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Intervention de Alain Suguenot

Réunion du 31 mars 2009 à 21h30
Protection de la création sur internet — Article 2, amendement 262

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Suguenot :

Nous examinons la partie essentielle d'un texte de loi dont nous sommes quelques-uns à penser que nous pourrions le voter, à condition que soient garantis la sécurité juridique, la possibilité technique de l'appliquer, et surtout le respect que l'on doit aux internautes. Ceux-ci, en effet, ne doivent pas avoir moins de droits qu'un chauffard ayant renversé deux personnes sur le bord de la route, au regard du principe du contradictoire, du principe du dispositif et du recours au judiciaire.

Nous avons constaté certaines difficultés : ainsi, était-il nécessaire qu'il n'y ait pas d'internaute dans la HADOPI ? La présence de l'un d'entre eux aurait au moins démontré que le texte de loi pouvait être juste et qu'il permettait à toutes les parties d'intervenir.

Dans les accords de l'Élysée, personne n'avait écarté le recours au judiciaire. Cela n'avait pas été évoqué en tant que tel, mais si l'on voulait donner force à la loi, il fallait une garantie juridique, ne serait-ce que pour éviter le risque d'erreur et pour permettre des recours. Pour les parlementaires que nous sommes, cela semble être une garantie minimale si nous voulons éviter une désaffection des internautes de bonne foi. Ceux-ci pourraient ainsi bouder l'offre légale dès lors qu'on ne leur explique pas ce qui est interdit et ce qui ne l'est pas. Le remède risque d'être pire que le mal, en asséchant les moyens de la création.

Nous allons évoquer, à travers nos amendements, les difficultés auxquelles nous serons confrontés avec la riposte graduée. Il y a un point sur lequel nous sommes d'accord, même s'il a fait l'objet de quelques hésitations : comme vous l'avez souligné à propos des Etats-Unis notamment, on peut dissuader 90 % des internautes de télécharger illégalement par le simple envoi d'un premier avertissement, puis d'une lettre recommandée. Ainsi serait éliminé l'essentiel du préjudice causé aux personnes que nous voulons défendre – en particulier aux créateurs et aux auteurs. S'agissant des 10 % restants, tout le monde s'accorde à dire que l'on ne pourra jamais venir à bout de l'ingéniosité des cyberdélinquants, de la technique des newsgroups, des peer to peer cryptés ou du multiproxy.

C'est pourquoi la réponse graduée, telle qu'elle était déjà imaginée dans la loi DADVSI – c'était d'ailleurs le seul élément positif de cette loi, avant la censure de l'article 24 par le Conseil constitutionnel – se suffit à elle-même, sauf à considérer qu'il faut une sanction complémentaire qui ne peut être, selon moi, que judiciaire, pour offrir les meilleures garanties. Cela peut être une peine d'amende, ce qui permet de revenir, en cas d'erreur, sur la sanction et d'éviter les difficultés liées à l'insécurité juridique ou à l'impossibilité technique de la suspension, avec les effets que l'on peut craindre sur les libertés ou sur les discussions européennes.

Si, demain, ce texte se heurtait à une impossibilité technique ou juridique, du fait par exemple de la conclusion des discussions européennes, la loi serait non avenue. Or nous ne voudrions pas retomber alors dans la caricature qu'est la loi DADVSI, que nous sommes aujourd'hui unanimes à dénoncer, j'espère. Si nous voulons donner une chance à la réponse graduée, il faut faire preuve d'un peu d'ingéniosité, en adoptant des amendements indiquant que le recours au juge peut être nécessaire et en prévoyant, si on fait le choix de l'amende, la possibilité d'une peine complémentaire facultative, qui pourrait être la suspension en cas de récidive. A condition que l'absence d'erreur soit démontrée, on peut considérer que la sanction s'impose dans certaines circonstances. Encore faut-il éviter le risque lié à l'existence du triple play, et ne pas traiter différemment les citoyens selon leur lieu de résidence.

Vous dites que la suspension ne causera pas de préjudice puisque l'internaute pourra se rendre dans un cybercafé ou solliciter un voisin. Mais il y a deux France, dont l'une est rurale et n'a pas de cybercafés, d'où le risque de traiter différemment les citoyens qui vivent en ville et ceux qui vivent à la campagne et ne peuvent avoir accès à Internet. Cela constitue un élément de fragilité de ce texte : ce que vous proposez est sans doute possible à Paris, mais pas sur l'ensemble du territoire. Ce serait un traitement différencié du citoyen par rapport à la loi, et vous connaissez la sanction…

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