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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 1er octobre 2008 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La Commission s'est réunie en vue de procéder à la nomination de son Bureau.

La séance est ouverte à onze heures

Présidence de M. Jean Tiberi, président d'âge

Nomination du président :

La Commission est saisie de la candidature de M. Jean-Luc Warsmann.

Le nombre de candidats n'étant pas supérieur au nombre de sièges à pourvoir, M. Jean-Luc Warsmann est proclamé président de la Commission, conformément à l'article 39, alinéa 4, du Règlement.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président

Nomination des vice-présidents :

La Commission est saisie des candidatures de MM. Guy Geoffroy, Sébastien Huyghe et Alain Vidalies.

PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je souhaite faire écho aux propos de M. Jean-Claude Sandrier, président du groupe GDR, lors de son intervention dans l'hémicycle au moment de la nomination du Bureau de l'Assemblée nationale. Je regrette que l'adoption de la réforme constitutionnelle en juillet 2008 n'ait pas conduit à mieux respecter le pluralisme politique au sein des instances de l'Assemblée nationale. Si les groupes UMP et SRC acceptent de modifier leurs listes de candidats afin de permettre la représentation d'un membre du groupe GDR au sein du bureau de la Commission, je suis prêt à présenter une candidature au nom de mon groupe. Mais dans le cas contraire, je n'en présenterai pas, ne cherchant pas à reproduire la situation qui fut celle du bureau de la Commission il y a quelques années (sourires).

Après avoir demandé à MM. Guy Geoffroy, Sébastien Huyghe et Alain Vidalies si leurs candidatures étaient maintenues, le Président Jean-Luc Warsmann constate que le nombre des candidats n'était pas supérieur à celui des postes à pourvoir.

En conséquence, MM. Guy Geoffroy, Sébastien Huyghe et Alain Vidalies sont proclamés vice-présidents de la Commission, conformément à l'article 39, alinéa 4, du Règlement.

Nomination des secrétaires :

La Commission est saisie des candidatures de MM. Jean-Christophe Lagarde, Philippe Gosselin et Philippe Vuilque.

Le nombre des candidats n'étant pas supérieur à celui des postes à pourvoir, MM. Jean-Christophe Lagarde, Philippe Gosselin et Philippe Vuilque sont proclamés secrétaires de la Commission, conformément à l'article 39, alinéa 4, du Règlement.

En conséquence, le Bureau de la Commission est ainsi constitué :

— Président : M. Jean-Luc Warsmann

— Vice-présidents : MM. Guy Geoffroy

Sébastien Huyghe

Alain Vidalies

— Secrétaires : MM. Jean-Christophe Lagarde

Philippe Gosselin

Philippe Vuilque

La Commission examine, sur le rapport de M. Éric Ciotti, le projet de loi, adopté par le Sénat en première lecture, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (n° 947).

PermalienPhoto de Éric Ciotti

Le Sénat a modifié, le 5 juin 2008 le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 10 avril 2008.

Cette réforme refond entièrement les procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En effet, la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme a critiqué cette procédure contestant son caractère équitable pour le justiciable et critiquant sa longueur excessive.

Afin de remédier à cette situation, le projet de loi clarifie les modalités d'ouverture des instances, en supprimant l'auto-saisine des juridictions financières et en confiant un rôle central au ministère public ; raccourcit les procédures, en supprimant notamment la règle traditionnelle du « double arrêt » ou du « double jugement » ; renforce l'équilibre de la procédure contentieuse en généralisant les audiences publiques contradictoires et en excluant le rapporteur et le ministère public du délibéré ; enfin modifie les règles relatives aux amendes, en supprimant les remises gracieuses dans ce domaine.

Au cours des débats en première lecture, les deux chambres du Parlement ont manifesté leur accord sur les grandes orientations de cette réforme. Ainsi, après une lecture dans chaque assemblée, sur les 36 articles que compte désormais le projet de loi, 24 ont été d'ores et déjà adoptés dans les mêmes termes. La navette ne porte donc plus que sur 12 articles.

De nombreuses dispositions du projet de loi ne restent en discussion que pour des motifs purement rédactionnels. Néanmoins, des divergences de fond se sont manifestées entre députés et sénateurs, d'une part sur la nouvelle procédure juridictionnelle applicable devant le juge financier (articles 11 et 21) et, d'autre part sur la modification du régime de la gestion de fait (articles 16 bis et 29 ter).

Les articles 11 et 21 du projet de loi, qui fixent la procédure juridictionnelle applicable respectivement devant la Cour des comptes et les CRC, ont fait l'objet de modifications importantes au Sénat s'agissant de la procédure de décharge des comptables publics à l'égard desquels le parquet n'a pas conclu à l'existence d'une charge.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait maintenu l'exigence d'une ordonnance rendue par le juge du siège pour qu'un comptable puisse être déchargé de sa gestion conformément aux conclusions du parquet, à l'issue de la phase initiale d'instruction. Elle avait en revanche, pour clarifier la procédure, supprimé la possibilité, laissée à l'ordonnateur et au comptable, de contester cette ordonnance de décharge devant la formation de jugement, car les voies de recours ordinaires paraissent suffisantes pour faire face à des contestations qui devraient rester très ponctuelles. Bien que cela n'ait pas été la décision initiale de sa commission des Lois, le Sénat a décidé de ramener de six à deux ans, à compter de la notification de l'examen des comptes, le délai de prescription permettant au comptable d'être déchargé d'office de sa gestion, à défaut d'ordonnance de décharge intervenue dans ce délai. Or, cette solution risquerait, comme l'a remarqué le rapporteur Bernard Saugey, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat le 5 juin dernier, d'être plus favorable au comptable en cas de doute du magistrat du siège sur la régularité des comptes (ayant conduit à une absence de décharge) qu'en cas d'accord du siège comme du parquet sur cette régularité (ayant conduit le juge du siège à rendre une ordonnance de décharge), ce qui serait paradoxal. En effet, la décharge par prescription ne pourrait faire l'objet d'aucun recours, contrairement à la décharge par ordonnance du président de la formation de jugement.

Pour tenter d'éviter que des situations de doutes ne conduisent à de tels effets juridiques, il vous sera proposé de préciser par amendement que le président de la formation de jugement peut demander qu'un rapport complémentaire soit établi, afin que le parquet décide, au vu de celui-ci, de lui transmettre de nouvelles conclusions retenant une charge à l'encontre du comptable ou, au contraire, de maintenir ses premières conclusions n'en retenant aucune. Sans remettre en cause le monopole du parquet sur l'engagement des poursuites, cet aménagement ciblé permettrait de mieux prendre en compte l'hypothèse de réticences du juge du siège motivées par des anomalies comptables d'abord passées inaperçues.

Le Sénat n'a, en revanche, pas modifié la nouvelle procédure contentieuse applicable devant les juridictions financières, destinée à mieux prendre en compte les exigences d'équité et de transparence récemment rappelées par la Cour européenne des droits de l'homme. Un consensus politique entoure ainsi le choix du législateur de garantir lui-même la publicité des audiences, la collégialité des décisions, l'absence du rapporteur et du parquet au délibéré, ainsi que, comme l'avait décidé l'Assemblée nationale en première lecture, le droit de l'ordonnateur et du comptable qui le demandent d'accéder au dossier. Ces garanties sont une avancée importante pour mieux garantir le respect des règles de l'État de droit devant les juridictions non judiciaires et honorer ainsi les engagements de la France envers les autres États signataires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Des divergences de vues entre les deux assemblées sont par ailleurs apparues sur la question de la gestion de fait.

Le Sénat a tout d'abord supprimé l'article 16 bis, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Charles de Courson.

Cet article avait pour objet de supprimer la procédure de reconnaissance d'utilité publique par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement concerné des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait. Cette procédure fait en effet l'objet de fortes critiques, liées à l'allongement des délais de jugement qu'elle induit et au caractère parfois politique des décisions de refus de reconnaissance de l'utilité publique de certaines dépenses. Tout en reconnaissant le bien fondé des critiques portées à l'encontre de la procédure actuelle, le Sénat a estimé que sa suppression porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, en permettant à la chambre régionale des comptes de se prononcer sur l'utilité publique de dépenses, en lieu et place de l'assemblée délibérante. Dans ces conditions, le Sénat a estimé préférable que cette question fasse l'objet d'un examen d'ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

Cette argumentation est acceptable si, par cohérence, nous excluons du projet de loi l'ensemble des dispositions concernant le régime de responsabilité des gestionnaires publics. Dans ces conditions, nous ne pourrons pas suivre le Sénat qui a souhaité réduire, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, de 10 à 5 ans le délai de prescription en matière de gestion de fait. Ce délai avait déjà fait l'objet d'un considérable raccourcissement en 2001, puisqu'il était passé de 30 ans à 10 ans.

L'objectif affiché par le Sénat est d'harmoniser les délais de prescription avec le nouveau délai de 5 ans, adopté en matière civile par la loi du 17 juin 2008. Cependant, il semble difficile d'adopter le délai de droit commun en matière de gestion de fait, dans la mesure où il s'agit de gestions cachées qui ne peuvent être détectées qu'à l'occasion de contrôles approfondis de la part des juridictions financières. Or, le rythme des contrôles étant quadriennal, il est à craindre qu'un délai de prescription de cinq ans ne se traduise par une quasi-disparition des procédures de gestion de fait.

Sous réserve de l'adoption des quelques amendements qui devraient pouvoir être acceptés par le Sénat, je vous propose d'adopter le présent projet de loi. De la sorte, la réforme des procédures juridictionnelles pourra entrer en vigueur dans les meilleurs délais, mettant la France à l'abri de nouvelles condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme.

PermalienPhoto de Bernard Derosier

Le Sénat a fait son travail en apportant au texte adopté par l'Assemblée des modifications significatives. Mais je me réjouis que les amendements présentés par le rapporteur sur les questions de la gestion de fait et de la prescription aient pour objet de revenir sinon à la lettre du moins à l'esprit du texte voté par l'Assemblée. Je regrette en revanche que le rapporteur ne propose pas de revenir sur la suppression par le Sénat de l'article 16 bis. En effet, cet article, qui supprimait la procédure de reconnaissance d'utilité publique par les assemblées délibérantes des dépenses réalisées en cas de gestion de fait d'une collectivité territoriale, constituait un progrès, dont la disparition du texte serait très regrettable.

PermalienPhoto de René Dosière

Je partage les critiques exprimées par M. Bernard Derosier. L'article 16 bis, qui avait été proposé par un amendement de M. Charles de Courson, avait été adopté à l'unanimité. Cet article avait pour objet d'éviter des situations inégalitaires au sein des collectivités territoriales, voire même des règlements de comptes en cas de changement de majorité, le refus de voter une reconnaissance d'utilité publique pouvant constituer pour une nouvelle majorité le moyen d'obtenir des poursuites contre le gestionnaire de fait de la majorité précédente. Par ailleurs, l'argument de la libre administration des collectivités territoriales n'est pas satisfaisant, dans la mesure où le texte voté par l'Assemblée remplaçait les délibérations de reconnaissance d'utilité publique par la possibilité pour les collectivités territoriales de voter un avis. Enfin, l'argument consistant à repousser cette réforme en raison de la présentation prochaine d'un texte général sur la réforme des règles comptables applicables aux collectivités territoriales n'est pas recevable, les textes généraux promis pour écarter les amendements parlementaires ne venant jamais en discussion. En revanche, il convient d'approuver l'amendement du rapporteur tendant à supprimer le raccourcissement à cinq ans du délai de prescription en matière de gestion de fait, qui constituait une amnistie de fait.

PermalienPhoto de Éric Ciotti

La question de la suppression de la reconnaissance d'utilité publique par l'organe délibérant des dépenses ayant fait l'objet d'une déclaration pour gestion de fait a déjà soulevé des interrogations en première lecture. En réalité, s'il est vrai que cette procédure rallonge les délais et risque d'entraîner des décisions politiques, il ne faut pas non plus surestimer son importance puisque la décision prise ne s'impose pas dans tous les cas au juge des comptes. De plus, il faut tenir compte de l'argument selon lequel la suppression de cette procédure remettrait en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales, auquel le Sénat est très attaché. En effet, l'autorisation de la dépense est un fondement essentiel de ce principe. Dans ces conditions, le maintien de la suppression de l'article 16 bis pourra permettre d'aboutir à une position conforme entre deux assemblées.

Par ailleurs, l'existence d'une procédure de reconnaissance d'utilité publique des dépenses d'une gestion de fait est dépourvue de tout lien avec une prétendue amnistie déguisée dans ce domaine. À cet égard, comme l'a souligné M. René Dosière, la réduction, voulue par le Sénat, de dix à cinq ans de la durée de prescription en matière de gestion de fait constitue une question bien plus sensible.

La Commission passe ensuite à l'examen des articles restant en discussion dans le texte du Sénat.

Article 3 bis (nouveau) : (art. L. 131-5 du code des juridictions financières) : Mise à jour terminologique du CJF :

La Commission adopte l'article 3 bis sans modification.

Article 8 (art. L. 131-11 du code des juridictions financières) : Modification du régime des amendes pour gestion de fait :

La Commission adopte l'article 8 sans modification.

Article 9 (art. L. 131-12 du code des juridictions financières) : Suppression du droit de remise gracieuse du ministre chargé des comptes en matière d'amendes :

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur, puis l'article 9 ainsi modifié.

Article 10 (chapitre Ier [nouveau] du titre IV du livre Ier de la première partie du CJF) : Réorganisation des dispositions du CJF communes aux activités juridictionnelles et administratives de la Cour des comptes :

La Commission adopte l'article 10 sans modification.

Article 11 (chapitre II [nouveau] du titre IV du livre Ier de la première partie du code des juridictions financières) : Procédure juridictionnelle applicable devant la Cour des comptes :

PermalienPhoto de Éric Ciotti

Il convient, conformément au souhait exprimé lors des débats en première lecture à l'Assemblée nationale, de prendre en compte les causes d'une éventuelle réticence du magistrat du siège à rendre une ordonnance de décharge. Pour ce faire, l'amendement permet au président de la formation de jugement de demander qu'un rapport complémentaire soit transmis au parquet, afin que celui-ci révise éventuellement ses premières conclusions tendant à décharger le comptable.

PermalienPhoto de René Dosière

Cette procédure, en évitant tout vide juridique, semble effectivement préférable à celle proposée par le Sénat, qui ramène de six à deux ans le délai de prescription lorsque les conclusions favorables du parquet n'ont pas été suivies d'une ordonnance de décharge.

La Commission adopte cet amendement et l'article 11 ainsi modifié.

Article 16 bis (art. L. 231-4 du code des juridictions financières, art. L. 1612-19-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 421-21 du code de la construction et de l'habitation) : Suppression de la compétence reconnue à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale pour statuer sur l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait :

La Commission maintient la suppression de l'article 16 bis.

Article 21 (chapitre II du titre IV du livre II de la première partie du code des juridictions financières) : Procédure juridictionnelle applicable devant les CRC :

La Commission adopte un amendement du rapporteur simplifiant et clarifiant la procédure permettant, devant les chambres régionales des comptes, de décharger un comptable public à l'initiative du ministère public.

Puis, elle adopte l'article 21 ainsi modifié.

Article 28 (art. L. 253-2 à L. 253-4, L. 254-4, L. 254-5, L. 256-1, L. 262-32 à L. 262-34, L. 262-37, L. 262-38, L. 262-54-1 [nouveau], L. 262-56 à L. 262-58, L. 272-33 à L. 272-36, L. 272-52, L. 272-52-1 [nouveau], L. 272-54 à L. 272-56 et L. 272-60 du code des juridictions financières) : Coordinations relatives aux chambres régionales des comptes :

La Commission adopte deux amendements du rapporteur simplifiant et clarifiant la procédure permettant, devant les chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, de décharger un comptable public à l'initiative du ministère public.

Puis, elle adopte l'article 28 ainsi modifié.

Article 29 bis (art. 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963) : Coordinations à l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables :

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur, puis adopte l'article 29 bis ainsi modifié.

Article 29 ter (nouveau) : (art. L. 131-2, L. 231-3, L. 253-4, L. 262-33 et L. 272-35 du code des juridictions financières, art. 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963) : Réduction à cinq ans du délai de prescription de l'action en responsabilité contre les comptables publics et les comptables de fait :

La Commission adopte un amendement du rapporteur tendant à maintenir à dix ans le délai de prescription en matière de gestion de fait que le Sénat a abaissé à cinq ans, puis adopte l'article 29 ter ainsi modifié.

Article 30 : Habilitation à étendre par ordonnance les dispositions de la loi à l'outre-mer :

La Commission maintient la suppression de l'article 30.

Article 31 : Dispositions transitoires :

La Commission adopte l'article 31 sans modification.

La Commission adopte le projet de loi ainsi modifié.

La séance est levée à 11 h 30.

La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Alain Marleix, Secrétaire d'État à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales sur le projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 1110) et du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés (n° 1111) (M. Charles de La Verpillière, rapporteur).

La séance est ouverte à 11 heures 30.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous avons le plaisir d'accueillir, pour la première fois à la commission des lois, M. Alain Marleix, venu nous présenter les premiers projets de loi organique et ordinaire en application de la récente révision constitutionnelle. Ces projets ont pour objet de déterminer les modalités des nouvelles dispositions de l'article 25 de la Constitution. Outre la définition des conditions de retour des ministres au Parlement, ils constituent la première étape de la révision de la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, dont le Conseil constitutionnel a rappelé l'urgence. Ils fixent également les règles de composition et de fonctionnement de la commission indépendante et je vous rappelle à ce propos que nous aurons à connaître la nomination des personnes qualifiées qui y siégeront. Surtout, le projet ordinaire détermine les conditions dans lesquelles le gouvernement sera habilité à procéder au redécoupage électoral pour les prochaines élections législatives.

Nous sommes très impatients de vous entendre préciser les dispositifs de ces projets, nous expliquer les choix que vous avez faits, notamment en ce qui concerne la composition de la commission, qui ne compte a priori aucun spécialiste, ou sur les modalités d'élection des députés élus par les Français établis hors de France, dont nous ne connaissons pas encore le nombre.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire sont les premiers textes d'application de l'importante réforme des institutions opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier.

Ils concernent le remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres et la révision de la carte de vos circonscriptions électorales. Pris tous deux pour l'application des mêmes articles de la Constitution, et plus particulièrement de son article 25, ils vous sont transmis simultanément et peuvent faire l'objet d'une étude et d'une discussion communes.

Le projet de loi organique fixe dans son article 1er le nombre des députés : la Constitution a prévu un plafond, égal à celui retenu depuis 1985, soit 577. Il faut maintenant fixer les effectifs exacts de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement vous propose de retenir ce chiffre plafond et de l'inscrire à l'article L.O. 119 du code électoral. Les articles organiques qui fixaient jusqu'à présent le nombre des députés élus en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d'outre-mer sont en conséquence abrogés.

Les articles 2, 3 et 4 mettent en oeuvre le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement, décidé en juillet dernier. Ainsi, un député ou un sénateur devenu ministre sera remplacé, provisoirement, par son suppléant (pour un député ou un sénateur élu au scrutin majoritaire) ou par son suivant de liste (pour un sénateur élu au scrutin proportionnel). Il retrouvera automatiquement son siège un mois après la cessation de ses fonctions gouvernementales. S'il renonce à le récupérer pendant ce délai, son remplacement à l'Assemblée nationale ou au Sénat deviendra définitif, jusqu'à la date à laquelle le titulaire initial du mandat aurait lui-même été soumis à renouvellement.

Au cas où plusieurs remplacements seraient intervenus sur une même liste, hypothèse qui ne peut concerner que les sénateurs, c'est le dernier arrivé qui devra céder son siège.

Comme l'a prévu la réforme constitutionnelle, le nouveau système est applicable aux membres actuels du Gouvernement.

Le projet de loi ordinaire contient quant à lui une disposition technique semblable pour les députés européens qui deviennent membres du Gouvernement.

Il est surtout la première étape de l'ajustement de la carte des circonscriptions législatives.

J'en viens à la question essentielle : pourquoi ce redécoupage est-il nécessaire ? Comme vous le savez, la délimitation actuelle a été arrêtée en 1986, sur la base d'un recensement effectué en 1982. Depuis lors, deux recensements généraux de la population sont intervenus, en 1990 et en 1999. Ils ont naturellement fait apparaître des écarts démographiques importants, contraires au principe de l'égalité du suffrage inscrit à l'article 3 de notre Constitution.

À plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a demandé au Gouvernement de réviser en conséquence la délimitation des circonscriptions, comme la loi le lui imposait depuis 1999 ; aucun gouvernement n'a osé le faire. Nous ne pouvions, près de dix ans après, reporter une nouvelle fois cette réforme, en dépit – j'en conviens – de sa complexité un peu redoutable. En effet, les recours devant le Conseil constitutionnel contre des élections de députés sont de plus en plus nombreux, faute que la loi soit appliquée et que l'article 3 de la Constitution soit respecté.

Le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de répondre à cette exigence du Conseil constitutionnel, en procédant à l'adaptation de cette délimitation aux évolutions démographiques. J'y insiste, il ne s'agit donc nullement d'élaborer une nouvelle carte électorale, mais bien de l'ajuster pour remédier aux écarts de population les plus importants.

Comment procéder à cet ajustement ? La procédure va comporter cinq étapes.

Il nous faut en premier lieu mettre en place la commission indépendante, dont nous avons prévu la création à l'article 25 de la Constitution et qui donnera son avis sur la nouvelle délimitation avant le Conseil d'État. Elle fait l'objet de l'article 1er du projet de loi. Cette commission aura une composition équilibrée : trois magistrats (issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des Comptes, élus par leurs pairs en assemblée générale) et trois personnalités (désignées par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat). Nous avons également voulu que cette commission ait un caractère pluraliste. Les trois personnalités ne pourront donc pas être nommées si elles suscitent l'opposition des trois-cinquièmes des parlementaires membres des commissions des lois de votre assemblée et du Sénat : plus exactement, les deux commissions réunies pour le membre désigné par le Président de la République, qui sera président de la commission comme nous l'a demandé le Conseil d'État, et la commission de l'assemblée concernée pour les deux autres membres. Il y aura ainsi une possibilité de veto de 43 d'entre vous sur le membre nommé par le président de votre assemblée ou de 27 sénateurs pour celui nommé par le président du Sénat (ou des deux réunis pour le président de la commission), ce qui devrait entourer ces nominations d'un certain consensus. La commission sera pérenne, nommée pour six ans et renouvelée par moitié tous les trois ans. Elle obéira aux règles classiques de fonctionnement des autorités administratives indépendantes, renforcées à la suite de l'avis émis par le Conseil d'État. Afin de satisfaire les exigences constitutionnelles, la disposition encadrant la nomination du président de la commission par le Président de la République et celle édictant une incompatibilité entre les fonctions de membre de la commission et le mandat de député figurent aux articles 5 et 6 du projet de loi organique.

Nous allons ensuite réviser la délimitation des circonscriptions. Comme en 1986, le Gouvernement vous propose de l'habiliter à procéder par voie d'ordonnances : cette demande d'habilitation, qui fait l'objet de l'article 2 du projet de loi, porte à la fois sur la répartition des sièges et sur la révision de la carte, opérations successives pour lesquelles nous annonçons dès à présent que nous reprendrons les critères retenus en 1986.

Il nous faudra également créer des sièges de députés pour l'élection des représentants des Français de l'étranger : maintenant prévue dans la Constitution, elle interviendra à partir du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale. Elle se fera au scrutin majoritaire à deux tours, comme pour les autres députés : en effet, le mode de scrutin proportionnel ne permettrait pas d'atteindre l'objectif de représenter nos compatriotes établis hors de France par un député qui leur soit attaché. Le nombre de ces nouveaux représentants sera fixé en tenant compte du nombre de nos compatriotes immatriculés à l'étranger : en l'absence de tout recensement exhaustif, analogue à ceux effectués en métropole ou outre-mer, l'immatriculation volontaire constitue la seule donnée possible d'évaluation. Mais elle devra être corrigée à la baisse par le nombre de personnes qui restent inscrites en France pour les élections présidentielles et législatives et, par là même, ne manifestent pas vraiment une volonté de s'établir hors de France. Au vu des chiffres dont nous disposons, le nombre devrait se situer non pas autour de la vingtaine comme on l'a parfois dit lors de la discussion de la révision constitutionnelle, ni à 12 comme on l'a souvent entendu, mais plutôt entre 7 et 9.

Il nous faudra alors arrêter une nouvelle répartition des sièges de députés entre les départements et les collectivités d'outre-mer. Cette répartition ne sera pas bouleversée puisque nous proposons de reprendre les critères traditionnels de notre République. C'est en particulier le cas de la règle assurant à tout département un minimum de deux députés, parce qu'elle autorise une représentation diversifiée à chaque territoire départemental et qu'elle est la plus adaptée au scrutin uninominal. Maintenue lors du passage au scrutin proportionnel en 1985, et approuvée par tous les groupes politiques, cette règle avait alors joué en faveur de quatre départements insuffisamment peuplés : la Guyane, la Lozère, les Hautes-Alpes et la Corse-du-Sud, exceptions qui avaient été validées par le Conseil constitutionnel. Elle devrait jouer aujourd'hui pour le seul département de la Lozère, et peut-être aussi pour la Creuse.

La règle d'au minimum un député par collectivité d'outre-mer n'a pas la même ancienneté et il est vrai qu'elle amplifie dans certains cas les écarts de population ; le Gouvernement l'a toutefois retenue pour respecter les décisions prises par votre assemblée lors de l'examen des statuts particuliers de ces collectivités. Quatre d'entre elles seraient aujourd'hui concernées par cette exception.

Deuxième critère que le Gouvernement a l'intention de conserver : l'attribution automatique d'un siège supplémentaire par tranche de population. Cette méthode de répartition, dite « de la tranche », date de la loi électorale du 16 juin 1885, la tranche étant alors de 75 000 habitants. Portée à 93 000 habitants en 1958, elle a été fixée à 108 000 habitants lors du changement de mode de scrutin en 1985, cette règle étant alors présentée par le ministre de l'intérieur de l'époque, Pierre Joxe, comme « le mode de répartition le plus simple et le plus compréhensible ».

Cette méthode, qui devrait donner un député de plus pour environ 125 000 habitants supplémentaires, est, au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, celle qui impacte le plus faible nombre de départements : 39 environ, dont 24 qui perdent un ou plusieurs sièges et 15 qui en gagnent, avec deux départements seulement à « rattraper » pour avoir deux sièges.

Le choix de la répartition proportionnelle donnerait 50 départements touchés avec le système du plus fort reste (33 qui perdent et 17 qui gagnent) et 60 départements touchés avec le système de la plus forte moyenne (39 qui perdent et 21 qui gagnent) : dans ce dernier cas, le nombre de départements à rattraper pour avoir deux sièges serait de 14 (partagés entre la majorité et l'opposition, qui y ont chacune 14 députés). Il n'est pas certain que le Conseil constitutionnel validerait le grand nombre de départements ainsi rattrapés.

Enfin, nous voulons réviser la délimitation des circonscriptions dans deux cas de figure : lorsque le nombre de sièges varie, et lorsque les écarts de population à l'intérieur d'un même département excèdent les limites autorisées par le Conseil constitutionnel (soit un écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale). Dans la mesure où il n'y a pas de création ou de suppression, on parle davantage de remodelage que de redécoupage.

Nous n'aurons que d'ici un mois ou deux les chiffres définitifs du recensement glissant effectué depuis 2004, mais le nombre de circonscriptions ainsi concernées, qui devrait être en théorie de l'ordre de la moitié des circonscriptions si l'on fait la somme de celles qui se situent dans l'une de ces deux hypothèses, devrait être bien inférieur (de l'ordre du quart) si l'on se fixe comme objectif de ne modifier que le strict nécessaire – et c'est l'intention du gouvernement.

Pour cette révision des circonscriptions, j'ai proposé également de reprendre purement et simplement les critères retenus pour le découpage de 1986 et qui sont inhérents au fonctionnement de nos institutions républicaines : territoire continu et respect des limites cantonales, sauf exceptions justifiées notamment par des raisons démographiques, écarts de population limités à 20 % de la population moyenne des circonscriptions.

Des critères voisins seront retenus pour la délimitation des nouvelles circonscriptions destinées à élire les députés représentant les Français de l'étranger : elles devront respecter, sauf exception, les limites des 53 circonscriptions existant aujourd'hui dans le monde pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui sont en quelque sorte l'équivalent de nos cantons.

Je précise que l'élection de ces nouveaux députés exigera l'adaptation de certaines règles électorales, relatives par exemple aux listes électorales, aux déclarations de candidature, à la propagande électorale, aux dépenses électorales, aux opérations de vote et au vote par procuration : une habilitation à faire ces adaptations par voie d'ordonnances vous est demandée dans l'article 3 du projet de loi ordinaire.

Les projets d'ordonnance, qui seront soumis à la commission indépendante puis au Conseil d'État, devront être adoptés dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi d'habilitation ; le dépôt du projet de loi de ratification interviendra dans les trois mois.

Ce dossier complexe est loin d'être bouclé. Toutes les questions à résoudre ne seront pas tranchées par le vote de ces deux textes, qui est un préalable : je pense au nombre exact de députés représentant les Français établis à l'étranger, à l'ampleur de la tranche garantissant aux départements l'attribution d'un siège supplémentaire, aux critères opérationnels pour procéder au redécoupage en cas de perte ou de gain d'un ou plusieurs sièges.

Conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre lorsqu'il a reçu, le 16 septembre dernier, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et au Sénat, les opérations auxquelles il nous faudra procéder se feront dans la plus grande transparence. Les parlementaires pourront accéder aux locaux du ministère de l'intérieur, 14, rue de Miromesnil, dans lesquels seront les cartes et les chiffres du recensement, afin que chacun puisse se rendre compte sur place du travail qui est accompli. La commission indépendante sera installée le plus rapidement possible après le vote du Parlement, pour qu'elle puisse travailler au fur et à mesure que les projets de délimitation seront élaborés. Elle pourra également bien évidemment être présente dans le même local.

PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Je donne acte au ministre de l'intention du gouvernement de procéder à la mise à jour de la carte électorale de la façon la plus neutre et la plus transparente possible. De ce point de vue, les dispositions qui figurent dans les projets paraissent assez rassurantes.

Mes collègues vous poseront sans doute des questions à caractère un peu politique (sourires), je me bornerai pour ma part à vous interroger sur des aspects techniques.

Ma première question concerne la délimitation des circonscriptions des Français de l'étranger. Compte tenu des évaluations dont vous disposez, il y aurait entre sept et neuf circonscriptions. Avez-vous une idée plus précise de la façon dont les choses pourront se présenter ? Il me semble que vous avez répondu par avance à une autre question que je souhaitais vous poser : il apparaît que vous souhaitez maintenir l'article L. 12 du code électoral, qui permet aux Français de l'étranger de s'inscrire en France, dans une commune dans laquelle ils ont conservé des attaches.

Je m'interroge également sur la disposition qui prévoit au minimum un député par collectivité d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, règle dont vous avez dit vous-même qu'elle n'a pas une ancienneté comparable à celle des deux sièges par département métropolitain. Quelles sont les intentions du gouvernement quant à l'application de cette disposition dans les nouvelles collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où il n'y a pas encore de député élu, qui sont très proches et qui comptent un nombre restreint d'habitants ?

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

L'article L. 12 du code électoral, qui permet, en application d'une loi de 2002, aux Français de l'étranger de se rattacher à une circonscription électorale en France sera maintenu. La masse électorale des personnes immatriculées étant d'environ 850 000 personnes, si l'on s'en tient à la moyenne d'un député pour 125 000 habitants, on en arrive bien à une fourchette de sept à neuf.

C'est à l'initiative du Parlement que des circonscriptions ont été créées afin que les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin disposent de sièges de députés et de sénateurs. Les sièges de sénateurs viennent d'être pourvus, ce qui est normal puisque la règle veut qu'une collectivité territoriale soit représentée par un sénateur. En revanche, pour l'Assemblée nationale, le critère exclusif est celui de la population. Ces circonscriptions ayant été créées mais les sièges n'ayant pas été encore pourvus en l'absence d'élections générales, le gouvernement sera ouvert à la discussion sur l'avenir de ce dispositif lors de l'examen des textes à l'Assemblée.

PermalienPhoto de Thierry Mariani

Ayant été mandataire d'un candidat à l'élection présidentielle sur cette question, je vous interrogerai tout d'abord sur les Français de l'étranger.

J'observe que chacun devrait se réjouir que soit aujourd'hui tenue la promesse qui avait été faite par le candidat Nicolas Sarkozy…

PermalienPhoto de Thierry Mariani

…comme par la candidate Ségolène Royal, de créer des sièges de députés pour les Français établis hors de France. J'avoue dans ces conditions avoir été surpris par les propos tenus par le président du groupe socialiste. Mais sans doute s'agissait-il davantage d'un manque d'information que de mauvaise foi car aujourd'hui le vote des Français de l'étranger est très équilibré : aux dernières présidentielles, 54 % d'entre eux ont voté pour Nicolas Sarkozy et 46 % pour Ségolène Royal, la différence avec les Français de métropole est donc infime.

Il s'agit en outre d'une mesure de justice. On comptait aux dernières présidentielles 822 944 Français inscrits à l'étranger, on ne peut pas répéter sans cesse qu'ils sont les ambassadeurs de notre commerce extérieur et continuer à les ignorer comme on l'a fait jusqu'à présent.

J'observe toutefois que le vote des Français de l'étranger ne sera effectif que si l'on prévoit également le vote par Internet. À défaut, nos concitoyens qui se trouvent dans des pays très étendus continueraient d'être contraints de faire plusieurs milliers de kilomètres pour voter.

Vous avez par ailleurs répondu, monsieur le ministre, à la question relative au nombre de députés, mais vous paraîtrait-il normal d'aller vers un système où il y aurait 12 sénateurs et 7 à 9 députés ?

Enfin, la répartition des circonscriptions se fera-t-elle en proportion du nombre des électeurs ? Aujourd'hui la majorité des Français de l'étranger vivent en Europe et en Amérique du Nord. Aurons-nous demain un député pour deux ou trois pays européens et un député et demi pour toute l'Afrique, un député de l'Amérique centrale jusqu'au sud de l'Argentine, un autre des pays baltes à Shanghai ? Je souhaite donc savoir si la carte des circonscriptions, établie à partir du nombre de citoyens, sera quelque peu pondérée par des critères géographiques.

PermalienPhoto de Bruno Le Roux

J'ai un peu plus de questions que mes collègues de la majorité, ce qui montre déjà que le niveau d'information n'est pas le même… (protestations). Surtout, je ne partage en rien l'idée que ces deux projets seraient « rassurants »…

Pour notre part nous souhaitons que le travail sur ce que le ministre appelle la « mise à jour » de la carte électorale soit fait dans un esprit totalement républicain, c'est-à-dire en respectant la triple exigence de neutralité, de transparence et d'équité. C'est sur cette base que l'on aurait pu travailler à tout cela très en amont et je m'interroge sur ce qui a bien pu vous empêcher de lancer une concertation préalable à la rédaction de ces deux projets, d'autant que, à la différence de la plupart des textes qui nous sont soumis, l'urgence n'était pas manifeste. Sur des questions aussi importantes que la composition de la commission une telle concertation aurait été la bienvenue. Or, les responsables des partis politiques et des groupes parlementaires n'ont été reçus pour être informés du contenu des projets que le mardi qui a précédé leur présentation en conseil des ministres.

Partant du redécoupage intervenu en 1986, vous dites que vous ne souhaitez pas le remettre globalement en chantier. Vous avez raison car, dans la mesure où vous l'aviez personnellement suivi, ce travail avait été bien fait…

PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Si un découpage ne peut pas empêcher une alternance, il peut la rendre plus difficile et je souhaite en faire la démonstration. Depuis ce redécoupage, 189 circonscriptions n'ont jamais connu l'alternance à gauche, tandis que 58 n'ont jamais connu l'alternance à droite. Au total, 43 % des circonscriptions n'ont donc jamais connu l'alternance. Ainsi, la droite doit aller chercher 101 circonscriptions pour obtenir la majorité tandis que la gauche doit en conquérir 232 ! Si des éléments démographiques, géographiques et sociologiques interviennent sans doute, l'usage des ciseaux n'est pas étranger au rapport de 3,25 entre les circonscriptions qui sont toujours à droite et celles qui sont toujours à gauche. Et c'est bien ce qui nous conduit à exiger une transparence totale du travail qui va être accompli.

Par ailleurs, l'objectif affiché par le gouvernement est de réduire les écarts entre les circonscriptions afin d'introduire plus d'équité dans le dispositif. Vous nous dites que la tranche est la méthode habituelle, mais vous observez aussi que la tranche était antérieurement de 75 000 habitants et qu'elle est aujourd'hui de 125 000. On peut se demander si, de la sorte, les écarts entre les circonscriptions ne sont pas de plus en plus importants et si une autre méthode, comme la dispersion à la plus forte moyenne ou au plus fort reste, ne permettrait pas de réduire davantage ces écarts.

Vous faites référence aux critères de 1986, mais plus de vingt ans se sont écoulés et la question de l'évolution de ces critères se pose. Le précédent gouvernement avait confié en 2005 à une commission présidée par M. Bordry le soin de dire si une actualisation était nécessaire. Contrairement à ses préconisations, son rapport n'a jamais été rendu public. Êtes-vous prêt aujourd'hui à le faire ?

Vous avez donné des éléments sur la comptabilisation des Français de l'étranger. Mais vous paraît-il possible d'un point de vue constitutionnel que le mode d'élection ne soit pas le scrutin uninominal à deux tours comme pour tous les autres députés ? Pour sa part, le gouvernement n'a pas fait le choix d'un scrutin de liste qui aurait pourtant répondu à une revendication des Français de l'étranger et permis de régler un certain nombre de difficultés.

En 1985, on avait procédé par ordonnance au découpage, mais le tableau de répartition des députés avait été établi par le législateur. Il me semble que vous prévoyez aujourd'hui de tout faire par habilitation au motif qu'il existera une commission et qu'elle sera consultée. Pour notre part, nous accordons une place plus importante au débat parlementaire qu'à toutes les commissions prévues par la Constitution. Autant nous acceptons la procédure des ordonnances pour le redécoupage en tant que tel, autant nous souhaitons que tout ce qui peut donner lieu à un débat parlementaire soit sorti de la loi d'habilitation.

S'agissant enfin du bureau qui sera accessible à tous les députés, ce qui est une très bonne initiative, pouvez-vous nous indiquer si nous y aurons accès non seulement aux propositions de redécoupage mais aussi aux simulations de l'INSEE qui permettent, à partir des scrutins passés, de bien apprécier les conséquences des découpages proposés ?

PermalienPhoto de Bernard Roman

Vous avez, monsieur le ministre, toutes les cartes en main : vous disposez de la majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat, vous êtes l'exécutif, vous tenez les ciseaux… Et l'on sait qu'avec une carte électorale de 577 circonscriptions on peut faire en sorte qu'un découpage fixe à jamais une majorité de 300 sièges d'un côté ou de l'autre (protestations). Bruno Le Roux vient d'en faire la démonstration édifiante.

PermalienPhoto de Bernard Roman

Quoi qu'il en soit, c'est vous qui tenez les ciseaux et nous serons vigilants quant à la manière dont vous les utiliserez.

Un certain nombre des règles que vous avez présentées comme évidentes ne sont en rien gravées dans le marbre de la Constitution. Ainsi, vous considérez que le critère des tranches doit continuer à s'appliquer presque un quart de siècle après le précédent découpage. Dès lors que l'on retient la tranche de 125 000 habitants, quand un département en compte 126 000, il a deux circonscriptions. Et ce système est d'autant plus inégalitaire que le quotient est élevé car quelques centaines d'habitants peuvent conduire à créer des circonscriptions en sous-estimant le nombre des circonscriptions dans des départements plus peuplés. Il faut donc réfléchir aux conditions d'application de ce critère des tranches.

En outre, plus le quotient est élevé et plus l'inégalité est forte en raison de l'existence des petits départements. Notre pays compte six départements de moins de 150 000 habitants, ce qui signifie, mécaniquement, qu'il y a 12 circonscriptions de moins de 75 000 habitants, quand bien même le quotient est presque double. Au moment où le gouvernement refait la carte électorale, il doit se poser cette question de l'équité.

S'agissant des Français de l'étranger, les chiffres donnés par M. Mariani ne me convainquent guère. Lors de la révision constitutionnelle, on évoquait 2 millions de personnes concernées. Les chiffres évoqués désormais par le ministre, qui diffèrent d'ailleurs de ceux avancés par M. Mariani, sont bien éloignés des 2 millions. Je connais beaucoup de Français résidant à l'étranger qui votent en France, parce qu'ils sont restés inscrits dans un bureau de vote. Comment seront-ils traités par rapport aux autres ? Était-il nécessaire d'aller aussi loin que vous le faites alors que la question de la capacité à continuer à voter dans sa circonscription d'origine n'a pas été évoquée lors du débat constitutionnel.

Vous me permettrez enfin une conclusion iconoclaste. J'ai entendu ce matin aux informations que la majorité créait un groupe de travail destiné à rendre rapidement, à la demande du Président de la République, des conclusions sur l'organisation territoriale de notre pays et sur l'éventuelle fusion des départements et des régions, que le président de l'Assemblée nationale semble soutenir. Pourquoi retenir le cadre départemental pour l'élection des députés au moment même où l'on envisage une éventuelle fusion du département avec la région ? Il paraîtrait plus cohérent de mener l'ensemble de ces réformes concomitamment.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Sur ce dernier point, il paraît difficile d'attendre que le chantier de la réforme des collectivités territoriales, qui va s'ouvrir et qui peut être long, soit mené à son terme pour opérer un redécoupage qui s'impose avec une urgence que le Conseil constitutionnel a déjà plusieurs fois soulignée.

Thierry Mariani m'a interrogé sur le mode de scrutin pour les Français de l'étranger et sur la répartition du collège électoral. En fait, nous reprenons le collège actuellement utilisé pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, avec 53 circonscriptions que l'on peut assimiler aux cantons dans le cadre national. De mémoire, 11 sièges sont prévus pour l'Amérique, 17 pour l'Europe occidentale et orientale, d'autres sièges sont destinés à la représentation de l'Afrique du Nord et de l'Afrique noire, d'autres encore à celle de l'Asie. C'est ainsi que l'on arrive à ces 53 circonscriptions, qui ont une cohérence géographique, étant entendu que l'on compte davantage de Français dans les 27 États membres de l'Union européenne. C'est au sein de ce collège qu'il sera procédé au scrutin uninominal à deux tours pour l'élection des 7, 8 ou 9 députés représentant les Français de l'étranger. Les ordonnances préciseront les modalités de vote, y compris par Internet, comme cela se fait dans plusieurs autres pays. Nous serons totalement ouverts aux propositions qui pourront être faites dans ce domaine. Il faudra bien sûr adapter les nouvelles technologies à ce type d'élections. Des adaptations existent d'ailleurs déjà, tel le délai de 15 jours ouvert outre-mer entre les deux tours des élections législatives.

Je rejoins M. Le Roux sur la triple exigence républicaine de neutralité, de transparence et d'équité. C'est bien dans cet esprit que j'ai engagé le travail qui m'a été confié et j'ai d'ailleurs reçu, par groupes, tous les députés qui en ont fait la demande. Rien ne se passe donc en catimini dans les cabinets ministériels.

Il est vrai que le système mis en place procède de celui retenu en 1986, avec un tableau de répartition des sièges qui n'a jamais été modifié, qui demeure en vigueur et qui date de la loi Joxe de 1985. Si nous ne présentons pas encore le tableau de répartition, c'est parce que le conseil d'État considère que l'on ne peut pas préjuger de l'avis de la future commission. Dès lors qu'elle l'aura donné, le tableau pour être publié. Je vous rappelle en outre que nous ne disposons pas des chiffres définitifs de l'INSEE, que ce soit dans le département ou dans les circonscriptions.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Une mission de la commission des lois travaille précisément sur le nouveau mode de recensement glissant.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Je ne suis pas un défenseur du découpage de 1986 ; simplement je constate qu'il est toujours là 25 ans après et que vous-mêmes, qui n'êtes sans doute pas masochistes, ne l'avez pas supprimé pendant les 10 ans où vous avez été au pouvoir… Il ne vous a donc pas tant défavorisés que cela, puisqu'il a permis deux fois la victoire de la gauche et trois fois celle de la droite et du centre.

Vous m'avez également interrogé sur le rapport Bordry, que je tiens à la disposition des membres de la commission. Le groupe de travail qui l'a établi s'est prononcé en faveur du maintien des 577 députés, de la conservation de la méthode de la tranche, « la méthode de la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne des sièges entre les départements n'apportant pas suffisamment d'avantages pour justifier l'abandon de la méthode traditionnelle ». Ainsi, M. Bordry rejoint le point de vue exprimé par M. Joxe en 1985… Le groupe de travail prône également le maintien du principe selon lequel tout département a droit à deux sièges, ce qui permet de disposer d'une représentation politique équilibrée. Je pense donc qu'il faut s'en tenir aux deux sièges par département et je suis prêt à en débattre publiquement. Pour cela, j'espère, Monsieur Roman, que vous reprendrez en séance publique votre proposition qui ne manquera pas d'intéresser vos collègues des petits départements…

Le rapport Bordry préconise aussi une nouvelle délimitation pour remédier aux écarts démographiques plus importants, selon les principes suivants : respect des limites cantonales, excepté pour les cantons qui comptent plus de 40 000 habitants – et qui sont au nombre de 120 sur un total de 4 000 ; respect de l'intégrité des villes moyennes au sein d'une même circonscription ; écart de 10 % par rapport à la moyenne départementale.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Si vous souhaitez vraiment prévoir 10 %, réfléchissez-y bien…

PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ce redécoupage devrait avoir pour seul objectif de corriger les inégalités démographiques, or, la méthode conservatrice que vous avez choisie ne le permet pas. En premier lieu, aucun argument ne justifie le maintien de deux députés par département, si ce n'est l'appel à la tradition, mais légifère-t-on pour ce motif ? L'argument du pluralisme ne tient pas plus que celui des communications.

Surtout, le système des tranches dans un cadre départemental provoque un effet de seuil très important. Si l'on divise la population française par 125 000, on obtient un nombre théorique de 490 circonscriptions. On les attribuant par la méthode que vous proposez, on arrive à 540 et l'effet de seuil conduit donc à 50 circonscriptions supplémentaires, soit près de 10 % de notre assemblée. On constate également qu'une vingtaine de départements auront des circonscriptions de moins de 100 000 habitants, avec des disparités extrêmement choquantes puisque certaines circonscriptions ne dépassent pas 60 000 personnes. Les écarts démographiques ne seront ainsi par corrigés et l'effet de seuil jouera à plein pour les départements les moins peuplés, qui continueront à être assez fortement surreprésentés à l'Assemblée nationale, comme ils le sont d'ailleurs au Sénat. Pour moi tel n'est pas la vocation de l'Assemblée.

Outre que le fait de fixer la tranche à 125 000 aggrave l'effet de seuil, le maintien du cadre départemental empêche de corriger fortement les disparités. J'ai fait le calcul : dans un cadre régional cet effet est beaucoup moins important puisqu'il y aurait 504 circonscriptions attribuées sans disparité démographique et non 490 comme dans le cadre départemental. En dehors même du débat sur l'organisation territoriale, il ne paraît pas illégitime de s'interroger sur la nécessité de régionaliser des circonscriptions.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

En compagnie du rapporteur, nous avons auditionné hier les représentants de l'Assemblée des Français de l'étranger et je m'interroge sur le référentiel électoral de base. On évoque un chiffre d'1,4 million qui correspond en fait aux inscrits sur les registres consulaires, qui ne sont pas la liste électorale, cette dernière n'étant pas évaluée de la même façon par Thierry Mariani et par le ministère de l'intérieur… Pour ma part, j'en suis à 863 854. Mais au sein de cette liste, il faut opérer des distinctions car tout le monde ne vote pas à toutes les élections : 509 140 personnes relèvent du PR1 qui concerne le vote uniquement à l'étranger, 262 737 relèvent du PR2, c'est-à-dire qu'ils votent à l'étranger pour l'élection du Président de la République et pour les référendums, enfin, le PR3, c'est-à-dire ceux qui votent en France à toutes les élections à l'exception de celles à l'Assemblée des Français de l'étranger, concerne 91 977 personnes. Pouvez-vous préciser quelle est pour vous la base de la construction des circonscriptions électorales ?

Vous semblez par ailleurs attaché au maintien du scrutin majoritaire dans le cadre de circonscriptions. Or, l'Assemblée des Français de l'étranger, qui n'est guère susceptible de constituer un repaire de gauchistes (sourires), a adopté à l'unanimité une délibération qui demande, pour des raisons matérielles, que l'on fasse le choix du scrutin proportionnel. Nous comptons des concitoyens dans 150 pays ; il y a 50 000 inscrits que dans quelques rares pays tandis que dans 42 pays on ne compte que 150 inscrits et même moins de 100 dans 14 pays. Cela signifie qu'il sera matériellement impossible de couvrir le territoire des circonscriptions. J'ai des amis qui ont passé plus de 10 heures dans leur voiture pour aller voter au consulat général de Vancouver alors qu'ils se trouvaient en Colombie Britannique ; ils ne le feront pas à quatre reprises pour les deux tours des élections présidentielles et législatives… Et si vous voulez persévérer dans le scrutin majoritaire, je vous invite à regarder ce que fait le Portugal, qui a prévu une circonscription pour l'Union européenne et une autre pour le reste du monde, ce qui correspondrait parfaitement à notre corps électoral puisque la moitié des Français de l'étranger se trouve dans le territoire de l'Union européenne.

S'agissant du processus électoral, vous venez d'indiquer que le rapport Bordry préconisait le respect des limites cantonales. Or l'article 2 du projet prévoit que l'on respectera les limites des circonscriptions administratives. Sur ce point, j'ai cru noter une certaine divergence entre Michèle Alliot-Marie et vous-même puisque vous avez déclaré dans les Échos, le 6 août dernier, que vous n'entendiez pas vous « priver de la possibilité de partager un canton entre deux circonscriptions ».

S'agissant de la commission, nous avions fait part, lors du débat constitutionnel, de nos réserves sur l'idée d'indépendance car nous aurions préféré que l'on insiste sur son pluralisme. Mme la Garde des sceaux nous avait alors donné des assurances, déclarant que « l'indépendance de cette commission se mesurera à la technicité des personnes qui la composeront ». Elle précisait d'ailleurs que la commission comporterait « des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». Je n'ai pas retrouvé cela dans le projet de loi. Faut-il considérer que les personnalités qui seront désignées par le Président de la République et les présidents des assemblées seront de tels spécialistes ? En fait, l'existence d'une commission ne suffit pas : il en existait déjà une en 1986 et, dans sa décision du 18 novembre la même année, le Conseil constitutionnel avait, de façon très élégante, émis quelques appréciations sur son travail…

Bruno Le Roux a insisté sur la nécessité de sortir de l'ordonnance tout ce qui peut faire l'objet du débat parlementaire, c'est en particulier le cas de la question du financement pour les Français de l'étranger.

Pouvez-vous enfin nous indiquer si le paquet électoral que vous nous présentez aujourd'hui sera le dernier de la législature ?

PermalienPhoto de Michel Vaxès

Il me semble, monsieur le ministre, que vous n'avez pas répondu à une question importante : rendrez-vous publiques les projections, établies à partir des résultats des dernières élections législatives, sur les effets que pourrait avoir ce remodelage ?

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je comprends les cris d'orfraie des candidats à l'alternance. Un peu de sérieux : un engagement avait été pris, il est tenu, il était temps ! Je m'en félicite d'autant plus que je suis l'élu d'une circonscription qui compte davantage d'électeurs que d'autres n'ont d'habitants. Et je me réjouis que l'on se préoccupe de ces questions au début de la législature, ce qui tout donne le temps de travailler sans donner l'impression de préparer, au dernier moment, un mauvais coup électoral.

J'observe par ailleurs que l'usage des ciseaux n'a jamais empêché l'alternance : la première fois que la carte électorale actuelle a été appliquée, ce sont ceux qui n'avaient pas procédé au découpage qui l'ont emporté. La carte de 1958 n'avait pas empêché la gauche de gagner en 1981, celle de 1986 ne l'a pas empêchée de gagner en 1988 comme en 1997. Il faut donc raison garder.

S'agissant de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, je remercie le ministre d'avoir laissé la porte ouverte à la discussion. En prenant l'initiative de créer un sénateur pour chacune des deux collectivités, le Sénat a fait valoir l'idée qu'il ne serait pas incongru que les députés fassent de même. Si nous avions alors adopté cette disposition, nous compterions déjà ces deux députés parmi nous. C'est moi-même, suivi par la commission unanime, qui avais fait alors valoir qu'il serait tout simplement scandaleux que, quelques mois avant les élections législatives, on décide de la création de nouvelles circonscriptions alors que l'on se refusait depuis dix ans au remodelage de la carte électorale exigée par le Conseil constitutionnel. Je suis donc très satisfait que le ministre annonce aujourd'hui que la question n'est pas tranchée.

Le fait que les ministres puissent désormais retourner dans l'assemblée dont ils sont originaires m'amène à m'interroger sur le fait que, dans la mesure où certains sénateurs sont élus au suffrage majoritaire et d'autres au suffrage proportionnel, on n'est pas remplacé dans les mêmes conditions selon le cadre dans lequel on est élu. Si vous êtes sénateur élu à la proportionnelle, dans tous les cas, y compris la démission, vous êtes remplacé par le suivant de liste, si vous êtes député ou sénateur élu au scrutin majoritaire, vous ne cédez votre siège à votre suppléant que dans certains cas expressément prévus par la loi et qui sont d'ailleurs repris dans ce texte, qui n'a pas vocation à traiter cette question. Il me semble que nos concitoyens devraient être informés de cet état de fait.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

S'agissant toujours du remplacement, j'aimerais savoir si la disposition qui interdit aujourd'hui à un suppléant de se présenter contre celui qu'il a remplacé sera maintenue.

Par ailleurs, s'agissant du remodelage, vous avez évoqué le respect des villes moyennes mentionné dans le rapport Bordry. Êtes-vous partisan d'un découpage qui garantisse une cohérence territoriale ou qui favorise une diversité territoriale ?

PermalienPhoto de André Vallini

Je nourris un regret éternel : si l'on m'avait écouté, à gauche comme à droite, on n'en serait pas là aujourd'hui.

J'ai dit à plusieurs reprises en particulier à Matignon lorsque nous sommes allés avec François Hollande voir François Fillon sur la question des institutions et lorsque nous avons rencontré Jean-François Copé avec Jean-Marc Ayrault – et j'ai été à chaque fois désapprouvée par François Hollande comme par Jean-Marc Ayrault et par vous tous –, qu'on aurait dû avoir le courage d'augmenter le nombre des députés. À partir du ratio habituel dans toutes les démocraties, sauf aux États-Unis, d'un député pour 100 000 habitants, à on en serait à 620 députés alors que l'on a fixé de façon absurde dans la Constitution un nombre totalement arbitraire de 577 sièges.

PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Très bien ! Pour leur part les sénateurs ne se sont pas gênés...

PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à la question très précise que vous a posée Bruno Le Roux sur la constitutionnalité de la possibilité que les députés représentant les Français de l'étranger soient élus à la proportionnelle, à la différence de leurs collègues.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

M. Caresche est revenu sur le thème récurrent ce matin des deux députés par département. Il est vrai qu'il y a ici beaucoup de députés de la ville et peu de députés des champs. Les choses seront peut-être différentes en séance publique...

Pensez-vous qu'en supprimant le deuxième député dans un certain nombre de départements, qu'ils soient tenus par l'opposition ou par la majorité car la répartition est assez équilibrée, on ferait beaucoup avancer les choses et on supprimerait une vraie disparité ? Fait-on le même métier quand on est député de Paris et qu'on fait le tour de sa circonscription en trois stations de métro et quand on est député au fin fond de la province, avec 500 communes réparties sur un territoire de 600 000 hectares ? (Protestations) La démagogie a quand même des limites ! On ne peut pas demander aux députés d'être davantage présents en commission et en séance publique et maintenir un système qui les condamne, s'ils veulent être réélus, à être en permanence sur le terrain. On va créer deux sortes de députés, ceux qui seront élus en milieu urbain, qui disposeront de moyens de transport très rapides pour venir à l'Assemblée et tous les autres, qui seront obligés de faire du terrain à longueur de journée parce que c'est humain quand on a envie d'être réélu.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Faisons donc attention à ne pas aggraver les disparités, c'est aussi une question d'aménagement du territoire. Dans leur sagesse, la troisième, la quatrième et la cinquième républiques ont toujours considéré qu'il fallait deux députés par département et les raisons qui le justifiaient n'ont pas disparu.

PermalienPhoto de Daniel Vaillant

Au prix d'une sur représentation de la France rurale.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

J'appelle par ailleurs votre attention sur le fait que le seul critère pour créer, redécouper ou remodeler est la population, c'est-à-dire les citoyens français comme la population étrangère. Ainsi, on nous soumet le problème de circonscriptions qui ont très peu d'inscrits – 50 000 par exemple en banlieue parisienne – alors que la population est beaucoup plus nombreuse. Quelles réponses pouvons-nous apporter aux citoyens qui s'interrogent à ce propos et qui ressentent aussi cela comme une disparité ? (protestations) Nous devrons aussi en traiter lors du débat en séance publique.

M. Vaxès m'a interrogé sur les résultats électoraux et la projection de la carte politique après remodelage. Tous les résultats sont disponibles sur le site Internet du ministère de l'intérieur et vous pouvez les utiliser pour faire vous-même les projections.

PermalienPhoto de Michel Vaxès

C'est bien sûr ce que nous ferons, mais il me semblait utile, au nom de la transparence et de l'efficacité, que le ministère publie lui-même ses projections.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Je prends acte de votre demande.

Je redis à M. Geoffroy, que je suis ouvert à la discussion sur la question des circonscriptions qui ne sont toujours pas pourvues outre-mer.

Je confirme à M. Lambert que l'impossibilité pour un suppléant ayant temporairement remplacé le député de se présenter contre celui-ci est maintenue.

Le rapport Bordry fait effectivement référence aux villes moyennes, c'est-à-dire de 20 000 à 30 000 habitants. C'est un paramètre à prendre en compte. Il est souhaitable que les circonscriptions aient une unité territoriale, mais aussi qu'elles disposent d'un centre afin de ne pas être un simple assemblage de territoires sans lien entre eux. Sans qu'elle soit forcément chef-lieu d'arrondissement, la ville moyenne peut être ce centre.

M. Vallini a rappelé que le nombre de 577 députés était désormais sanctuarisé dans la Constitution, j'avoue que si tel n'avait pas été le cas, cela m'aurait arrangé... (sourires)

Concernant l'élection des députés des Français de l'étranger, le gouvernement n'a pas fait le choix de la proportionnelle.

PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Je vous demandais en fait si la coexistence de deux modes d'élection était constitutionnelle.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Si deux modes d'élection coexistent pour l'élection des sénateurs, la situation n'est pas la même. L'Assemblée nationale représente la population, tandis que le Sénat représente les collectivités territoriales

PermalienPhoto de Bruno Le Roux

La question n'est pas de savoir si tel est votre choix : vous avez dû analyser si cela était juridiquement possible.

PermalienAlain Marleix, Secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

D'après mon analyse, il n'est pas possible d'avoir deux sortes de députés puisque ces derniers représentent la population.

La séance est levée à 13 heures.