…à la suite du rapport remis en 2005 par notre collègue Christian Estrosi au garde des sceaux, sur cette question qui constitue sans doute l'un des derniers tabous de notre société.
La rédaction du texte issue des travaux de la commission des lois préserve l'équilibre entre trois nécessités : la répression de l'inceste, le développement de sa prévention, le meilleur accompagnement des victimes.
Dans son volet pénal, la proposition de loi prévoit de préciser le contenu de la notion de contrainte lorsqu'elle constitue l'élément constitutif d'un viol. Au lieu d'être nécessairement prouvée par la victime, elle pourra être déduite de la différence d'âge existant entre la victime mineure et son agresseur, ainsi que de l'autorité de droit ou de fait qu'il exerce sur elle.
En interprétant le contenu d'une incrimination existant déjà dans le code pénal plutôt qu'en en créant une nouvelle, la rédaction proposée pour l'article 222-22-1 du code pénal s'appliquera même aux actes commis avant son entrée en vigueur et mettra ainsi un terme immédiat aux déqualifications en atteintes sexuelles des viols et agressions sexuelles incestueux portés à la connaissance de la justice.
L'article 1er propose également d'inscrire explicitement la notion d'inceste dans le code pénal. Ainsi, un viol incestueux pourra désormais être reconnu et nommé comme tel par les juridictions pénales, la qualification d'inceste venant se superposer à celle de viol ou d'agression sexuelle, sans pour autant durcir la peine principale encourue. Là encore, cette solution permet de ne pas créer de nouveau régime pénal pour les faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. L'article 1er retient enfin une définition de la famille qui prend acte des recompositions dont cette structure a été l'objet au cours des dernières décennies, puisqu'il inclut les beaux-parents dans son champ.
Par ailleurs, l'inceste seul constituera désormais une nouvelle circonstance aggravante de tout viol et de toute agression ou atteinte sexuelle. Cette disposition permettra notamment d'évaluer la réalité de ce phénomène en isolant les cas d'inceste des autres types d'agressions sexuelles sur mineurs et, par là même, de cerner tant les réponses à adopter face à ces comportements criminels que la manière de les prévenir.
Cette prévention des comportements incestueux pourra être développée au moyen d'une plus grande mobilisation de l'institution scolaire et des sociétés de l'audiovisuel public autour de la nécessaire information des mineurs sur le comportement à adopter en cas d'agression sexuelle notamment incestueuse. Nul ne contestera le rôle positif que peuvent jouer tant l'école que les médias dans la prévention ce véritable fléau. Il serait absurde que tant de messages visant à la prévention de l'obésité soient diffusés sur nos antennes, tandis qu'aucun ne viserait à faire comprendre à la petite victime, qui se sent bien seule, qu'elle a des droits et que la société est là pour l'aider.
Enfin, l'accompagnement des victimes pourra être amélioré notamment par le biais d'une valorisation du travail des associations ayant pour objet de lutter contre l'inceste. Celles-ci auront désormais la possibilité de se constituer partie civile dans un procès, donc de mieux assister les victimes dans leurs démarches. Par ailleurs, il est proposé de rendre systématique, dans l'instruction de crimes incestueux, la désignation par le juge d'un administrateur ad hoc chargé de les représenter en lieu et place de ses représentants légaux et de l'accompagner dans toutes les étapes de la procédure. Il y va de sa protection.
Les unités médico-judiciaires sont un point essentiel de détection et de prise en charge des victimes de l'inceste. C'est pourquoi les députés du Nouveau Centre regrettent qu'elles ne bénéficient pas encore du financement que leur a octroyé la loi de finances. En effet, l'égalité de la prise en charge des victimes de l'inceste sur le territoire national est pour nous une priorité. Or seuls la réorganisation des UMJ et leur financement par le ministère de la justice – et non par le ministère de la santé – pourraient la garantir.
Mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui est un texte attendu de nos concitoyens : de ceux qui ont un jour été victimes de ce type de comportements, mais également de tous ceux, plus nombreux, qui ont un jour été confrontés à l'ampleur de leur souffrance. En ce qu'elle lève un tabou qui a trop longtemps perduré dans notre code pénal et qu'elle propose des réponses sages et efficaces, ni démagogiques ni imaginées sous la pression médiatique, à des crimes en totale contradiction avec les valeurs fondamentales de notre société, le groupe du Nouveau Centre y apportera son soutien.
Au moment de conclure, je rappellerai que la défense des droits de l'enfant doit constituer un point cardinal de toute action publique, et que si ces droits ont été reconnus au cours des dernières décennies, notamment au plan international, avec la convention de New York de 1989, c'est à nous, parlementaires français, qu'il revient d'en être les gardiens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)