Cet échec de la commission mixte paritaire n'a rien pour nous surprendre, le texte voté par le Sénat n'ayant strictement plus rien à voir avec celui qu'avait adopté l'Assemblée nationale.
Les modifications apportées par la Haute assemblée sont essentiellement de trois ordres.
Premièrement, elle a supprimé onze des vingt et un articles du projet de loi. Au nombre des suppressions les plus significatives figure celle de l'article 2 : faire disparaître cet article, qui donne au Gouvernement les moyens juridiques de réaliser le programme immobilier de 24 000 nouvelles places de prison prévu par le rapport annexé, c'est en effet vider de sa substance un projet dont la raison d'être est d'assurer l'exécution effective des peines prononcées par l'autorité judiciaire. Nous avons certes voté des textes, en particulier la loi pénitentiaire, pour faciliter les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération mais un certain nombre de peines d'emprisonnement qui n'ont pas été aménagées par l'autorité judiciaire restent malheureusement inexécutées. Par cette loi de programmation, le Gouvernement se donne les moyens de remédier à cet état de fait, grâce à la création, d'ici à 2017, de près de 7 000 équivalents temps plein et à l'engagement de 3,5 milliards d'euros de crédits. On ne peut que s'étonner de l'incohérence de l'opposition qui entend priver le Gouvernement de ces moyens, alors que le candidat François Hollande prétend, dans son programme pour l'élection présidentielle, vouloir une exécution rapide des décisions de justice.
La suppression des articles 4 bis et 5 ne se justifie pas davantage, puisque ces dispositions visent, elles aussi, en améliorant le partage d'informations entre l'autorité judiciaire et les médecins en charge de soins pénalement ordonnés, à assurer l'effectivité des sanctions.
Quant aux quelques articles que le Sénat n'a pas supprimés, ils ont été complètement dénaturés – par exemple, le rapport annexé à l'article 1er n'a plus rien à voir avec ce que prévoyait le projet du Gouvernement. Cette dénaturation passe aussi par certaines déclarations de principe introduites par le Sénat, telle celle qui affirme la nécessité d'appliquer la loi pénitentiaire de 2009 : c'est déjà le cas, puisque tous les décrets d'application nécessaires ou presque ont été publiés.
Enfin, le Sénat a introduit dans le texte neuf nouveaux articles totalement incompatibles avec les dispositions du projet de loi adopté par l'Assemblée en première lecture. Ainsi, en prévoyant l'aménagement systématique – autrement dit automatique – des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à trois mois, il priverait le juge de toute possibilité d'individualiser la peine. De même, il prévoit une réduction systématique d'un tiers des peines encourues par les personnes atteintes d'un trouble mental ayant altéré leur discernement. Il supprime, en revanche, les peines minimales d'emprisonnement prévues pour les récidivistes et les auteurs de violences aggravées, c'est-à-dire les peines planchers, alors que le juge peut rester en deçà de ces minima pourvu qu'il motive sa décision – mais n'est-ce pas précisément le rôle du juge ? Quant à l'instauration d'une sorte de numerus clausus pénitentiaire, elle n'a strictement rien à voir avec l'objectif du texte.
Seul point positif, le Sénat a maintenu les dispositions relatives à l'exécution des peines de confiscation, introduites dans le texte à l'initiative du président Jean-Luc Warsmann.
Il n'empêche : au vu de ces altérations, vous ne serez pas surpris que je demande à la Commission de rétablir les articles supprimés et, inversement, de supprimer les articles ajoutés.