La Commission procède, sur le rapport (n° 1321) de M. Daniel Garrigue, à l'examen de la proposition de résolution (n° 1292) de M. Daniel Garrigue sur l'Europe face à la crise financière.
Nous avions initialement envisagé de présenter devant la Commission chargée des affaires européennes un bilan des dix ans de l'euro, mais, compte tenu de l'actualité, il nous a semblé plus opportun d'analyser l'action de l'Europe face à la crise financière. En effet, l'Europe joue un rôle considérable dans le traitement de cette crise internationale.
Il est inutile de s'attarder sur les causes de cette crise, que les économistes ont beaucoup analysée. Il est d'ailleurs étonnant qu'il n'y ait pas eu de réaction politique plus énergique dès le déclenchement de la crise à l'été 2007, alors que les économistes lancent des avertissements depuis ce moment.
Les subprimes ont constitué le catalyseur de la crise, mais celle-ci résulte aussi de causes plus profondes, notamment l'excès de liquidités monétaires et la politique américaine de soutien systématique à la croissance. En outre, la déréglementation financière a permis le développement d'instruments spéculatifs de plus en plus risqués. Certains membres de la commission chargée des Affaires européennes ont évoqué, en outre, le problème du partage des revenus issus du travail et du capital. Enfin, la crise a connu son paroxysme lors de la faillite de la banque Lehman Brothers, à l'occasion de laquelle les autorités américaines ne sont pas intervenues.
L'Europe a réagi de façon très efficace : si le cataclysme financier n'a pas eu lieu, c'est grâce à l'intervention des Européens, en particulier de la présidence française de l'Union. C'est aussi grâce au rôle stabilisateur de la zone euro.
Le Premier ministre britannique Gordon Brown a contribué de façon très importante au traitement de la crise, en proposant des solutions sur la garantie des dépôts et le crédit interbancaire, qui ont permis d'aboutir aux conclusions du conseil « Ecofin » du 7 octobre et du Conseil européen des 15 et 16 octobre.
D'autre part, il faut souligner le rôle très positif de la Banque centrale européenne (BCE), qui est insuffisamment reconnu. La BCE a injecté d'importantes liquidités en temps opportun, engagé un processus de diminution des taux d'intérêt et est intervenue au-delà de la zone euro au secours de la Hongrie.
Enfin, les États européens eux-mêmes ont réagi de façon très cohérente et efficace pour le sauvetage des banques en difficulté.
Si la Commission européenne est apparue en retrait dans la gestion de la crise financière, il ne faut cependant pas minimiser son rôle. Elle a assoupli les règles de concurrence, pour permettre les plans d'aide aux banques d'une part, et les plans de relance d'autre part. Parallèlement, elle a mis en chantier des réformes nécessaires, s'agissant notamment des normes comptables, des agences de notation et de la fiscalité de l'épargne.
L'Union européenne doit désormais s'atteler à deux chantiers : gérer la crise économique d'une part, afin d'en atténuer la gravité, et engager d'autre part une réforme d'ensemble du système monétaire et financier international.
S'agissant de la gestion de la crise, l'Union européenne doit parvenir à coordonner des États dont les marges de manoeuvre budgétaires ne sont pas les mêmes, dont l'appréciation de la crise varie et dont l'interprétation du Pacte de stabilité et de croissance est différente – c'est notamment le cas de la France et l'Allemagne. L'Union européenne doit assurer l'efficacité de la relance, la cohésion des États membres et le retour au respect du Pacte de stabilité. Il est fondamental de réchauffer les relations franco-allemandes sur ce point.
S'agissant de la réforme du système monétaire et financier international, l'Union européenne doit jouer un rôle moteur. La réunion du G 20 a eu le mérite de traduire une prise de conscience collective et de faire participer un nombre important d'État aux discussions – bien qu'il soit regrettable que les pays africains n'aient pas été représentés. Les conclusions du G 20 sont cependant décevantes sur le plan opérationnel. C'est pourquoi les Européens doivent prendre les devants, et ne pas céder au risque de « relâchement » qui peut intervenir avec le sentiment que le pire de la crise est passé. L'Europe doit préparer des réformes dans trois domaines : la régulation, la supervision et la moralisation.
Sur le premier point, il est nécessaire de modifier les règles prudentielles à travers la révision des normes de « Bâle II » pour les banques et de « Solvabilité II » pour les assurances. Certaines normes comptables doivent également faire l'objet de modifications.
Concernant la supervision, l'Europe a déjà avancé, grâce au « dispositif Lamfalussy » et à l'existence de comités de régulateurs. La Commission européenne a chargé un groupe d'experts présidé par M. Jacques de Larosière de présenter avant le Conseil européen de mars 2009 des recommandations sur le renforcement du dispositif européen de supervision, concernant l'ensemble des activités du secteur financier. La question est de savoir s'il est possible de mettre en place une autorité à l'échelle européenne, et si oui, quel doit être son périmètre. Si l'autorité couvre uniquement la zone euro, elle aura l'avantage d'être proche de la BCE, mais il serait regrettable d'exclure le Royaume-Uni du dispositif, alors que Londres concentre une grande partie de l'activité financière européenne. Il serait donc préférable de mettre en place une autorité à l'échelle de l'Union européenne, voire de l'Espace économique européen.
Enfin, s'agissant de la moralisation du système financier, on a entendu de nombreuses prises de position sur les modes rémunérations qui ont un effet pervers, mais aucune mesure concrète n'a été prise pour l'instant. Toutefois, la Commission européenne prépare actuellement un texte sur les rémunérations. D'autre part, il convient de lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale : en effet, le renforcement de la régulation risque d'entraîner encore davantage de fuites de capitaux. La Commission européenne a présenté le 13 novembre dernier une proposition de modification de la directive 200348CE du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, qui représente un progrès, mais ne va pas suffisamment loin.
Je tiens d'abord à féliciter le Rapporteur pour le travail qu'il a réalisé sur un sujet capital.
Les observations du groupe de travail Assemblée nationale – Sénat sur la crise financière internationale et celles du rapporteur sont bienvenues. La proposition de résolution se distingue, en outre, par sa cohérence, et je souhaite m'associer à cette démarche.
Je félicite également le Rapporteur pour son travail. J'aurai, pour ma part, trois questions. L'enjeu de la première est, en quelque sorte, historique : lors des auditions que vous avez menées, avez-vous trouvé des personnes ayant anticipé, a priori, l'importance de la crise ? Ma seconde question concerne les normes comptables. J'ai lu récemment une interview du président d'AXA qui affirme qu'aucune évolution n'a été constatée en ce domaine. Les règles imposant une évaluation des actifs, notamment financiers, à la « juste valeur », ou fair value, n'ont pas été modifiées. L'IASB, en charge de la définition des normes comptables internationales, ne ferait guère cas des propositions des chefs d'État et de Gouvernement. Je voudrais vous soumettre cette appréciation, qui renvoie d'ailleurs aux problèmes, évoqués précédemment, que rencontrent les compagnies d'assurance. Enfin, ma dernière question concerne l'élargissement de la zone euro, notamment au Royaume-Uni, et l'incidence de la crise financière sur la position des pays concernés relativement à cette question.
Sur la première question, bien des personnes ont anticipé la crise : une littérature abondante a permis de suivre les évolutions économiques et financières au jour le jour depuis un an et demi. Plusieurs ouvrages ou revues spécialisées ont donc tiré la sonnette d'alarme avant le déclenchement de la crise. Pourtant, du fait d'une certaine inertie collective, rien n'a été fait pour l'empêcher. Ce manque de réaction est dû à la difficulté d'agir en l'absence d'une structure internationale permettant une telle action. En effet, les difficultés sont multiples quand il s'agit de mener une action concertée au niveau intergouvernemental. À cet égard, le récent G20 a constitué un événement, car sa réunion a permis un élargissement du champ des pays participants. Toutefois, il est resté ponctuel et informel. D'autres réunions sont prévues, et j'espère que cette coordination se poursuivra et permettra de préparer dans de bonnes conditions la prochaine réunion de Londres.
Sur la question des normes comptables, des évolutions sont perceptibles. Les normes IFRS ont été introduites à la suite de l'affaire Enron, dans le but d'assurer une plus grande transparence des comptes des sociétés. Elles ont, il est vrai, privilégié le court terme sur le long terme. Toutefois, l'IASB a prévu des possibilités de revenir en arrière sur certains points, notamment pour les règles appliquées aux gestionnaires de portefeuille. Un retour à la comptabilisation des actifs à leur valeur d'acquisition, moins sensible aux fluctuations des marchés financiers, est donc possible pour les actifs ayant un horizon de long terme. Certains établissements se sont ainsi engagés dans ce mouvement de retour aux anciennes règles. Une prise de position a, en outre, été définie au niveau communautaire. Mais la question sous-jacente est celle de l'application de règles identiques pour les placements de court terme et ceux de long terme. L'évaluation de ces deux types d'investissement ne devrait pas être soumise aux mêmes exigences.
Sur le troisième point enfin, sans l'euro, les États auraient vraisemblablement réagi à la crise sans se coordonner. La zone euro apparaît donc comme un pôle de stabilisation et de résistance aux crises. En conséquence, beaucoup de pays, même l'Islande, qui n'appartient pas à l'Union européenne, se tournent aujourd'hui vers elle car ils ont été particulièrement déstabilisés par les récents événements. La zone euro a donc gagné en attractivité : même au Royaume-Uni, certains posent la question de l'intégration à la zone euro, même si l'opinion reste largement sur les positions qui prévalaient avant la crise. Néanmoins, ces pays doivent se soumettre aux règles qui encadrent l'intégration dans la zone. La Hongrie, par exemple, pâtit de déficits importants, ce qui est contraire aux règles régissant l'entrée dans la zone. La nouvelle attractivité de la zone euro ne doit pas faire oublier que celle-ci implique, entre pays membres, une certaine cohésion qui se traduit par le respect des règles communes du Pacte de stabilité et de croissance. Aujourd'hui, la priorité demeure bien entendu la relance. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la nécessité d'un retour au respect des règles du Pacte de stabilité et de croissance. Des règles communes doivent donc demeurer et la proposition de résolution rappelle que le respect du Pacte reste un objectif à moyen terme. La conscience de cette discipline constitue d'ailleurs l'un des éléments du différend franco-allemand.
En conclusion, je vous invite à adopter la proposition de résolution présentée par la commission chargée des Affaires européennes, sous réserve d'un amendement de complément évoquant les autres travaux parlementaires menés sur la question.
La Commission examine un amendement du Rapporteur, qui vise à faire référence aux propositions du groupe de travail Assemblée nationale – Sénat sur la crise financière internationale dans la proposition de résolution.
La Commission adopte cet amendement.
La Commission adopte ensuite l'article unique de la proposition de résolution ainsi modifié.