Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en juillet dernier, le Congrès a adopté une révision constitutionnelle d'une ampleur sans précédent dans l'histoire de la Ve République. Le rééquilibrage de nos institutions et la revalorisation du rôle du Parlement qu'elle poursuivait sont désormais perceptibles. Dorénavant et depuis le 1er mars, le Parlement partage avec le Gouvernement la maîtrise de son ordre du jour et ne discute plus des projets de loi gouvernementaux sous la menace permanente d'un recours à l'article 49-3. En septembre dernier, fait inédit dans l'histoire de nos institutions, chacun des parlementaires a pu se prononcer par un vote sur l'opportunité de poursuivre ou non l'engagement militaire français en Afghanistan, sonnant par là même le glas de la notion de domaine réservé.
Les modalités du travail législatif lui-même ont d'ores et déjà considérablement évolué avec la revalorisation notamment du travail en commission, qui nous permet à présent d'examiner en séance les textes qui en sont issus et non plus ceux initialement déposés par le Gouvernement.
L'obligation de joindre à tout projet de loi son étude d'impact détaillée, même limitée par le Conseil constitutionnel, nous permettra demain de bénéficier d'une information plus complète sur les conséquences des dispositions dont nous débattons. Elle permettra sans doute également de freiner la véritable inflation législative dont nous sommes les témoins et les victimes depuis plusieurs années, et qui veut que chaque fait divers trouve sa réponse législative, élaborée le plus souvent dans l'urgence.
Pour autant, l'examen de cette proposition de loi tendant à modifier l'ordonnance du 17 novembre 1958, prélude à la réforme de notre règlement qui sera discutée la semaine prochaine en séance publique, n'en constitue pas moins un nouveau rendez-vous majeur dans la mise en place des droits et prérogatives nouvelles que le Parlement est désormais appelé à exercer.
À ce titre, cette proposition de loi vient accompagner deux évolutions majeures du travail parlementaire : l'essor, au sein de nos assemblées, des anciennes délégations pour l'Union européenne, devenues, à la faveur de la réécriture de l'article 88-4 de notre Constitution, « commissions chargées des affaires européennes », ainsi que la montée en puissance du Parlement dans ses fonctions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, gravées en juillet dernier dans le marbre constitutionnel.
À l'initiative de notre commission des lois, ce texte vient également fixer les conditions d'application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution, qui permettra désormais au président de l'Assemblée nationale, comme à celui du Sénat, de recourir à l'expertise juridique du Conseil d'État sur les textes d'origine parlementaire amenés à être examinés par nos assemblées.
Une mise en application rapide de cette disposition était en effet rendue d'autant plus nécessaire que notre ordre du jour laisse à présent, depuis le 1er mars, une place accrue à l'examen de propositions de loi. Il importait à ce titre que ces textes puissent dorénavant s'appuyer sur une expertise similaire à celle dont bénéficient à l'heure actuelle les textes d'origine gouvernementale. Aussi, les parlementaires du Nouveau Centre apporteront-ils leur soutien à cette initiative de notre rapporteur.
Au-delà de cet apport de notre commission des lois, cette proposition de loi avait pour premier objet de mettre en conformité le texte de l'ordonnance de 1958 avec la nouvelle rédaction de l'article 88-4 de la Constitution, tout en privilégiant l'autonomie de chacune des deux chambres concernant la fixation des règles de fonctionnement des commissions chargées des affaires européennes.
Ainsi, si la réécriture de l'article 88-4 a symboliquement conduit à modifier le nom de l'organe chargé dans chacune des deux assemblées de suivre les travaux menés par les institutions de l'Union européenne, elle a également levé l'une des limites à leur champ d'expression, en élargissant à tous les projets d'actes européens, qu'ils relèvent ou non du domaine de la loi, la liste des documents leur étant transmis par le Gouvernement.
Cette évolution est ainsi venue consacrer au sein de notre loi fondamentale la place croissante qu'occupent désormais ces commissions au sein de chacune de nos assemblées, à l'heure où près des deux tiers de notre législation tirent leurs racines de directives votées par le Parlement européen et où l'échelon européen s'affirme comme le plus pertinent pour définir des réponses efficaces aux crises qui secouent le monde.
Cette évolution préfigure également le renforcement des prérogatives du Parlement en matière européenne, et notamment sa plus étroite association au processus de décision communautaire, prévus par le traité de Lisbonne. Son entrée en vigueur, dont je tiens ici à redire au nom du groupe Nouveau Centre qu'elle constitue pour l'Europe une absolue nécessité, permettra ainsi l'application de l'article 88-6 de la Constitution ouvrant à notre assemblée comme au Sénat la possibilité d'émettre des avis sur la conformité au principe de subsidiarité de tout acte européen en cours d'élaboration, ainsi que de former des recours devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour violation de ce même principe de subsidiarité.
À ce titre, je forme le voeu que la réforme de notre règlement, dont nous débattrons dans quelques jours, soit l'occasion d'un débat riche et fructueux autour du rôle que sera désormais appelée à jouer au sein de notre assemblée la commission chargée des affaires européennes, et plus largement sur l'exercice de notre fonction de contrôle en matière européenne.
Accompagner le développement de la fonction de contrôle du Parlement constitue le second objet de ce texte en ce qu'il propose la suppression d'organes parlementaires devenus ou rendus obsolètes par la nouvelle démarche dans laquelle s'engagera notre assemblée à la faveur de la réforme de son règlement. C'est en quelque sorte une anticipation par rapport au débat de la semaine prochaine.
Ainsi, après qu'à la faveur du partage de notre ordre du jour, nous consacrions dorénavant une semaine par mois de nos travaux au contrôle de l'action du Gouvernement, la création au sein de notre assemblée d'un comité spécifique dédié à l'évaluation transversale des politiques publiques viendra compléter l'action, d'ores et déjà menée dans ce domaine, par nos commissions permanentes, ainsi que par les commissions d'enquête, et viendra par là même parachever la montée en puissance du Parlement dans ces fonctions désormais explicitées à l'article 24 de la Constitution.
Ce nouveau comité viendra priver de leur objet plusieurs organismes, telle la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques, dont certains n'avaient pas répondu aux attentes de leurs initiateurs.
La suppression de la délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire procède d'une autre logique, dans la mesure où l'augmentation du nombre de nos commissions permanentes devra permettre la création d'une commission pleinement compétente pour traiter des questions liées au développement durable ainsi qu'à l'aménagement du territoire.
Pour conclure, mes chers collègues, alors que nous nous approchons désormais des débats sur la réforme de notre règlement, que le président de notre assemblée, comme notre rapporteur, a choisi de suivre, sur les modifications à apporter à l'ordonnance de 1958 relatives au fonctionnement des assemblées parlementaires, une démarche à laquelle nous souscrivons pleinement, le groupe Nouveau Centre soutiendra l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)