Je vous prie d'excuser mon arrivée tardive mais je n'ai pu partir plus tôt de Bruxelles à cause d'une réunion extraordinaire du comité de direction, ce matin, justement consacrée au projet de traité.
En bref, la Confédération européenne des syndicats s'oppose au projet de traité qui sera vraisemblablement discuté et finalisé lundi prochain. Elle condamne d'abord les procédures suivies, qui sont aussi peu démocratiques que possible. Ensuite, les propositions envisagées ne rassureront pas les marchés mais constituent un corset qui étouffera la croissance et l'emploi.
Nous avons besoin d'une gouvernance économique mais pas de celle qui figure à ce stade dans le projet, car elle sera accompagnée d'une flexibilisation du marché du travail et d'un contrôle des relations sociales, très préoccupants pour les syndicats européens. Nous avons toujours été favorables à l'Union européenne en tant que vecteur d'emploi et de croissance. Or ce qui se passe provoque de vives réactions anti-européennes, en contradiction avec l'objectif européen de la Confédération. L'hostilité à l'Europe va sortir considérablement renforcée de ce nouveau traité ; celui-ci risque de se retourner contre le projet européen lui-même, qui nous est très cher.
Les solutions que nous préconisons visent à donner un plus grand rôle à la Banque centrale européenne, à mutualiser la dette au moins partiellement et à introduire une clause de sauvegarde des salaires. Il ne faut pas faire de la déflation salariale la clé de nos problèmes. Les syndicats allemands eux-mêmes ne considèrent pas que la dévaluation salariale et sociale des dix dernières années a fait le lit de la prospérité allemande, et notre analyse est la même.
Si nouveau traité il y a, nous voudrions qu'il soit assorti d'un protocole social, garantissant la priorité des droits sociaux fondamentaux sur les droits économiques. Or nous en sommes loin pour le moment. Le projet de traité n'apportera pas de solution aux crises graves que nous traversons. Nous ne sommes pas favorables pour autant à la fin de la zone euro, qui serait dramatique tant économiquement que socialement, mais ce qui est sur la table ne nous aidera pas à sortir de la crise, qui devient intolérable, voire ingérable dans certains pays.
Tout en nous gardant de toute tentation populiste, nous annonçons haut et fort que les risques sont grands de voir les populations, les travailleurs se retourner contre l'intégration européenne, même si c'est pour de mauvaises raisons. Nous espérons être entendus par M. Van Rompuy et M. Barroso, qui nous ont reçus, car le temps presse. Mais nous ne nous faisons pas trop d'illusions.