulignant l'hostilité des syndicats à ce prélèvement.

La création d'un Haut Conseil du dialogue social n'apparaît pas non plus indispensable, en particulier compte tenu des prérogatives de l'actuelle Commission nationale de la négociation collective.

PermalienPhoto de Jean-Paul Anciaux

a récusé les propos de M. André Chassaigne selon lesquels le projet de loi entend « casser la protection sociale », estimant qu'il s'agit au contraire d'améliorer le dialogue entre employeur et salariés afin de faire émerger de nouvelles protections accompagnant les nécessaires évolutions de l'entreprise.

De même on ne peut partager le point de vue selon lequel les salariés endurent une situation de souffrance généralisée au travail ; le travail est structurant dans la vie de chacun, et de nombreux salariés sont heureux de pouvoir se lever le matin pour aller rejoindre leur poste.

Il a exposé sa conception qui place le client au sommet des priorités de l'entreprise, immédiatement suivi des salariés et enfin des actionnaires.

Il a ensuite apporté plusieurs réponses aux différents intervenants :

- dans les entreprises de moins de dix salariés, les modalités de négociation sont fixées par l'alinéa 18 de l'article 2 du présent projet de loi ;

- les seuils retenus ont été privilégiés afin d'éviter tout émiettement ;

- les accords négociés avec des salariés mandatés devront être approuvés par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ;

- le dépassement du contingent conventionnel des heures supplémentaires sera subordonné à des contreparties obligatoires en terme de temps de repos, s'ajoutant à la majoration salariale attachée à ces heures supplémentaires ;

- s'agissant de l'aménagement du temps de travail, la réforme vise à simplifier les régimes existants et à privilégier l'accord d'entreprise ;

- en ce qui concerne le forfait, en fixant un nombre maximal de jours travaillés au-delà de la durée annuelle, l'accord collectif donne la possibilité aux salariés volontaires de travailler davantage ; un plafond légal pourrait cependant être fixé, ce qui fera l'objet d'un amendement qui sera présenté ultérieurement ;

Répondant ensuite à Mme Catherine Coutelle, le rapporteur a indiqué qu'en effet le Gouvernement entendait « reprendre la main » sur la question du temps de travail, ce qui est cohérent avec la réforme de la représentativité ; les deux sujets sont traités concomitamment dans la mesure où l'on ne saurait envisager une réforme de la durée du travail sans avoir fixé les règles de la négociation.

Il s'est associé aux remerciements adressés par M. Jean-Paul Charié au Président Patrick Ollier, a salué lui aussi l'évolution des syndicats de salariés et a souscrit au point de vue défendu par l'orateur, selon lequel la réussite d'une entreprise tient pour beaucoup au facteur humain.

Usant de la faculté ouverte par l'article 87 du Règlement, M. Jean Frédéric Poisson, rapporteur au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a indiqué que le projet de loi ne mettait pas en cause la durée légale du travail, qui demeure fixée à 35 heures hebdomadaires.

Les possibilités de fixation d'heures supplémentaires en dépassement des contingents conventionnels, prévues par le projet de loi, ne sont pas contradictoires avec les recommandations de la position commune, dont l'article 17 prévoyait que des accords d'entreprises pourraient préciser les modalités de dépassement de ces contingents à titre expérimental. Le texte soumis à l'examen des deux assemblées ne traduit pas de divergence de fond par rapport à ce principe.

S'agissant des entreprises de moins de 10 salariés, la position commune avait constaté une impossibilité de se prononcer dans les délais impartis, et exprimait le voeu que les négociations se poursuivent. Un amendement adopté par la commission des affaires sociales prend acte de cette proposition, en fixant toutefois une date butoir aux négociations au 30 juin 2009, afin d'éviter que celles-ci ne se poursuivent indéfiniment.

Chapitre Ier : La représentativité syndicale

Article 1er (article L. 2121-1 du code du travail) : Critères de représentativité des organisations syndicales de salariés

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis prévoyant que la représentativité des organisations patronales sera déterminée par accord entre les syndicats d'employeurs et de salariés au niveau national.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (articles L. 2122-1 à L. 2122-11 du code du travail) : Mesure de la représentativité des syndicats

La Commission a adopté un amendement de clarification du rapporteur pour avis précisant les critères de mesure de la représentativité d'un syndicat au niveau d'un groupe, après que M. Jean Gaubert a fait préciser par le rapporteur pour avis que l'addition des résultats était mesurée au niveau des implantations du groupe sur le territoire français.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Lionel Tardy tendant à supprimer la création du Haut Conseil du dialogue social.

Après que M. Lionel Tardy a souligné que la Commission nationale de la négociation collective serait tout à fait en mesure de remplir les tâches pour lesquelles était créé le Haut Conseil du dialogue social, le rapporteur pour avis a fait valoir que la composition du Haut Conseil ne se limiterait pas aux organisations syndicales représentatives mais à l'ensemble de ces organisations, et qu'il proposait même par un amendement d'y inclure des membres du Parlement.

La Commission a alors rejeté l'amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis incluant, parmi les membres du Haut Conseil, un député et un sénateur désignés par la commission permanente compétente de leur assemblée respective.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 2 ainsi modifié.

Chapitre II : Les élections professionnelles

Article 3 (articles L. 2314-3, L. 2314-4, L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail) : Elections des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'entreprise

La Commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis tendant à intégrer les salariés mis à disposition dans le décompte des effectifs de l'entreprise dans laquelle ils travaillent, sous condition d'une présence physique effective dans cette entreprise d'une durée minimale d'un an au moment du décompte, et à leur conférer au bout de cette durée la qualité d'électeur et au bout de 24 mois celle d'éligible dans cette même entreprise.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

ayant fait remarquer que la mention de la présence de ces salariés dans les locaux de l'entreprise pouvait aboutir à exclure du dispositif des salariés travaillant sur des chantiers menés par l'entreprise, le rapporteur pour avis, après avoir fait part qu'une difficulté de rédaction similaire avait été évoquée lors de l'examen par la commission saisie au fond, a exposé qu'une rédaction améliorée serait proposée lors de l'examen en séance publique.

La Commission a alors adopté l'amendement proposé.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ainsi modifié.

Chapitre III : La désignation du délégué syndical

Article 4 (articles L. 2143-3 à L. 2143-6, L. 2143-11 et L. 2324-2 du code du travail) : Règles de désignation du délégué syndical

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 4 sans modification.

Chapitre IV : La représentation de la section syndicale

Article 5 (articles L. 2142-1, L. 2142-1-1 à L. 2142-1-4 du code du travail) : Représentation de la section syndicale

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant, par parallélisme avec les dispositions concernant les délégués du personnel faisant office de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, que le mandat de représentant de la section syndicale confié à un délégué du personnel n'ouvre pas droit à un crédit d'heures spécifique.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 5 ainsi modifié.

Chapitre V : La validité des accords et les règles de la négociation collective

Article 6 (articles L. 2231-1, L. 2232-2, L. 2232-6, L. 2232-7, L. 2232-12 à L. 2232-15, L. 2232-34 et L. 2327-16 du code du travail) : Validité des accords collectifs

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 6 sans modification.

Article 7 (articles L. 2232-21 à L. 2232-29 du code du travail) : Faculté de négocier avec les élus du personnel ou des salariés mandatés

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur pour avis.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 7 ainsi modifié.

Chapitre VI : Ressources et moyens

Article 8 (articles L. 2135-1 à L. 2135-10 et article L. 82-41-1 du code du travail) : Transparence financière et financement du dialogue social

La Commission a examiné un amendement de M. Lionel Tardy tendant à supprimer les dispositions de l'article relatives au financement du dialogue social.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

a exposé son désaccord avec la création par le projet de loi d'un nouveau prélèvement de 0,15 % de la masse salariale sur les entreprises, sans étude d'impact, pour financer le dialogue social.

Le rapporteur pour avis a répondu que le projet de loi ne créait aucune charge supplémentaire. L'accord dit « UPA » de 2001 a prévu un prélèvement de 0,15 % sur le montant des salaires entrant dans l'assiette des cotisations sociales pour financer le dialogue social. Le projet de loi n'a pas pour objectif de généraliser un tel prélèvement, mais de le régulariser lorsqu'il a été prévu par de tels accords. Le projet de loi encadre uniquement la mise en oeuvre de ces accords. Il a par ailleurs signalé qu'il avait lui-même déposé un amendement visant à élargir les voies possibles de financement du dialogue social sans pour autant faire référence à une contribution spécifique.

PermalienPhoto de Jean-Paul Charié

a indiqué que le groupe UMP était défavorable à l'institution d'un prélèvement de 0,15 % systématique pour le financement du dialogue social : d'autres solutions sont possibles. En revanche, un accord entre partenaires sociaux de 2001 a prévu cette possibilité. Le Gouvernement veut respecter les résultats de ces négociations. Aller à leur encontre serait envoyer un message extrêmement négatif aux partenaires sociaux.

Cependant, le dispositif du projet de loi, amendé par le rapporteur, respecte ces négociations tout en permettant d'autres dispositifs qu'une cotisation supplémentaire. C'est cette voie qu'il faut privilégier.

La Commission a alors rejeté l'amendement de M. Lionel Tardy, puis adopté l'amendement du rapporteur pour avis.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis prévoyant une information des salariés sur les mises à disposition des salariés auprès des organisations syndicales et associations d'employeurs.

Puis elle a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 8 ainsi modifié.

Chapitre VII : Dispositions diverses et transitoires

Article 9 : Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de détermination des organisations syndicales représentatives

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 10 : Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de validité des accords

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 : Dispositions transitoires en matière de délégués syndicaux

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 12 : Dispositions transitoires et entrée en vigueur de la loi en matière de négociation avec les élus du personnel ou des salariés mandatés

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 13 (article L. 2261-10 du code du travail) : Règles spécifiques de dénonciation d'un accord en cas de changement des organisations syndicales parties à la négociation

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Chapitre VII : Dispositions diverses et transitoires

Article 14 : Entrée en vigueur des dispositions relatives à la certification et à la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis établissant des dates d'entrée en vigueur différenciées pour les nouvelles obligations de tenue et de certification des comptes imposées aux organisations syndicales et professionnelles.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 14 ainsi modifié.

Article 15 : Rapport sur les dispositions relatives à la représentativité des organisations syndicales

La Commission a rejeté un amendement de M. Lionel Tardy relatif au Haut Conseil du dialogue social.

La Commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 15 : Dates de versement des rémunérations des congés de formation économique et sociale et de formation syndicale

La Commission a adopté un amendement portant article additionnel du rapporteur pour avis précisant que cette rémunération est versée à la fin du mois au cours duquel la session de formation a eu lieu, et destiné en conséquence à mettre fin à des pratiques où elle n'était versée qu'en fin d'année.

Titre II

LE TEMPS DE TRAVAIL

Article 16 (articles L. 3121-11 et L. 3121-24 du code du travail) : Renvoi à la négociation collective pour la définition et la mise en oeuvre du contingent annuel d'heures supplémentaires et de ses contreparties

PermalienPhoto de André Chassaigne

a exposé que, si son groupe s'était abstenu sur les articles du titre Ier, il votait en revanche contre les articles composant le titre II du projet de loi.

La Commission a adopté un amendement de cohérence du rapporteur pour avis relatif à l'information des institutions représentatives du personnel sur l'accomplissement des heures supplémentaires.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 17 (article L. 3121-38 à L. 3121-47 et article L. 2323-29 du code du travail) : Assouplissement du régime des conventions individuelles de forfait

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis concernant les garanties de rémunération dont bénéficient les salariés en convention de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à établir un plafond de 250 jours au nombre annuel maximal de jours travaillés dans le cadre de forfaits en jours sur l'année, dans les cas où l'accord collectif de travail n'a pas lui-même fixé ce nombre.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

approuvé par M. André Chassaigne, a fait remarquer que, si l'on additionnait aux 250 jours ainsi prévus les 104 jours représentant les 52 samedis et les 52 dimanches annuels, ainsi que les 12 jours fériés annuels, on obtenait un total de 366 jours sur une année, ce qui laissait pour le moins assez peu de place aux jours de congés payés. Ce à quoi le rapporteur pour avis a répondu que l'objectif de son amendement était d'éviter que ce plafond ne soit fixé à 282 jours, qui est la limite autorisée en application des dispositions légales relatives aux repos quotidien et hebdomadaire et aux congés payés.

La Commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de l'article 17 ainsi modifié.

Article 18 (articles L. 3122-1 à L. 3122-4 du code du travail) : Création d'un mode unique d'aménagement du temps de travail

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 19 : Coordination avec les dispositions issues des lois du 8 février 2008 relative au pouvoir d'achat et du 27 août 2007 relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 20 : Coordination au sein du code du travail

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Puis la Commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi (n° 969) ainsi modifié.

◊ ◊

Le Président Serge Poignant a ensuite indiqué que l'ordre du jour de la Commission appelait l'examen de la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne sur le bilan de santé de la Politique Agricole Commune (PAC), rappelant que celle-ci était en réalité le fruit d'une réflexion commune menée par un groupe de travail constitué de membres de la Délégation pour l'Union européenne et de la Commission des affaires économiques. Avant de laisser la parole au rapporteur, il a indiqué que le processus de révision de la PAC initié dans le cadre du bilan de santé constituerait un thème majeur d'actualité sous la présidence française de l'Union qui est chargée de trouver un compromis sur les propositions de la Commission européenne.

La Commission a tout d'abord désigné M. Michel Raison rapporteur sur la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne sur le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).

Le rapporteur, M. Michel Raison, a salué la décision du Président Ollier d'avoir créé un groupe de travail conjoint avec la délégation pour l'Union européenne pour examiner le bilan de santé de la PAC, dont les travaux se sont déroulés dans de très bonnes conditions et ont permis d'aboutir à des conclusions unanimes.

Le contexte économique confirme aujourd'hui que l'agriculture est un secteur d'avenir, au Nord comme au Sud, alors que sa dimension productive avait été quelque peu occultée ces dix dernières années. Il impose également aux pays riches du Nord de prendre en considération et de contribuer à améliorer la situation des pays pauvres au Sud.

Le bilan de santé de la PAC, initiée par la Commission européenne au mois de novembre dernier, doit s'achever pendant la présidence française de l'Union avec l'adoption d'un ensemble de règlements techniques sur la base des propositions de la Commission rendues publiques le 20 mai dernier. Si ce bilan de santé n'est à la base qu'un ajustement de la précédente réforme de la PAC de 2003, il n'en constitue pas moins un test pour la préparation des futures négociations sur la réforme de fond qui devra être opérée en 2013 et pose des premiers jalons. La France ne s'y est pas trompée en cherchant toujours à ramener les propositions de la Commission dans la perspective de la prochaine réforme et en affirmant son intention de lancer officiellement le débat sur 2013 dès le conseil informel d'Annecy en septembre 2008.

S'agissant des buts poursuivis par la Commission européenne dans le cadre du bilan de santé, ils convergent tous vers un approfondissement de la réforme de 2003, qui avait elle-même prévu la clause de révision examinée aujourd'hui. Cette réforme, qui s'inscrivait dans la lignée des réformes entreprises dès les années 1990, a eu pour objectif de rapprocher la PAC des critères fixés par l'Organisation mondiale du commerce en limitant les distorsions aux échanges, la protection du marché intérieur et les soutiens directs à la production. De la sorte, elle a constitué aux yeux d'un certain nombre d'observateurs un début de dislocation de la PAC. Les deux symboles de cette évolution sont, d'une part, la création d'un deuxième pilier de la PAC consacré aux actions de développement rural et financé par une modulation obligatoire des aides du premier pilier et, d'autre part, le découplage des aides directes versées aux exploitants de la production et la mise en oeuvre des droits à paiement unique.

Aujourd'hui, la Commission européenne entend poursuivre le découplage sur quasiment toutes les productions, alors que certaines productions sensibles étaient restées partiellement couplées, notamment en France, et s'attaque au principe même des outils de gestion de l'offre et de stabilisation des marchés en proposant la suppression pure et simple de la jachère obligatoire, des quotas laitiers et de l'intervention. La proposition de résolution réagit fermement à ces projets, notamment :

– en affirmant l'inutilité de la suppression d'outils opérationnels, comme la jachère, qu'il suffirait de mettre à zéro sans pour autant se priver à tout jamais de les utiliser ;

– en réclamant la mise en place de nouveaux instruments de gestion de l'offre en lieu et place des quotas laitiers si ceux-ci devaient effectivement être supprimés.

La Commission européenne propose par ailleurs d'accroître la modulation au profit du deuxième pilier en y introduisant un élément de progressivité, censée pallier l'absence de plafonnement des aides : les taux de modulation applicables en 2012 devraient ainsi s'échelonner de 13 à 22 % des aides du premier pilier.

La seule concession faite par la Commission est la révision de l'article 69 du règlement (CE) n° 17822003 afin de permettre le financement d'aides en faveur de l'agriculture durable et de qualité, des secteurs de production rencontrant des difficultés spécifiques, des zones de production défavorisées mais également de soutiens au développement de l'assurance récolte ou de fonds de mutualisation en cas de crise sanitaire. Toutefois, le montant de crédits qui pourra être consacré à ces opérations et qui représente 10 % des plafonds nationaux d'aides directes risque de constituer un frein important à sa mise en oeuvre. La France est très attachée au développement d'actions nouvelles par le biais d'un article 69 révisé et correctement calibré qui permettrait de ne pas avoir recours à des cofinancements.

Au final, les ajustements proposés par la Commission européenne constituent une réponse à des observations à court terme : la Commission ne mène aucune réflexion de fond sur les objectifs et les modalités de la PAC, prenant uniquement appui sur le contexte mondial actuel et la hausse des cours pour justifier sa position en faveur de « moins de PAC ». Cette position est non seulement réfutable car les marchés agricoles ont toujours été marqués par une forte instabilité, mais elle dénote l'absence de vision de la Commission sur le modèle agricole européen et les objectifs à promouvoir à travers la PAC. Rappelons en effet que le Conseil de Luxembourg de 1997 a posé une définition du modèle agricole européen qui est toujours d'actualité et qu'il convient de faire vivre au travers d'une politique commune : « L'agriculture européenne doit être multifonctionnelle, durable, compétitive, répartie sur tout le territoire européen y compris les régions à problèmes spécifiques ». Le groupe de travail s'est pour sa part efforcé de définir une vision de la PAC qui corresponde à ce modèle agricole. Il a ainsi dégagé un certain nombre de pistes, d'une part, pour répondre à la situation actuelle au niveau mondial et, d'autre part, sur l'après 2013, qui sont contenues dans son rapport et dont les éléments essentiels sont repris dans la proposition de résolution qui a été adoptée la semaine dernière à l'unanimité par la Délégation pour l'Union européenne.

En conclusion, le rapporteur a indiqué que les deux défis qui s'imposaient aujourd'hui étaient le développement de l'agriculture vivrière en Afrique et la réforme de la PAC après 2013, soulignant que de ce point de vue il convenait d'être vigilant afin que ne soient pas opérés dans le cadre du bilan de santé des choix irréversibles pour la PAC.

PermalienPhoto de Jean Gaubert

a rappelé que le texte de la proposition de résolution avait été coécrit par les membres du groupe de travail et résultait d'un travail collectif intéressant. Il a indiqué qu'en conséquence, le groupe SRC voterait la proposition de résolution sur le bilan de santé de la PAC. Il a ajouté que ce bilan de santé ne se présentait pas comme une réforme de la PAC mais comme un bilan de la précédente réforme à mi-parcours et que la Commission européenne avait affirmé ne vouloir apporter que des corrections à la marge. Pour autant, il ne faut pas se méprendre sur la portée réelle de ce bilan de santé car derrière les non-dits se profilent un certain nombre d'orientations pour la réforme de 2013.

M. Jean Gaubert a d'abord estimé qu'il fallait être attentif aux négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et ne pas faire de concessions qui désavantageraient les pays européens par rapport à leurs concurrents, notamment si l'on considère que l'agriculture américaine bénéficie d'un niveau élevé de subventions sans être inquiétée par l'OMC. Capable de mettre en place des systèmes très efficaces pour protéger leurs propres productions, les pays membres du groupe de Cairns sont moins libéraux qu'ils ne le prétendent et prennent souvent comme alibi le nécessaire développement de l'agriculture africaine pour plaider en faveur d'une libéralisation des échanges. Or, il est évident que le plus important pour les pays africains est d'abord de produire pour leur population et non pas d'exporter. Dans ces conditions, les taxes à l'importation restent légitimes et leur mise en oeuvre doit rester possible. Il ne faut pas oublier non plus que la protection des frontières ne relève pas des seules taxes mais doit aussi reposer sur des contrôles permettant de s'assurer que les produits importés répondent bien aux standards européens, notamment d'un point de vue sanitaire.

Dans les propositions de la Commission, figure l'augmentation de la modulation. Les moyens budgétaires de la France étant limités, il conviendrait d'utiliser davantage l'article 68 (ex-article 69) plutôt que le 2ème pilier pour lequel est prévu un cofinancement. La disparition des quotas laitiers, programmée pour 2015, n'est pas non plus souhaitable et la France n'est pas isolée sur ce point, la position de la Pologne évoluant par exemple dans le même sens. Si ces quotas venaient à disparaître, il faudrait prévoir au moins un nouvel instrument de régulation de l'offre, sous peine d'avoir des situations dramatiques dans certaines régions. Deux ou trois autres sujets demandent aussi une grande vigilance. Il en est ainsi du statut de la coopération, qui n'est pas dans le bilan de santé de la PAC mais qui est très attaqué aujourd'hui. De même, le statut des interprofessions et leur développement sont parfois considérés comme une atteinte à la concurrence, alors que dans le même temps, l'achat d'une partie de Coop Alsace par Leclerc ne semble pas poser de problème de concurrence aux yeux des autorités communautaires.

Le président Serge Poignant a souligné que cette proposition de résolution venait en discussion à un moment tout à fait opportun pour préciser la position française et s'est réjoui de son caractère transpolitique.

PermalienPhoto de André Chassaigne

a d'abord souligné la pertinence de l'initiative conjointe de la délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union Européenne et de la Commission des affaires économiques qui permet, grâce à ce rapport d'information, de dresser un historique relativement complet et objectif de la politique agricole européenne intégrée, en partant de ses enjeux initiaux, en retraçant les multiples réformes, et en mettant au grand jour les motivations qui guident sa remise en cause actuelle.

C'est bien parce que cette politique a largement réussi à atteindre des objectifs de souveraineté et d'autosuffisance alimentaires, que dans leur immense majorité les citoyens européens ne connaissent plus aujourd'hui la faim et la malnutrition. Bien sûr, cette politique a connu certaines dérives, mais personne ne peut honnêtement soutenir qu'il convient de la supprimer.

Dans un contexte mondial marqué par la forte volatilité des matières premières agricoles, qu'accentue l'augmentation des cours des combustibles fossiles, et par des mouvements spéculatifs incessants aux effets dramatiques sur les populations, cette proposition de résolution traduit un positionnement politique salutaire de la France en matière agricole. Cette position est à la fois le fruit d'une histoire agricole et rurale particulière, et celle d'une certaine clairvoyance dans les enjeux qui se dessinent pour l'humanité.

M. André Chassaigne s'est réjoui que soient réaffirmés courageusement dans la proposition de résolution des principes aussi essentiels à notre avenir commun que ceux de l'autosuffisance alimentaire et de la préférence communautaire. Principes qui, il y a encore quelque temps, pouvaient paraître désuets pour certains libéraux. Il s'est satisfait également du fait que cette proposition réaffirme la singularité de l'agriculture qui constitue un secteur à exclure du champ d'application de la doctrine libérale de l'OMC. Les productions agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres, car comme l'accès à l'eau potable, elles satisfont un besoin primaire de l'humanité sans lequel il n'y a pas d'humanité possible.

M. André Chassaigne s'est félicité par ailleurs de l'inscription dans ce texte de la nécessité de conforter le budget agricole européen, si souvent stigmatisé. C'est parce que d'autres politiques publiques sont volontairement laissées en friche que celui-ci est apparu à certains comme déséquilibré et non l'inverse !

Mais il a précisé que ce satisfecit ne serait pas sincère, s'il ne faisait état de certains points où la proposition aurait sans doute dû pousser plus en avant ses propositions.

En ce qui concerne les ajustements nécessaires après l'instauration du régime de paiement unique, il aurait été souhaitable de faire figurer clairement le nom des secteurs les plus fragilisés et nécessitant une répartition plus équitable des aides, notamment les élevages bovin et ovin. De plus, une évaluation complète de l'introduction des « droits à paiement unique» se devait sans doute de déconstruire, avec plus de force, les mythes qui ne tiennent absolument pas compte des réalités de la production agricole. Dans le cadre de son maintien, le paiement unique aux exploitations devrait concerner les hectares en réelle production mais aussi survaloriser les premiers hectares pour privilégier l'emploi en enrayant les processus de concentration, et ainsi stimuler l'installation.

Le principe d'un plafonnement des aides directes par actif et par exploitation aurait pu être davantage affirmé, avec en contrepartie une réutilisation des montants dégagés dans le cadre de l'article 69 révisé pour un bonus aux exploitations répondant à des critères de durabilité, l'objectif étant de laisser aux États membres une certaine marge de liberté quant à l'affectation des montants dégagés. Par ailleurs, dans le cadre de l'élargissement de l'article 69 à d'autres secteurs, le taux de prélèvement maximal sur les plafonds nationaux de paiements directs doit être porté bien au-delà du seuil des 10 % pour la mise en oeuvre de mesures efficaces. Cela permettrait d'inscrire un véritable soutien à l'herbe au sein du premier pilier. Ce soutien revêt un caractère à la fois indispensable et urgent, afin de maintenir des systèmes herbagers qui sont l'identité même des territoires d'élevage en Europe, et qui sont des exemples opérants de la multifonctionnalité d'une activité agricole. La réorientation des soutiens, grâce à un article 69 ambitieux et rénové, est seule à même de servir le rééquilibrage entre les filières, de garantir l'équilibre social, économique et environnemental des territoires.

Il aurait été aussi souhaitable de voir apparaître le principe, au sein du premier pilier, d'un véritable « plan protéagineux » afin de limiter la dépendance de nos élevages aux matières premières importées pour la consommation des animaux.

D'autre part, il est nécessaire de maintenir le couplage de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) et d'ajuster à celle-ci le niveau de la prime à la brebis et à la chèvre (PBC), pour des raisons évidentes d'aménagement du territoire et de souveraineté alimentaire européenne. Il n'y pas de justification à la soumission forcée de nos productions animales à une concurrence internationale exacerbée, qui fait fi des normes sociales, sanitaires, environnementales les plus élémentaires et des besoins alimentaires des populations des pays du Sud. Afin de garantir ces mêmes principes, aurait pu être inscrite la proposition de réévaluation des indemnités compensatrices de handicaps naturels (ICHN) dans le cadre du second pilier, ainsi que la proposition d'un soutien accru à la dynamique d'installation et de modernisation, en particulier en zone de montagne.

Mais ce renforcement du second pilier par une simple augmentation de la modulation exclut toute ambition de consolidation du budget européen. Vider le premier pilier au profit du second, moins lié à la production agricole, c'est tout simplement détruire avec habileté et un sens du marketing politique notre tissu agricole productif, en se faisant passer pour des aménageurs charitables. Voilà donc quelques problématiques qui auraient pu être intégrées dans le corps de ce texte tout en conservant son équilibre actuel. Malgré cela, et compte tenu de la nécessité de fournir l'état de la réflexion française, les propositions inscrites dans la proposition de résolution apparaissent globalement satisfaisantes. Elles font part à la fois de l'intérêt que portent les parlementaires français au secteur agricole, avec responsabilité, et avec une vision d'avenir pour le modèle européen. Elles confirment le fait que l'agriculture n'est pas un « tiers secteur» à traiter vulgairement et à abandonner au libre arbitrage idéologique des négociateurs de l'OMC. C'est donc sur ces bases, en prenant en considération à la fois les avancées et les points perfectibles du texte, que M. André Chassaigne a déclaré soutenir cette proposition de résolution.

PermalienPhoto de Antoine Herth

a félicité le rapporteur pour le travail accompli et a souligné l'opportunité d'adopter cette proposition de résolution à ce moment du débat. L'OMC a toujours été l'un des éléments qui ont pesé sur les choix de la PAC mais cela l'est un peu moins aujourd'hui : il faut en profiter pour résister à l'invitation pressante de nos partenaires commerciaux d'arriver à un accord dans le cadre du cycle de Doha, alors que ces mêmes partenaires ne font aucun effort dans le cadre de leur politique nationale. Le rapport d'information et la proposition de résolution apportent aussi un éclairage important sur le contexte mondial. Ce contexte est bien sûr marqué par le renchérissement du cours des céréales mais il est indispensable d'élargir le propos à l'évolution du coût des matières premières et à la question des coûts de production. S'agissant des propositions de révision à mi-parcours faites par la Commission européenne, le rapporteur souligne à juste titre la nécessité de maintenir des outils de régulation, en matière de production céréalière, en matière de gestion des risques avec un nouvel outil à construire mais aussi en matière de quotas laitiers. Au-delà de leur utilisation comme outil de gestion d'une production, ces quotas doivent aussi être appréhendés comme un outil d'aménagement du territoire.

M. Antoine Herth a aussi approuvé les orientations retenues dans la proposition de résolution pour aborder les questions budgétaires. Il est désormais essentiel de se concentrer sur une bonne utilisation des moyens qui peuvent être dégagés du premier pilier. Un des défauts du second pilier consacré au développement rural, est, au-delà du principe du cofinancement, la lourdeur administrative dont pâtit sa mise en oeuvre, qui se traduit par des demandes et autorisations très complexes, assortis de nombreux contrôles, ce qui rend inefficaces certaines mesures. La France devra appeler aussi la Commission européenne à plus de cohérence lorsque cette dernière met en avant le découplage. En effet, la promotion de ce découplage devrait logiquement s'accompagner d'une autorisation donnée pour mieux organiser les filières, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'examen de ce bilan de santé est une opportunité de redécouvrir les fondamentaux de la PAC dans la perspective de la prochaine réforme en 2013. Il serait par ailleurs souhaitable que les politiques énergétique et agricole soient mieux articulées. Enfin, la PAC est aussi un test de gouvernance pour l'Union européenne et le résultat doit être au bout.

PermalienPhoto de Jean-Claude Fruteau

a salué, en tant que membre du groupe du travail, le bon climat qui a régné pendant ses réunions, ainsi que la qualité du travail accompli. Il a souligné que le rapport était le fruit d'une réflexion collective et que le texte de la proposition de résolution reflétait un large consensus français autour de l'avenir de la PAC. Le Président de la République a retenu à juste titre la PAC comme l'un des thèmes prioritaires de la présidence française de l'Union européenne. A travers le bilan de santé et les propositions de la Commission européenne, c'est la future PAC qui est en train de se dessiner. Un élément est apparu récemment qui montre l'ampleur du défi d'une politique agricole qui doit se penser au niveau mondial : les émeutes de la faim. Alors que l'on a beaucoup parlé ces dernières années de développement rural et considéré les agriculteurs comme des aménageurs et des protecteurs des paysages, bien qu'eux-mêmes revendiquaient leur volonté de vivre de leur production, les émeutes de la faim prouvent que ce temps est révolu et que l'ambition de l'agriculture est aujourd'hui encore de produire pour nourrir la planète.

Le rapport d'information présente une analyse de deux visions possibles de la PAC et se prononce résolument en faveur de celle qui considère l'agriculture comme un secteur marqué par une instabilité croissante qui nécessite une intervention publique. Cette intervention doit permettre d'assurer une régulation des marchés agricoles qui subissent aujourd'hui les effets pervers d'une spéculation irraisonnée. Il est important de pouvoir disposer de mécanismes d'intervention pour orienter l'offre et prévenir les risques. En ce qui concerne l'OMC, l'Union européenne a fait ce qu'il fallait et les restitutions à l'exportation n'existent plus. Les pays du groupe de Cairns soutiennent une philosophie ultralibérale mais ont gardé de fait des mécanismes de soutien ; c'est à eux qu'il appartient désormais de faire des efforts. Il convient par ailleurs de prêter une attention particulière aux régions ultrapériphériques et de ne pas toucher aux processus et mécanismes existant dans ces régions, qui sont toujours aussi pertinents. La France devra donc rester vigilante sur le traitement de ces régions dans le cadre des négociations sur l'après 2013.

M. Jean-Claude Fruteau a également salué la pertinence de l'encadré, figurant au rapport d'information, relatif à l'opportunité de conclure ou non les accords de partenariat économique. Il a déclaré approuver la vision nouvelle donnée par cet encadré : la libéralisation des échanges n'entraîne pas forcément le développement des pays pauvres. Puis, en conclusion, il a indiqué qu'il voterait cette proposition de résolution.

PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

a félicité le rapporteur et les différents intervenants pour la teneur de leurs propos, qui tranchent quelque peu avec ceux qui étaient tenus au Parlement il y a quelques années. Il s'est réjoui qu'à ce titre que la PAC ne soit plus considérée par certains comme une politique à bannir. En 2003, alors qu'il était rapporteur de la délégation pour l'Union européenne sur la réforme de la PAC, l'agriculture était présentée comme ayant pour seule finalité l'aménagement de l'espace et personne n'avait plus en tête que l'agriculture devait aussi nourrir la population. Aujourd'hui, une attention très forte est portée au renchérissement des prix agricoles mais cette hausse des cours tend à se tasser. La France devra donc rester vigilante sur le budget accordé à la PAC en 2013. La PAC ne pourra pas non plus perdurer sans préférence communautaire ni outils de régulation. Il serait également souhaitable qu'un accent particulier soit mis sur les indications géographiques protégées (IGP) et la Commission européenne devra être offensive sur ce point dans le cadre de l'OMC.

PermalienPhoto de Jacques Le Guen

a rappelé que le défi majeur de l'agriculture était de pouvoir nourrir 9 milliards de personnes à l'horizon 2050 et a estimé que les produits agricoles n'étaient pas des biens comme les autres. A ce titre, il s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir l'agriculture dans le cadre des négociations de l'OMC et estimé qu'il serait intéressant d'examiner la position de nos différents partenaires européens sur ce point. Il a rappelé les dégâts de l'OMC sur l'économie du Sénégal, pays qui était auparavant autosuffisant à 90 % pour l'élevage de poulets et qui désormais satisfait les besoins de sa population à 10 % par une production locale et à 90 % par des importations issues du Brésil. Il a également souligné la nécessité de défendre le modèle français coopératif, qui a permis de gagner des parts de marché. Il s'est enfin interrogé sur le caractère eurocompatible de la mise en place souhaitée par le gouvernement d'associations d'organisations de producteurs (AOP).

PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

a félicité la Commission des affaires économiques et la Délégation pour l'Union européenne pour leurs travaux conjoints. Malgré les attaques dont elle a fait l'objet, la PAC a joué son rôle, en dépit des difficultés liées à la concurrence des pays tiers. Il a approuvé la proposition figurant dans la proposition de résolution de conserver des mécanismes d'intervention en cas de crise et de pérenniser le financement des aides du premier pilier. Il s'est aussi déclaré favorable à la création de nouveaux outils de stabilisation et au maintien de la préférence communautaire. Il a enfin demandé au rapporteur quelles actions pouvaient être envisagées pour prendre à bras-le-corps les problèmes des pays pauvres.

PermalienPhoto de Michel Raison

, a répondu qu'en ce qui concernait les pays pauvres, des règles favorables pouvaient être fixées dans le cadre de l'OMC. Il a également rappelé que les pays européens avaient supprimé les mécanismes de subventions aux exportations créant des distorsions et que la PAC n'avait pas les effets pervers qu'on pouvait lui prêter sur les cultures vivrières locales. A l'inverse, l'Afrique est souvent considérée par les États-Unis comme un moyen d'écouler leurs excédents. Et quand les cours s'envolent et que les productions sont moins importantes, les États-Unis diminuent leur aide alimentaire dans des pays qui s'y sont habitués, créant parfois des situations dramatiques.

S'ils ne figurent pas dans la proposition de résolution qui se doit d'être synthétique, les points soulevés par M. André Chassaigne ont été traités dans le rapport d'information, le sujet des protéines par exemple, ou la liste des productions à soutenir.

La singularité de l'agriculture, mise en avant par plusieurs intervenants, est réelle car il est impossible d'adapter à l'avance l'offre à la demande, à l'inverse de l'industrie. Les productions, soumises aux contraintes climatiques, restent aléatoires et le raisonnement applicable à l'agriculture est donc différent. De plus, un traitement différencié se justifie aussi par le caractère stratégique de l'arme alimentaire. Une autre raison est le rôle joué par l'agriculture dans l'occupation et l'entretien de l'espace, qui peut avoir des conséquences sur d'autres activités comme le tourisme. Face à l'apparente abondance de productions agricoles en Europe, il ne faut pas casser les mécanismes de gestion de marchés et réfléchir à de nouveaux outils le cas échéant. Il est également important de ne pas se laisser duper par nos partenaires américains dans les négociations à l'OMC car la réforme du Farm Bill a permis aux agriculteurs américains de garder un régime de subventions très favorable par un biais détourné.

La Commission a ensuite adopté à l'unanimité la proposition de résolution sur le bilan de santé de la politique agricole commune.