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Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Réunion du 1er février 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Je signale au préalable que le décret concernant la création du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires est paru ce matin. Je tenais à saluer l'événement, compte tenu de la mobilisation des membres de la commission des Lois – y compris l'opposition – en faveur du volontariat.

Le présent projet de loi vient répondre aux enjeux multiples que recouvrent les situations professionnelles diverses des agents contractuels de la fonction publique, conformément aux annonces du Président de la République du mois de janvier 2010.

Je rappelle que la possibilité de recourir à des agents non titulaires, déjà prévue dans le statut de 1946, a permis, en particulier, de garantir la continuité du service public sur l'ensemble du territoire national, ainsi que sa mutabilité. On dénombre aujourd'hui quelque 891 000 agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique, soit une proportion de 16 % sur un total d'environ 5,3 millions d'agents.

Fruit d'une négociation engagée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux et les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers, un protocole d'accord a été signé avec six organisations syndicales – l'UNSA, la CGT, FO, la CFDT, la CGC et la CFTC – le 31 mars 2011, afin de sécuriser les parcours professionnels des agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique.

Les deux premiers titres du présent projet de loi tendent à assurer la transposition de ce protocole d'accord d'une double manière. Tout d'abord, ils apportent une réponse immédiate aux situations de précarité rencontrées sur le terrain en instituant un dispositif d'accès à l'emploi titulaire fondé sur des modes de recrutement réservés valorisant les acquis professionnels et, à titre complémentaire, en prévoyant la transformation en contrats à durée indéterminée des contrats des agents ne pouvant ou ne voulant pas accéder à la titularisation.

Ensuite, ils proposent des moyens destinés à éviter la reconduction de telles situations de précarité à l'avenir, notamment grâce à un meilleur encadrement des cas de recours au contrat et des conditions de leur renouvellement.

Ainsi, le présent texte renforce la cohérence du cadre juridique applicable aux agents non titulaires – en particulier pour éviter le renouvellement abusif des contrats à durée déterminée –, en garantissant à tout agent employé depuis six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique la possibilité de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée.

En outre, les interruptions de contrat inférieures à trois mois ne pourront plus être invoquées pour justifier la conclusion d'un nouveau contrat à durée déterminée.

Par ailleurs, le projet précise le régime juridique du recours à l'emploi des agents contractuels et harmonise le droit applicable dans les différents versants de la fonction publique. Je retiendrai les principales mesures : modification des modalités de recours au contrat pour assurer le remplacement d'agents absents ou l'occupation temporaire d'emplois vacants ; redéfinition des modalités du recours au contrat pour des besoins occasionnels ou saisonniers ; apport de garanties concernant la continuité des contrats des agents à l'occasion d'un transfert d'autorité ou de compétences entre deux ministères.

Attentif, de manière plus globale encore, à la nécessité d'une adaptation du droit de la fonction publique aux évolutions des pratiques administratives et des besoins des agents, le Gouvernement a par ailleurs complété ce projet de loi de dispositions diverses destinées à améliorer la situation professionnelle des fonctionnaires : poursuite de la lutte contre les discriminations, avec un renforcement des dispositifs permettant d'évaluer les politiques mises en oeuvre ; renforcement de la mobilité des agents publics, grâce à plusieurs dispositions clarifiant et élargissant les règles issues de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ; évolution du statut des membres du Conseil d'État, du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que des membres du corps des chambres régionales des comptes.

S'agissant des juridictions administratives, plusieurs articles du projet de loi tendent à faciliter les recrutements et à moderniser les procédures, notamment avec la pérennisation du concours complémentaire des membres du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ou la révision des modalités de nomination au tour extérieur.

S'agissant des membres du corps des chambres régionales des comptes, le projet de loi prévoit deux mesures spécifiques, destinées, là aussi, à répondre à deux problèmes bien identifiés : d'une part, l'existence de difficultés de recrutement dans les juridictions financières, faute d'un cadre statutaire adapté ; d'autre part, un régime des incompatibilités applicable aux magistrats des chambres régionales des comptes jugé trop restrictif.

Le texte proposé par le Gouvernement comportait aussi deux dispositions relatives au dialogue social – concernant notamment les modalités de publicité des comptes des organisations syndicales –, ainsi que quelques mesures diverses, destinées à procéder à des ajustements nécessaires pour la mise en oeuvre du code de la fonction publique ou encore de la réforme des retraites de 2010.

Voilà donc, esquissé à grands traits, le projet de loi tel qu'il avait été présenté par le Gouvernement dès le mois de septembre 2011.

Le Sénat a, dans une large mesure, conforté l'économie générale du texte, même s'il en a ajusté, sur quelques points ciblés, les modalités de mise en oeuvre. Il a également assez substantiellement enrichi le projet, en ajoutant 40 nouveaux articles, ce qui porte leur nombre à 103. Je citerai les principaux apports.

Concernant le dispositif d'accès à l'emploi titulaire, la haute assemblée a intégré dans le calcul de l'ancienneté requise les services accomplis à titre temporaire. Elle a également clarifié les modalités d'accès à un emploi de même niveau hiérarchique. Enfin, elle a étendu le dispositif de titularisation aux personnels des établissements exclus du bénéfice des dérogations à l'emploi titulaire, aux contractuels des administrations parisiennes ainsi qu'aux agents recrutés chaque année sur des contrats d'une durée de dix mois, comme il en va par exemple dans l'Éducation nationale.

Le second titre, dédié à l'encadrement des cas de recours aux agents contractuels, a également, pour l'essentiel, été approuvé par le Sénat, qui a même assoupli encore les modalités de prise en compte des services discontinus dans le calcul de la condition de six ans pour l'accès au contrat à durée indéterminée, renforçant la protection ainsi accordée aux agents.

En revanche, contrairement aux dispositions du projet initial, le Sénat a prévu que les collaborateurs des groupes politiques seraient recrutés sur des emplois non pas temporaires mais permanents. Il a aussi, contre la lettre du protocole d'accord du 31 mars 2011, doublé la durée maximale de renouvellement des contrats conclus pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans la fonction publique territoriale.

Le Sénat s'est par ailleurs prononcé en faveur de l'institution de commissions consultatives paritaires pour les contractuels des collectivités territoriales et prévu l'élaboration d'un document équivalent, pour la fonction publique, au registre unique du personnel des entreprises. Nous y reviendrons à l'occasion de la discussion des amendements, mais je vous indique d'ores et déjà que cette dernière initiative, au moment où une concertation est engagée avec les partenaires sociaux sur le sujet, me paraît mal venue.

En ce qui concerne les dispositions relatives au recrutement et à la mobilité, le Sénat a notamment clarifié le statut des agents de la direction générale de la sécurité extérieure et relevé de trois à quatre ans la durée de validité des listes d'aptitude dans la fonction publique territoriale.

S'agissant de l'évolution du statut des membres du Conseil d'État, du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Sénat a retenu pour l'essentiel les dispositions prévues dans la rédaction initiale du projet de loi. Il a aussi procédé à plusieurs ajouts, qu'il s'agisse de l'institution de la qualité de maître des requêtes en service extraordinaire, de la création d'emplois de premier vice-président dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ou encore de l'ouverture d'une possibilité de renforcer ponctuellement les effectifs d'un tribunal administratif.

Pour ce qui est de l'évolution du statut des membres de la Cour des comptes et du corps des chambres régionales des comptes, le Sénat a adopté sept articles additionnels afin de proroger le dispositif de recrutement des chambres régionales et d'introduire certaines dispositions similaires à celles que notre Commission avait adoptées dans le cadre du projet de loi portant réforme des juridictions financières. Je présenterai certains amendements sur ces sujets.

Le chapitre consacré au dialogue social a été complété par plusieurs mesures mettant en oeuvre les engagements pris par le Gouvernement à l'issue de la concertation avec les organisations syndicales de fonctionnaires, laquelle avait conduit à l'adoption du relevé de conclusions du 29 septembre 2011 relatif à la modernisation des droits et moyens syndicaux. Des mesures relatives au crédit de temps syndical, à l'avancement des fonctionnaires exerçant un mandat syndical et au versement d'une subvention à défaut de mise à disposition d'un local syndical ont notamment été ajoutées.

Le Sénat a enfin assez substantiellement enrichi le volet du texte consacré aux dispositions diverses, en particulier en adoptant plusieurs articles destinés à assurer la mise en oeuvre de la réforme de l'encadrement supérieur ou encore à amorcer l'évolution des centres de gestion dans la fonction publique territoriale.

Finalement, c'est donc un projet de loi ambitieux qui se trouve aujourd'hui soumis à l'examen de l'Assemblée nationale.

Les délais entre les deux lectures par les assemblées sont certes courts. Mais je rappelle que nous avons des engagements vis-à-vis des partenaires sociaux et que notre calendrier de fin de législature est contraint.

Compte tenu de l'inscription des travaux du Sénat dans le droit-fil du projet de loi initial, je vous indique que, pour ma part, je m'efforcerai d'oeuvrer à la validation des principaux apports du protocole d'accord du 31 mars 2011 et ne proposerai que certaines initiatives ciblées destinées à ajuster ou compléter cet ensemble.

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