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Intervention de Brigitte Barèges

Réunion du 1er mars 2012 à 15h00
Enfance délaissée et adoption — Article 1er, amendement 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Barèges :

« Je m'appelle Pascal, j'ai trente ans. Je suis un enfant du secret, né sous X, adopté à l'âge de quatre mois. Depuis deux ans, je piste mes parents de naissance à la recherche de mes origines et de mon histoire. Je ne traque aucun coupable, il n'y en a pas, mais je voudrais savoir à qui je ressemble. Ce visage, qui me fait passer pour un Italien à Rome, un Turc à Istanbul, un Corse à Bonifacio, d'où vient-il ? Ai-je les yeux de ma mère ou ceux de mon père ? Comment se sont-ils connus, aimés ? Mon père sait-il que j'existe ?

Il y a trente ans, une femme s'est rendue à la maternité pour accoucher. Elle était seule. Elle a dit à la sage-femme qu'elle ne souhaitait pas garder l'enfant, qu'il fallait le remettre à un organisme en vue de son adoption. On ne lui a rien fait remplir, aucun formulaire. À ce moment-là, elle a eu le choix de me voir ou de ne pas me voir, j'ignore ce qu'elle a décidé. D'elle, je sais aujourd'hui deux choses : sa date de naissance et le fait qu'elle soit originaire du Québec. Je connais aussi les trois prénoms qu'elle m'a donnés : Sébastien, Alexandre, Yannick » – il s'appelle aujourd'hui Pascal. « C'est tout et c'est peu. Mon histoire commence là avec ses lambeaux d'identité. Que puis-je transmettre à mon fils dont la naissance a accompagné l'écriture de ce livre ? Que puis-je lui dire sur son père, sur ses grands-parents, sur sa lignée familiale dans laquelle, à ma suite, il s'inscrit secrètement ? Mes origines sont aussi les siennes. Incomplètes, amputées, elles lui compliquent la vie. Par exemple, que répondre au médecin qui, tout naturellement, demande si dans la famille, il y a des antécédents de diabète ou d'hypertension ? Au cours de mon métier de scénariste, j'ai appris que pour être cohérente, une histoire doit obéir à un certain nombre de règles narratives. Voici l'une d'elles : lorsqu'au début de l'histoire, vous créez un secret, il faut qu'à la fin, vous le dévoiliez. Si vous ne le faites pas, l'histoire et les personnages ne servent plus à rien, ils n'ont plus de raison d'être. Supprimez dans Secrets et mensonges la séquence finale où chaque personnage dévoile aux autres le secret qu'il détient et ce film, palme d'or à Cannes en 1996, devient absurde. La France est le pays du secret. Partout ailleurs dans le monde, l'accouchement établit un lien de filiation avec la mère. Or, en France, chaque année, des centaines d'enfants naissent sous X. Mais en France, le scénariste ne connaît pas son métier. Il refuse obstinément de lever le secret qu'il a créé de toute pièce sous le régime de Vichy, il y a soixante-dix ans. En apparence, les raisons invoquées, protéger la mère de naissance et son bébé, rassurer les parents adoptifs, sont louables. En réalité, elles ne tiennent pas compte du désir que peuvent un jour exprimer les parents de naissance de retrouver leur enfant – parce qu'il y a des mères, ayant accouché dans ces conditions, qui n'ont jamais retrouvé leur enfant quand elles ont voulu le faire – ou un enfant né sous X de retrouver ses parents de naissance. Avec Georgina Souty, qui fut une enfant abandonnée, nous les avons rencontrés, ces mères, ces pères, ces enfants, en butte au secret, de l'abandon aux retrouvailles, quand par bonheur elles ont eu lieu, ils témoignent de leur quête. Écoutez-les, malgré leur désespoir, malgré leur peine, ils parlent d'amour et de mémoire, ils parlent de vie ».

Voilà, chers collègues, ce témoignage, cette quête. C'est une requête, c'est une supplique.

Par cet amendement, je vous propose de transformer très légèrement la loi de 2002 en maintenant le principe de l'accouchement dans le secret pour protéger les mères mais en offrant la possibilité, plus tard, à l'enfant qui est né sou X, de retrouver ses origines, en vertu de ce droit consacré par la convention internationale des droits de l'enfant et que la France a ratifiée. Tout simplement, la mère, comme en Grande-Bretagne, comme partout ailleurs en Europe, laisserait son identité dans un pli totalement fermé, qui ne serait ouvert par personne, sauf par l'enfant, à sa majorité, s'il en fait la demande.

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