Dans ce contexte, la proposition de directive relative à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), commune aux 27 Etats membres, offre des perspectives satisfaisantes.
En premier lieu, elle prévoit, pour l'assiette commune harmonisée, un mode de calcul classique du résultat imposable et qui aboutit, en outre, pour l'ensemble des Etats membres, sauf deux (l'Irlande et Chypre), à une assiette plus large qu'actuellement.
Pour les pays européens, elle devrait ainsi amorcer une certaine convergence des taux à recettes constantes. On peut penser que les taux les plus faibles augmenteront et que les taux les plus élevés diminueront, avec un peu d'optimisme.
Pour les entreprises, l'ACCIS entraîne une simplification des déclarations lorsqu'elles exercent leurs activités dans plusieurs Etats membres et aussi un élément de stabilité des règles fiscales, lesquelles sont considérées en France comme changeant trop souvent. Les représentants des entreprises ont bien insisté sur ce point.
En deuxième lieu, la proposition prévoit aussi une consolidation de l'assiette entre les différentes entités des groupes d'entreprises établies dans différents Etats membres. C'est, pour les groupes, l'avantage de la compensation des pertes et des profits, ainsi que la perspective d'un règlement de la question des prix de transfert, c'est-à-dire des prix de facturation entre entreprises liées d'un Etat membre à l'autre.
Pour les Etats membres, la répartition du droit d'imposer se ferait a'après une formule avec trois facteurs, à raison d'une pondération d'un tiers pour chacun d'entre eux : le personnel (avec pour moitié les effectifs et pour moitié la masse salariale) ; les immobilisations, c'est-à-dire le capital ; le chiffre d'affaires avec les ventes par destination, c'est-à-dire par pays de vente et non d'achat, en cas de transaction transfrontalière. C'est un facteur reconnexion entre l'impôt et le territoire où s'exerce l'activité.
En troisième lieu, la conception de la proposition autorise une distinction du calcul de l'assiette et du recouvrement, ce qui permettra aux Etats membres de mener dans la transparence une politique fiscale autonome, avec des dispositifs de type crédit d'impôt.
Dans l'ensemble, les entreprises gagnent sur le plan financier avec l'élimination des doubles impositions et des coûts administratifs inhérents à plusieurs systèmes de déclaration.
Dans ces circonstances, la proposition de la Commission, européenne n'appelle pas de modification majeure, mais certaines améliorations, uniquement.
La première à envisager tient au calendrier de mise en oeuvre de l'ACCIS. La Commission européenne prévoit de coupler le passage à l'assiette commune de l'impôt et la consolidation. Les deux éléments peuvent être disjoints. C'est vraisemblablement nécessaire pour éviter trop de difficultés d'adaptation, de même que, pour certains Etats membres, les risques de transfert d'assiette et donc de pertes de recettes.
La deuxième modification concerne l'optionalité. La proposition de directive prévoit en effet que l'ACCIS sera optionnelle pour les entreprises. Ce n'est pas une solution satisfaisante si elle doit être pérenne. En effet, même si l'option est prévue pour 5 ans, dès lors que deux systèmes sont en vigueur dans un même Etat, on a affaire à une situation d'une grande complexité, tant pour les professionnels que pour les services fiscaux : il faut d'une certaine manière tout dédoubler. En outre, il y a des facultés d'optimisation avec passage d'un système à l'autre. Si certains Etats membres conservent un système national à côté du dispositif européen, ils peuvent également pratiquer le « dumping » fiscal. Dans ces circonstances, il apparaît nécessaire de limiter à une période transitoire la coexistence de deux corps de règles, dans tous les Etats membres, pour éviter la tentation du « dumping » fiscal, et également permettre une généralisation progressive de l'ACCIS.
Ensuite, différents aménagements plus techniques sont nécessaires.
Tel est d'abord le cas sur l'assiette, sachant qu'elle doit en tout état de cause rester large, reposer sur la réalité économique, notamment en matière d'amortissement, et être sécurisée par des mesures anti-abus efficaces.
Tel est également le cas sur la consolidation. Dès lors que les déclarations fiscales de groupe seront déposées auprès de l'administration fiscale d'un seul Etat membre, il convient de prévoir une grande homogénéité des règles de gestion administrative, pour éviter tout risque de « dumping administratif » et toute difficulté dans l'exercice du contrôle fiscal pour les autres Etats membres d'implantation du groupe. C'est une question de confiance entre les pays.
Sur le plan de la procédure, la proposition de directive doit être adoptée, comme on l'a vu, à l'unanimité. Il n'est pas certain que cela puisse être le cas. D'abord, un Etat membre y est clairement opposé, c'est l'Irlande. Ensuite, on a pu constater qu'un nombre inhabituellement élevé de Parlements nationaux a jugé qu'il y avait atteinte au principe de subsidiarité.
Dans ces circonstances, même si c'est naturellement sans vouloir brusquer les choses, il convient d'envisager clairement le passage à la coopération renforcée lorsque les circonstances en seront réunies.
Une convergence fiscale entre Etats membres est en effet possible dès lors que la volonté des gouvernements est là.
Nous avons l'expérience en cours de la convergence franco-allemande.
Tels sont les éléments que la proposition de résolution propose de reprendre.