Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Paul Garraud

Réunion du 22 février 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Garraud, rapporteur :

Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi, que j'ai déposée avec un certain nombre de collègues – nous sommes aujourd'hui environ 140 à l'avoir cosignée – et dont l'objet est double puisqu'il s'agit d'adapter la réponse pénale aux actes commis par les délinquants de nationalité étrangère, d'une part, et par les auteurs d'infractions multiples, d'autre part.

Je commencerai par les dispositions concernant les réitérants, à distinguer des récidivistes.

Les articles 2 et 3 de la proposition reposent sur un constat simple : en 2009, 38 % des condamnés pour délit avaient déjà été condamnés définitivement par le passé et se trouvaient soit en situation de récidive – c'était le cas de 10 % –, soit en situation de réitération – pour les 28 % restants. En outre, les auteurs de crimes ont fréquemment déjà été condamnés pour des délits d'une nature similaire : les auteurs de vols criminels sont près de 60 % à avoir déjà été condamnés pour une atteinte aux biens, les auteurs d'homicide ou de violences criminelles 18,2 % à avoir déjà commis des délits violents, et les auteurs de viol 12,4 % à avoir été condamnés précédemment pour une agression sexuelle.

Or, si notre droit appréhende désormais correctement, depuis la loi du 10 août 2007, la situation particulière des récidivistes – soumis au doublement de la peine maximale et à des peines minimales d'emprisonnement –, la situation des réitérants n'est, quant à elle, pas suffisamment prise en compte par notre droit pénal.

Les réitérants sont définis, depuis la loi du 12 décembre 2005, comme des personnes déjà condamnées définitivement pour un crime ou un délit, qui en commettent un autre sans être en état de récidive légale – bien qu'ils soient considérés comme des « récidivistes » selon l'acception commune du terme. Cette situation de réitération a pour seule conséquence juridique d'empêcher la confusion des peines prononcées.

Cet effet, fort insuffisant, semble peu à même de dissuader les personnes déjà condamnées de commettre de nouvelles infractions, y compris des infractions plus graves. Ainsi l'auteur d'une agression sexuelle délictuelle pour laquelle il a été condamné définitivement ne risque aucune aggravation de sa peine s'il commet ensuite un viol, malgré l'avertissement solennel que lui avait adressé la justice. On se trouve ainsi confronté à des cas curieux, où un individu réitérant des faits de même nature ne peut être juridiquement considéré comme un récidiviste et n'encourt donc pas de peine plancher : par exemple, l'auteur d'un vol avec violence, passible d'une peine de sept ans d'emprisonnement au plus, qui commettrait ensuite un vol criminel n'est pas en état de récidive légale.

Pour remédier à cette situation, la présente proposition de loi vise à instaurer des peines minimales pour les personnes commettant un crime ou un délit en situation de réitération, suivant un mécanisme calqué sur le système des peines planchers introduit en 2007 pour les récidivistes : les différents seuils de peines minimales sont compris entre un cinquième et un sixième de la peine maximale encourue, soit l'équivalent de ce qui a été retenu pour les cas de récidive – compte tenu du doublement de la peine maximale encourue – ou pour les cas de violences aggravées. Le principe constitutionnel de nécessité des peines est ainsi respecté.

Les articles 2 et 3 respectent en outre le principe d'individualisation des peines, puisqu'ils prévoient la possibilité pour la juridiction saisie de déroger à la peine minimale, à condition, en matière correctionnelle, qu'elle le fasse par une décision spécialement motivée. Je réfute ainsi préventivement toute accusation d'instauration de peines planchers automatiques.

Le dispositif proposé permet en définitive d'adapter la réponse pénale aux personnes qui font le choix de défier sciemment les règles de vie en société en commettant des infractions répétées, même si elles ne remplissent pas les strictes conditions de la récidive légale.

J'en viens maintenant au deuxième volet de la proposition de loi, qui concerne les délinquants de nationalité étrangère et la peine complémentaire d'interdiction du territoire français (ITF).

Lorsqu'un individu commet un crime ou un délit, le fait qu'il soit étranger le place dans une situation particulière, dont la loi pénale et la justice doivent tenir compte. Ce fait a toujours été admis : la peine d'ITF existe depuis 1970 et n'a jamais été supprimée, même par la gauche.

L'article 1er de la proposition de loi se fonde sur deux constats indiscutables.

Premièrement, les statistiques judiciaires et policières mettent en évidence une très forte surreprésentation des étrangers parmi les délinquants : les personnes de nationalité étrangère représentent 5,8 % de la population vivant en France, mais entre 12 et 13 % des personnes condamnées pour crimes et délits. En outre, les étrangers sont particulièrement impliqués dans certains types de délinquance, en particulier les vols avec violence et les vols avec effraction. Enfin, les infractions commises par les ressortissants de certains pays sont en forte hausse au cours de la période récente : entre 2008 et 2010, le nombre de vols commis par des ressortissants roumains et par des ressortissants d'États de l'ex-Yougoslavie a respectivement augmenté de 50 % et de 60 %.

Deuxièmement, le nombre de peines ITF prononcées est très faible, par rapport au nombre total d'infractions commises par des étrangers et au nombre de condamnations pour des infractions pour lesquelles l'ITF était encourue ; en 2010 par exemple, 3 750 peines d'ITF ont été prononcées, alors que cette peine était encourue pour 13 500 condamnations, soit un taux de prononcé de 28 % seulement. Sachant que ce taux était de 49 % en 2003, on peut dire que la peine d'ITF est de moins en moins effective.

Cela résulte à l'évidence de la réforme de l'ITF intervenue en 2003, qui visait à prendre en considération les situations particulières d'étrangers condamnés à une mesure d'éloignement malgré les forts liens qu'ils avaient tissés avec la France, en particulier lorsqu'ils étaient parents d'enfants français. Cette réforme a abouti à empêcher le prononcé de l'ITF dans certains cas d'infractions graves.

La présente proposition de loi, si elle ne remet pas en cause les acquis de la réforme de 2003, tend à renforcer l'effectivité de la peine d'ITF, en prévoyant qu'elle devra être obligatoirement prononcée, pour une durée variant en fonction de la gravité de l'infraction, pour les crimes ou délits punis d'un certain quantum d'emprisonnement ; la proposition de loi initiale avait fixé ce dernier à trois ans au moins, mais je présenterai un amendement visant à porter ce seuil à cinq ans.

Là encore, conformément au principe d'individualisation des peines, la juridiction aura la possibilité d'écarter totalement l'ITF, à condition de motiver sa décision. L'objectif de la proposition de loi est d'obliger ainsi les magistrats à examiner l'éventualité d'une peine complémentaire d'éloignement du territoire, en fonction de la gravité de l'infraction et de la personnalité de son auteur. C'est la seule nouveauté introduite par un texte qui, par ailleurs, ne modifie en rien les régimes de protection, relative ou absolue, dont bénéficient certains étrangers en raison de leurs liens particuliers avec la France.

Ce texte s'inscrit donc dans la continuité des réformes de 1991 et de 2003, s'agissant de l'article 1er relatif à la peine d'ITF, et de la loi de 2007 sur la récidive, s'agissant des peines minimales prévues pour les réitérants. Il répond à la nécessité de mieux tenir compte des évolutions de la délinquance, dont une trop large part est aujourd'hui imputable aux étrangers et aux réitérants. Son objectif est d'adapter, dans le respect des principes constitutionnels, la réponse pénale à la situation de ces derniers. C'est pourquoi je vous invite à l'adopter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion