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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 22 février 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Cette proposition de loi s'apparente à un texte d'affichage, abondant dans le sens de l'actuel ministre de l'Intérieur, dont le propos est de stigmatiser une partie de la population qui vit sur notre territoire et, plus particulièrement, comme Dominique Raimbourg le soulignait, certaines catégories d'étrangers. Nous considérons que ce texte contribue à empoisonner le climat politique. Nous n'avons nul besoin de désigner des boucs émissaires alors que notre pays traverse une crise sans précédent, qui touche les plus vulnérables, qu'ils soient Français de souche, immigrés ou étrangers vivant sur notre territoire. Plutôt que de mettre de l'huile sur le feu, nous devrions faire oeuvre de pacification.

Sur le fond, s'agissant du caractère obligatoire de l'ITF, je rappellerai que le Conseil constitutionnel a déjà censuré, en 1993, le prononcé automatique et indifférencié d'une sanction à caractère pénal, et que l'un des principes de notre droit est l'individualisation des peines et des sanctions. La gauche et les écologistes ont d'ailleurs pris l'engagement, si les Français choisissent l'alternance le 6 mai prochain, de revenir sur les lois relatives à la récidive et aux peines planchers, qui portent atteinte à ce principe.

Par ailleurs, en 2010, 1 693 ITF ont été prononcées par les tribunaux et 1 201 exécutées : la peine est donc presque systématiquement appliquée sur le terrain.

Ce texte est inutile. M. le rapporteur nous explique que, grâce à lui, le juge sera obligatoirement amené à se poser la question de la peine complémentaire d'interdiction du territoire en cas de crime ou de délit, mais il devrait savoir que tel est déjà le cas, puisque les procureurs la demandent quasi systématiquement dans leurs réquisitoires. De même, cette proposition de loi prétend renforcer l'effectivité de la peine, alors que celle-ci est déjà assurée : les préfectures, en coordination avec les greffes des établissements pénitentiaires, organisent les départs forcés depuis la prison.

Il s'agit, en outre, d'un retour à ce qu'on a appelé la « double peine ». D'ailleurs, certains collègues de la majorité ont déposé un amendement visant à supprimer l'article 1er, en rappelant ce qui avait été voulu par M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, en 2003. L'ITF existe depuis la loi sur les stupéfiants de 1970. Elle est aujourd'hui prévue pour plus de deux cents délits, qui relèvent d'une multitude de textes, qu'il s'agisse du code pénal, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du code du travail. Contrairement à ce que vous prétendez, ce texte revient sur les avancées de la réforme de 2003, car il prévoit une peine automatique pour les personnes étrangères, ce qui durcit de fait le dispositif initial – même si les protections prévues par les articles L. 131-30-1 et L. 131-30-2 du code pénal sont maintenues.

Vous estimez qu'au-delà de trois ans, un étranger en situation régulière peut avoir un certain nombre d'attaches privées et familiales en France. Or celles-ci s'évaluent en fonction de leur intensité, non de leur durée. Outre que ce délai de trois ans n'apparaît nulle part dans la jurisprudence française ou européenne, une personne venant sur le territoire français avec un visa, car mariée avec une ressortissante ou un ressortissant français, aura des attaches en France dès son arrivée ; une personne parente d'un enfant français aura des attaches en France dès la naissance de celui-ci ; une personne atteinte d'une pathologie grave pourra bénéficier d'un titre de séjour sans que la notion d'attache familiale soit un critère pour la délivrance de celui-ci. La loi actuelle prévoit que l'ITF implique la reconduite d'office et le retrait du titre de séjour, quels que soient la durée de validité de ce dernier et le temps passé en France. La nouvelle disposition n'a donc pas lieu d'être.

Enfin, la violation de l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme sont autant d'autres motifs de rejet de cette proposition de loi.

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