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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 29 février 2012 à 15h00
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Le premier volet de la baisse du coût du travail, c'est la suppression des 5,4 points de cotisations patronales familiales au 1er octobre prochain, sans toucher aux cotisations salariales pour préserver le pouvoir d'achat, et sans l'assurance que le financement des prestations familiales sera maintenu au même niveau.

Le deuxième volet, c'est la baisse de la rémunération salariale contre un maintien des emplois limité dans le temps, ce que propose le Président de la République et ce que souhaite le MEDEF. Le Gouvernement considère peut-être que le chômage partiel coûte encore trop cher au budget de l'État…

Dans le cas d'accords compétitivité-emploi, c'est le salarié qui assume seul la réduction du temps de travail. Aussi y a-t-il un véritable non sens à réclamer, d'un côté, des accords de compétitivité qui reposent sur des efforts de la part des salariés, et de l'autre, à maintenir le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées qui poussent à travailler plus. L'objectif de répartir à volonté la durée du travail est d'autant plus incongru que les entreprises disposent déjà d'un arsenal pour faire face aux variations de l'activité : modulations horaires, annualisation, chômage partiel, temps partiel, CDD, intérim, heures supplémentaires...

La recherche de compétitivité pourrait aussi s'accompagner d'un volet de « modération actionnariale », mais il est absent de cette proposition de loi et pour cause ! Comment demander aux salariés d'accepter une baisse de rémunération si les dividendes continuent à être distribués au même rythme ?

Le droit du travail en vigueur prévoit déjà des accords compétitivité-emploi. Ainsi, toute modification de la rémunération d'un salarié constitue une modification substantielle de son contrat de travail, qui requiert son accord. De même, toute modification de la durée du travail d'un salarié, dès lors qu'elle entraîne une modification de sa rémunération, constitue une modification de son contrat nécessitant son accord.

Actuellement, un employeur peut proposer, en application d'un accord collectif, des baisses de salaire à ses salariés, mais il doit, en cas de refus, envisager leur licenciement économique. Et si plus de dix salariés sont dans ce cas, il doit mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel a pour effet de limiter les conséquences sociales.

Des plans de ce type sont d'ailleurs engagés chaque mois, mais généralement ils se traduisent in fine par des suppressions de postes. La proposition qui est faite par le Président de la République, associé au MEDEF, a pour objet d'imposer aux salariés des accords compétitivité-emploi et de supprimer le consentement individuel des salariés.

Cette modification aurait pour effet, en cas du refus du salarié, de remplacer le licenciement économique ouvrant droit à indemnisation par un licenciement personnel et disciplinaire, sans indemnisation.

C'est la voie vers une flexibilité accrue et la déréglementation du droit du travail, réduisant à néant les protections des salariés, mais également l'impératif de sauvegarde des activités menacées.

S'il s'agit de réduire le temps de travail et le salaire, quid de la durée légale du temps de travail, des minima conventionnels et du SMIC ?

Les exemples d'accords compétitivité-emploi sont de véritables chantages à l'emploi. J'en donne un que je connais bien, celui des Fonderies du Poitou dans la Vienne. En 2011, la direction a présenté un plan de compétitivité consistant à réduire de 23 % les rémunérations des 480 salariés, avec chantage à l'emploi en cas de refus. Après deux mois de grève, le texte a été enterré.

En Allemagne, les accords comportent des garanties solides et sont assortis d'un droit de regard des salariés sur la stratégie des entreprises, grâce au rapport de forces que crée la forte implantation des syndicats allemands.

Cette réalité syndicale qui permet une qualité de dialogue social fait défaut en France, où ce type d'accords ne fait que repousser l'échéance des suppressions d'emplois et de fermetures d'établissement.

Le risque est grand que les donneurs d'ordres imposent à leurs sous-traitants la signature de tels accords, en exerçant un chantage indirect à l'emploi.

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