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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Modification de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires — Avant l'article 1er, amendement 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Cet amendement vise à ce que les commissions d'enquête puissent – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – être constituées sur des faits donnant lieu à des procédures judiciaires. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le troisième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Nous défendons cet amendement parce qu'il a été rejeté en commission sur la base d'arguments qui ne nous ont pas totalement convaincus. Je souhaiterais persuader le rapporteur de l'utilité de supprimer cet alinéa pour valoriser le travail des commissions parlementaires, qui n'ont cessé d'évoluer et d'accroître le champ de leurs compétences, notamment grâce aux lois de 1977 et 1991 qui ont desserré le « corset » dans lequel elles étaient enserrées depuis 1958.

Selon le rapporteur, notre amendement porterait atteinte au périmètre d'action de l'autorité judicaire au motif de la confusion des pouvoirs.

Je persiste à ne pas comprendre cet argument, car les prérogatives d'une commission d'enquête, qui collecte des informations en vue de réformes législatives, ne sont pas de même nature que celles des autorités judiciaires qui déterminent des responsabilités civiles ou pénales. Il n'y a pas de confusion de pouvoirs.

À cet égard, je citerai l'exemple des États-Unis : dans ce pays où la séparation des pouvoirs est un dogme, personne ne voit d'inconvénient à ce que les commissions d'enquête parlementaires travaillent sur des faits ayant donné lieu à des procédures judiciaires.

Sous la IIIe République, régime de séparation des pouvoirs, il en était de même. Ainsi, lors de la constitution, en 1882, d'une commission d'enquête sur l'affaire de Panama, qui faisait l'objet de poursuites judiciaires, parlementaires et juges ont travaillé en bonne harmonie.

On a aussi fait valoir que cette proposition relèverait du niveau constitutionnel. Or, lorsque nous avons déposé ce même amendement dans le cadre de la révision constitutionnelle, on nous a opposé un argument inverse. Nous estimons justement, que, les commissions d'enquête étant désormais constitutionnalisées, il importe de modifier l'ordonnance dans le sens que nous proposons. Le rapport Vedel le préconisait déjà en 1993, à la demande du président Mitterrand et le rapport Balladur en avait fait sa quarantième proposition.

Ne pas adopter cet amendement serait prendre de grandes responsabilités et condamner les commissions d'enquête de notre assemblée à continuer de godiller et à se livrer à des contorsions. Doit-on rappeler qu'en 1991, lorsqu'une commission d'enquête a été constituée sur le financement des partis politiques alors que des procédures judiciaires étaient en cours, la commission des lois a dû considérer que le terme de « poursuites » pouvait être interprété ?

Enfin, j'espère qu'il n'est pas vain d'en appeler au bon sens. Cet amendement n'est pas dirigé contre le Gouvernement : il vise à améliorer le fonctionnement de notre démocratie. Souvenons-nous de l'affaire du sang contaminé. Tous les pays européens ont connu le même drame, mais il n'y a qu'en France que les suites politiques ont été aussi longues car, chez nos voisins, la constitution de commissions d'enquête a permis un examen public et contradictoire des faits incriminés, mettant en lumière le rôle de l'État et ses possibilités d'action compte tenu des incertitudes et des circonstances. C'est notre pays tout entier, et non simplement l'opposition, qui aurait à gagner à cette modification, car elle nous épargnerait à l'avenir des traumatismes comparables.

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