Nous demandons la suppression de cet article pour une raison très simple : c'est que ce dernier a pour but de substituer à RFI, société publique, une holding – « Audiovisuel extérieur de la France » – qui sera ouverte à des capitaux privés. Et vous voudriez que nous acceptions cet état de fait ?
Nous souhaitons que notre audiovisuel extérieur reste public et que RFI ne soit pas diluée dans une holding, et ce d'autant plus que nous savons déjà que ce qui fait le renom de RFI – son identité, son indépendance éditoriale, son cahier des charges, ses emplois – est menacé ; c'est le cas, d'ailleurs, depuis le lancement de France 24.
Au passage, madame la ministre, on sourirait presque de vous entendre vous réjouir de ce que TF1 n'obtiendra au bout du compte que deux millions d'euros, quand elle en réclamait 90 millions, pour se retirer du capital de France 24. Quand on sait qu'elle a dépensé quelques milliers d'euros symboliques pour y entrer et que France 24 a toujours été intégralement financée sur fonds publics, se vanter que TF1 s'en tire avec deux millions au nom de je ne sais quelle valorisation est tout de même un peu fort !
Les personnels de RFI sont inquiets puisque d'ores et déjà, sur un millier d'emplois, 200 ou 300, voire 400, sont menacés au moment où nous discutons de ce projet. Le 24 octobre dernier, la direction de la holding a d'ailleurs annoncé la fermeture de six rédactions, dont celle de Berlin.
Je voudrais à ce propos corriger l'image que Mme la ministre a donnée de la diffusion de RFI en langue allemande. RFI propose l'information audio la plus complète et la plus approfondie en allemand concernant la France. Les émissions s'adressent au plus grand réservoir d'auditeurs en Europe : 110 millions de germanophones, locuteurs natifs, bien qu'il se trouve parmi eux de moins en moins de francophones, il faut l'avouer.
RFI parle de politique, d'économie, de culture françaises et accorde une large place à la chanson francophone. Le programme de RFI fait mieux connaître la vision française de l'actualité ; il l'explique et la confronte à d'autres approches européennes, notamment allemandes. Comme d'autres institutions franco-allemandes, la rédaction de RFI à Berlin est un vecteur culturel important. Un site Web permet d'écouter les émissions, les reportages et les interviews en différé et en podcast.
Depuis 1994, RFI a sa propre fréquence FM – 106 – à Berlin, une ville qui est devenue au fil des ans la capitale culturelle de l'Europe. La rédaction berlinoise de RFI a accompagné cette métamorphose ; elle est devenue elle-même un acteur de cette effervescence culturelle en promouvant et en participant à de nombreux événements francophones. Signes de l'ancrage réussi dans le paysage audiovisuel berlinois : le succès du club des auditeurs et la toute récente naissance de l'association des amis de RFI à Berlin. RFI soutient l'échange entre jeunes Français et Allemands, provoque des débats entre les acteurs des deux pays, contribue à l'émergence d'une opinion publique européenne.
Voilà tout ce qui risque de disparaître. Du reste, celles et ceux qui font au quotidien RFI en langue allemande nous ont interpellés, et je conclurai en vous lisant leur adresse : « La nouvelle direction de Radio France International envisage la fermeture de six rédactions en langue étrangère, dont la rédaction allemande. Une décision qui concerne également le studio de RFI, la fréquence FM dans la capitale allemande et le site Web, ce qui équivaut à la mort annoncée d'une des vitrines les plus importantes de la France en Allemagne.
Dans la nouvelle stratégie de l'audiovisuel extérieur français, l'Europe, et plus précisément l'Allemagne, n'ont plus leur place. Une telle décision pendant la présidence française de l'Union européenne nous semble un très mauvais signal en direction du partenaire d'outre-Rhin. »