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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 1er février 2012 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet, co-rapporteur :

L'idéal est effectivement la taxe qui soit la plus générale en ce qui concerne non seulement l'assiette mais aussi les pays qui l'appliquent car c'est le gage de son efficacité.

Après l'assiette, la deuxième question essentielle sur le format de la taxe, est celle du taux. La Commission européenne propose une différenciation avec un taux de 0,01 % sur les dérivés et un taux de 0,1 % sur les opérations au comptant, actions et obligations. Elle le justifie par le fait que l'assiette sera pour les dérivés non pas le montant effectivement payé lors de la transaction, mais le montant du notionnel, c'est-à-dire du sous-jacent. Ces taux appellent deux remarques : d'abord, ce sont des taux minimaux car la compétence européenne en la matière n'est qu'une compétence d'harmonisation et non de fixation du taux de l'impôt ; d'autre part, pour les transactions dans l'Union européenne, ces taux seront doublés puisque la taxe sera perçue à la fois du côté du vendeur et du côté de l'acquéreur. Avec ces taux effectifs de 0,2 % et 0,02 %, le rendement estimé pour les recettes est de l'ordre de 57 milliards dont 37,7 pour les dérivés. 12 % seraient prélevés en France.

Sur le niveau de l'imposition, la proposition de la Commission européenne n'est pas en phase avec la résolution votée par l'Assemblée nationale en juin dernier, qui prévoit, de même que le Parlement européen le demande, un taux unique de 0,05 % applicable aux opérations au comptant comme aux opérations sur les dérivés. Ce taux unique est plus efficace en terme de régulation puisqu'il a davantage d'impact sur les opérations sur les dérivés que sur les opérations au comptant ainsi que cela nous a été clairement indiqué à l'Autorité des marchés financiers (AMF).

D'abord, il est plus favorable aux actions et aux obligations, c'est-à-dire aux actifs financiers les plus utiles à l'économie ; ensuite, il offre, selon les simulations de la Commission européenne, un rendement bien meilleur de 71 milliards d'euros pour les vingt-sept Etats membres.

Les deux taux proposés par la Commission européenne ne sont donc pas la seule option possible. Le débat reste donc ouvert.

Tel n'est pas le cas des éléments de la proposition de directive sur les modalités de recouvrement. Ils contiennent des éléments assez généraux et reposent principalement sur une exigibilité et un recouvrement immédiat de la taxe, ainsi que sur une clause de solidarité entre les parties à la transaction pour éviter tout risque de fraude.

La négociation qui s'annonce sur ce texte est assez délicate et se noue autour de trois questions essentielles.

Sur le champ territorial, d'abord, la résolution précitée no 680 adoptée en juin dernier le mentionnait déjà, l'objectif est une application par les Vingt-sept ou, à défaut, la zone euro, ou autour d'une coopération renforcée autour de la France et de l'Allemagne, avec l'objectif d'un extension la plus large possible sans s'arrêter à ce stade. Une taxe sur les transactions financières est d'autant plus efficace que le champ territorial auquel elle s'applique est étendu.

A défaut de pouvoir obtenir le niveau mondial comme on l'a vu, il faut donc essayer de parvenir à une application au niveau des vingt-sept et, en l'absence d'autre solution, au niveau de la zone euro. Plusieurs Etats membres sont opposés à la taxe et l'ont manifesté clairement, notamment le Royaume-Uni et la Suède. Au Royaume-Uni, l'élément politique n'est pas absent puisque Gordon Brown alors Premier ministre s'y était déclaré favorable, parmi les premiers lorsque de la crise financière s'est déclenchée. Le pays est important puisque la City est le premier marché financier d'Europe. La Suède également y est opposée car elle a fait l'expérience négative de la taxation dans un seul pays.

Certains pays opposés à la taxe sont également membres de la zone euro. C'est en l'état le cas des Pays-Bas. La raison en est principalement la taxation des fonds de pensions. C'est un problème puisque qu'en raison de l'intégration des bourses avec Euronext, le marché est avec eux unifié.

Sur la question de l'affectation de la taxe, la Commission européenne propose une affectation d'une partie du produit au budget de l'Union européenne comme ressource propre détachée des contributions nationales. C'est un débat de fond puisque le poids des ressources propres de l'Union s'est réduit avec le temps dans le financement des budgets de l'Union. Entre l'affectation aux budgets nationaux et l'affectation à l'Union, il faut trouver un juste milieu.

Dans le cadre de ses propositions pour le prochain cadre financier pluriannuel, la Commission européenne a, en effet, suggéré de moderniser le financement de l'Union en créant de nouvelles ressources propres à partir d'une nouvelle recette TVA et d'une affectation d'une fraction du produit de la future taxe sur les transactions financières, à hauteur des deux tiers. L'intérêt est que, de même que pour les droits de douane, les sommes en question viendraient en déduction des actuelles contributions nationales assises sur le RNB et à budget constant viendraient ipso facto réduire le déficit budgétaire en se substituant à une partie de ces mêmes contributions nationales RNB.

Pour l'instant, les discussions ne font que commencer et on ne peut naturellement aller au-delà de cette brève présentation, si ce n'est pour indiquer que tous les Etats membres participent aux discussions.

On mentionner deux autres avantages d'une affectation européenne. D'abord, cette modernisation du financement du budget de l'Union européenne pourrait permettre de financer à terme davantage d'actions européennes, et notamment les nouvelles politiques prévues par le traité de Lisbonne qui ne le sont pas, en l'état. Elle pourrait aussi donner à l'Europe une capacité d'action pour soutenir la croissance, par exemple par l'investissement. Ensuite, et c'est en relation avec les préoccupations des associations et des ONG, on peut envisager une participation avec les financements innovants aux biens publics mondiaux, aux enjeux environnementaux ou sanitaires, et au développement. Néanmoins, il faut être prudent. Ces décisions sont à l'unanimité des Etats membres, et il faut ensuite la ratification des parlements nationaux.

C'est un sujet qui demande du temps. Le calendrier d'examen et d'adoption éventuel de cette proposition de directive est clairement incertain, même si la Commission européenne mise sur la fin de l'année, ce qui laisse différentes possibilités aux Etats membres. Comme ces éléments ne font pas l'objet d'un consensus entre nous, ils n'ont pas vocation à être abordés dans résolution.

Il y a d'abord l'option allemande qui vise à s'assurer, selon les déclarations gouvernementales, au préalable et assez rapidement, pour les mois qui viennent, de la faisabilité de la taxe au niveau de l'Union européenne.

Il y a aussi la voie française d'une initiative nationale fondée sur la volonté de marquer combien notre pays tient à cette taxe et de créer un effet d'entraînement par un comportement pionnier

Mais c'est là un débat de politique interne. A titre personnel, je m'en tiendrai à rappeler que l'on peut craindre qu'une initiative purement nationale ne conduise qu'à un rétablissement de l'impôt sur les opérations de bourse supprimé en 2008 ou qu'à un Stamp duty britannique, c'est-à-dire à une taxe qui n'est pas optimale car ne portant pas sur les dérivés. Le risque est alors de casser la dynamique européenne qui vise un objectif plus large en s'alignant sur le régime en vigueur au Royaume-Uni depuis plusieurs siècles alors que comme l'a souligné hier le Président Lamassoure, le processus européen a une certaine probabilité d'aboutir dans de bonnes conditions.

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