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Intervention de François de Rugy

Réunion du 29 février 2012 à 15h00
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, je ne reviendrai pas sur tous les articles de ce texte, car il y en a 94.

Si je rejoins ce qu'ont dit nos collègues socialistes et communistes, notamment sur l'article 40, qui est particulièrement lourd puisqu'il touche aux contrats de travail et, indirectement, au temps de travail, je voudrais pour ma part intervenir sur un autre article, qui s'apparente à un cavalier législatif : l'article 72 bis.

Je ne sais pas si le Conseil constitutionnel sera saisi de ce texte, ni ce qu'il en dira, mais je pense que cette disposition n'a pas grand-chose à voir avec l'objet de la proposition de loi, en l'occurrence, selon son titre, la simplification du droit et l'allègement des démarches administratives. Dans l'article en question, il s'agit d'autoriser en catimini, au détour d'un article additionnel introduit par voie d'amendement, une surcharge de 10 % pour les poids lourds dans le transport routier, dont le chargement maximum passerait de 40 tonnes à 44 tonnes.

On constate d'ores et déjà beaucoup d'inquiétude voire d'irritation chez nos concitoyens, qui sont choqués de voir les files de camions qui encombrent nos routes – résultat de la politique qui a consisté, depuis plusieurs décennies, à encourager le « tout-routier » pour le transport des marchandises. Il faut donc profiter du peu de temps de parole qui nous est accordé pour dire aux Français, car ceux-ci doivent le savoir, que la situation va encore s'aggraver. En effet, l'article 72 bis, malgré son caractère un peu technique, est très clair de ce point de vue : « la norme maximale en termes de poids total autorisé en charge d'un véhicule articulé. » – tout le monde aura compris qu'il s'agit d'un camion – « d'un train double ou d'un ensemble composé d'un véhicule à moteur et d'une remorque est fixée à 44 tonnes pour cinq essieux ». Si on lit cela sans connaître la question, on peut se demander de quoi il s'agit. Eh bien, jusqu'à présent, le poids maximal autorisé était de 40 tonnes pour cinq essieux et il fallait six essieux pour 44 tonnes, en dehors de quelques dérogations.

Cela pose d'abord des questions en termes de sécurité routière. J'aimerais bien d'ailleurs entendre le secrétaire d'État à ce sujet, car, s'il n'a pas en charge la sécurité routière, il appartient à un Gouvernement qui a tout de même, je crois, quelques préoccupations en la matière. Les véhicules et les camions conçus pour supporter 40 tonnes vont-ils pouvoir résister, sans la moindre adaptation – car c'est bien là le but –, y compris pour les systèmes de freinage, à ces 10 % de charge supplémentaire ?

Nous savons très bien qu'il est déjà difficile de contrôler la surcharge, malheureusement fréquente, des camions. Si on augmente le tonnage de 10 %, la surcharge pourra avoir des conséquences encore plus graves en termes de sécurité.

Cette décision soulève aussi des problèmes économiques. En effet, si le gain est assez évident pour les transporteurs, dont on sait très bien qu'ils ont demandé cette mesure, la collectivité en supportera le surcoût. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable – organisme officiel – indique, en effet, dans son rapport paru le 13 octobre 2011, que le « bilan socio-économique de l'autorisation des 44 tonnes est globalement négatif dans l'hypothèse du maintien des véhicules à cinq essieux – ce qui figure, je l'ai dit, dans le texte de loi – car les coûts de l'impact sur les chaussées dépassent l'avantage économique lié à l'amélioration de la productivité du secteur des transports. L'avantage économique ne justifie donc pas cette disposition. » Le Conseil s'appuyait sur un argument économique avant d'être un argument écologique. Les départements sont chargés de l'entretien des routes. Ils doivent savoir, alors qu'ils rencontrent souvent des difficultés financières, qu'avec une telle mesure leurs dépenses d'entretien augmenteront. En effet, la détérioration des routes est essentiellement due aux camions.

Enfin, un problème de choix politique se pose dans le domaine des transports. Un nouvel avantage est ainsi accordé au transport routier au détriment, reconnaissons-le, du transport fluvial et du transport ferroviaire qui sont particulièrement adaptés au transport des pondéreux.

On avait commencé ce mandat avec le Grenelle de l'environnement, et donc une ambition affichée en la matière, et on le termine malheureusement avec la liquidation pure et simple de toute ambition écologique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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