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Intervention de Jean-Yves Cousin

Réunion du 1er février 2012 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Cousin, co-rapporteur :

La proposition de directive présentée par la Commission européenne le 28 septembre dernier nous conduit quelques mois après l'adoption de notre résolution du 14 juin dernier visant à établir une taxe sur les transactions financières, au niveau mondial, si possible, et, à défaut, au niveau européen ou bien à celui de la zone euro, à réinscrire cette question à notre ordre du jour.

Il ne s'agit pas, en adoptant aujourd'hui une nouvelle proposition de résolution, de se déjuger, mais d'affiner, autant que le permettent les circonstances, notre point de vue.

Le constat reste, en effet, le même. La création d'une taxe sur les transactions financières est une réponse à la crise. Même si les éléments sont différents, la conclusion qu'avait déjà émise Keynes en 1936 puis Tobin au début des années 70, au moment de l'effondrement du système de Bretton Woods, reste valable. Il faut « refroidir » le marché des capitaux et introduire une certaine viscosité dans les transactions, avec un prélèvement adapté, car nous constatons une financiarisation excessive de l'économie avec un déséquilibre croissant entre les échanges financiers et le PIB mondial, essentiellement sur le marché des dérivés. Selon la formule de Tobin, il est nécessaire de verser du sable dans les rouages bien huilés de la spéculation. Ensuite, il convient par cette taxe de contribuer à la régulation financière en complétant les instruments législatifs et réglementaires déjà intervenus ou en cours de préparation au niveau européen, notamment l'obligation de compensation de l'essentiel des dérivés, ceux qui sont « standardisables », et de l'obligation de déclaration des autres dérivés, prévu par le futur règlement EMIR. La taxe vise clairement les transactions à haute fréquence qui n'ont aucune signification économique : plusieurs milliers d'opérations sur une valeur en une seconde. L'un de nos interlocuteurs a rappelé qu'aux Etats-Unis, le total des transactions sur un instrument financier avait atteint 60 000 dollars, soit l'ordre de grandeur du PIB américain, en 14 secondes. Enfin, il y a comme pour toute autre taxe un enjeu budgétaire. Les circonstances ne permettent aux Etats de ne négliger aucune ressource et il est vrai que, par leur développement les transactions financières, sont un élément, exonéré de TVA, qu'il devient de moins en moins justifiable de ne pas taxer. De plus, les excès du secteur financier étant à l'origine de la crise actuelle et du creusement spectaculaire des déficits publics ainsi que de l'augmentation tout aussi spectaculaire des niveaux d'endettements publics après 2008, il apparaît légitime de faire contribuer ce secteur à la « réparation » des dommages.

La nécessité d'une taxe Tobin a été perçue tant au niveau du Parlement européen, qui a notamment voté, dans un large consensus, une résolution en ce sens en mars dernier sur le rapport de Mme Annie Podimata (S&D, Grèce), qu'à celui des chefs d'Etat et de gouvernement puisque tant le Conseil européen, sur l'initiative du Président de la République et de la Chancelière allemande, que le G20 l'ont inscrite à l'ordre du jour. C'est un succès politique même si à la suite de l'échec du Sommet du G20 des 3 et 4 novembre derniers, en raison de l'opposition notamment des Etats-Unis, il n'y aura pas, ce qui aurait été l'idéal, de taxe mondiale.

Répondant donc à la demande du Conseil européen, et souhaitant également réformer et élargir pour la période 2014-2020 du prochain cadre financier pluriannuel le financement du budget de l'Union européenne, la Commission européenne a donc présenté sa proposition.

Le projet répond bien aux objectifs assignés à un tel prélèvement avec une assiette large et un taux faible. Les risques de délocalisation d'activité sont suffisamment connus et invoqués pour ne pas y revenir.

D'une manière plus précise, sur l'assiette, l'approche retenue est une approche dite « triple A », en anglais, « All markets ! All instruments ! All actors ». Les transactions financières sont définies de manière très large pour que la taxe s'applique également aux transferts d'actifs intragroupe, ainsi qu'aux transactions hors marchés réglementés ou organisés, les transactions OTC, de gré à gré.

Tous les acteurs sont impliqués. La taxe est prévue pour être perçue au niveau des établissements financiers et, techniquement, par le biais des systèmes informatiques des marchés financiers au sens large. La définition des établissements financiers retenue est donc elle aussi très étendue.

Naturellement tous les instruments financiers sont concernés, sous réserve de quelques exceptions dont une seule appelle un commentaire : celle des transactions de change au comptant. Les devises ne sont juridiquement pas, il est vrai, des instruments financiers, mais ce que craint la Commission européenne, c'est qu'une taxation ne soit contraire au principe de la libre circulation des capitaux. Certains observateurs et Etats membres sont d'un avis opposé, notamment pour ce qui concerne les devises des pays tiers. Sur ce point et sous réserve d'une expertise complémentaire, l'assiette pourrait, à l'occasion des négociations, bouger. Il y a également des demandes pour l'exonération à l'entrée et à la sortie des OPCVM et une demande forte des Pays-Bas pour une exonération des fonds de pension.

Si l'assiette apparaît déjà assez bien esquissée, la proposition de directive pourrait en revanche davantage évoluer, pour être utilement complétée, en ce qui concerne le principe de taxation. Celui qui est prévu est, en effet, le principe de résidence qui rend taxables, selon deux critères croisés, les transactions faites par les établissements financiers résidents etou celles effectuées par les investisseurs eux-mêmes résidents. C'est une approche qui a le mérite d'être très complète, mais qui présente l'inconvénient d'être sensible, potentiellement, aux délocalisations. Par conséquent, aussi bien la Commission européenne que certains Etats membres et également les observateurs vigilants que sont les organisations non gouvernementales qui souhaitent que le produit de la taxe soit utilisé pour les grandes urgences humanitaires, environnementales ou de développement, demandent de compléter ce principe par celui de la taxation selon le lieu d'émission ou de cotation. Selon ce schéma, l'impôt est exigible y compris lorsque les transactions interviennent au titre des pays tiers, pour les actifs enregistrés dans le pays de taxation. C'est le système du droit de timbre anglais, du stamp duty. 40 % du produit de ce droit sont collectés auprès des investisseurs étrangers. Pour les autres questions, je passe la parole à Pierre-Alain Muet, avec lequel nous nous sommes partagé la tâche.

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