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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 22 février 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je rappellerai, quant à moi, au nom du groupe SRC, les fortes réticences que nous inspire ce texte.

D'abord, il ne correspond plus à l'objectif initial de la proposition déposée au Sénat, qui était de lutter contre l'usurpation d'identité. Vous avez en effet ouvert la possibilité de recourir à un fichier créé pour des enquêtes ne présentant pas forcément de lien avec cet objet – je pense notamment à un amendement que vous avez déposé lors de la précédente lecture, monsieur le rapporteur, autorisant l'utilisation de cette base de données pour l'identification d'un cadavre à partir de ses empreintes digitales. Je ne dis pas que la cause n'est pas louable, mais nous sommes loin de la lutte contre l'usurpation d'identité !

Ce faisant, vous tendez à élargir, de façon lente mais continue, l'utilisation de ce fichier central biométrique – lequel va concerner l'ensemble de la population française.

En outre, notre pays se singulariserait en Europe s'il se dotait d'un tel fichier. Si cela n'est pas en soi infamant, aucune démocratie occidentale ne l'a fait, a fortiori en retenant la technique des bases biométriques dites à « lien fort », associant une identité à une empreinte donnée. Récemment, les Pays-Bas, qui avaient un fichier de moindre importance pour les passeports biométriques, ont d'ailleurs décidé d'effacer l'ensemble des six millions d'empreintes qui y étaient enregistrées, faute de garanties suffisantes.

Pourtant, vous vous apprêtez à adopter à nouveau ce texte et ce, en dépit de l'hostilité de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). En effet, si nous avons pu avoir un temps le sentiment que celle-ci n'était pas opposée à la création de ce fichier, sa présidente, Mme Isabelle Falque-Pierrotin, a dit il y a quelques jours devant le Sénat la vive inquiétude que suscitait chez elle une telle mesure.

Enfin, il est une question à laquelle ni le Gouvernement ni l'Assemblée nationale ne répondent, qui porte sur la possibilité, ouverte par voie d'amendement, aux services chargés de lutter contre le terrorisme, d'utiliser ce fichier en dehors de tout contrôle judiciaire. Mesurez-vous bien toute la portée de cette disposition ? Si oui, n'envisagez-vous pas de la revoir ?

En bref, le groupe SRC s'oppose à un texte qui va créer un fichier ayant vocation à recueillir la totalité des données biométriques de la population. Nous estimons que, si tel devait être le cas, il faudrait assortir la mesure de garanties techniques de protection, définitives et irréversibles. Or vous vous contentez de garanties juridiques, que nous ne trouvons pas suffisamment solides. C'est la raison pour laquelle nous voterons à nouveau contre ce texte.

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