Pour m'en tenir au diagnostic puis aux recommandations, la zone euro vit aujourd'hui une triple crise : une crise financière liée à l'endettement ; une crise de compétitivité ; enfin, et ce n'est pas la moindre, une crise de la gouvernance.
En ce qui concerne la première, de fait, certains membres sont insolvables, même si l'ensemble de la zone, elle, ne l'est pas. Pour un économiste, la solution est simple : il faut mutualiser la dette publique. Savoir comment – Fonds européen de stabilité financière, Mécanisme européen de stabilité, eurobonds – relève d'un autre débat. Politiquement, le problème est compliqué puisqu'une telle décision revient à engager sa souveraineté budgétaire, exige que l'on se fasse confiance réciproquement et que l'on instaure une structure démocratique de contrôle chargée du suivi et des sanctions.
Pour résoudre la seconde, il convient de trouver comment faire cohabiter au sein d'une seule monnaie, et sans possibilité de dévaluation, des pays se caractérisant par des niveaux et des trends de productivité aussi différents. Là aussi, pour un économiste, la solution est simple : le fédéralisme assorti d'une mobilité du travail et d'un budget commun, à l'instar des Etats-Unis. Les critères de Maastricht, qui devaient conduire à davantage d'homogénéité, n'ont pas suffi. D'abord, ils n'ont pas été respectés. Ensuite, ne figure parmi eux aucun critère de compétitivité – à leur aune, l'Espagne est le bon élève de la classe. Enfin, par insouciance ou inconscience, les marchés financiers ont accepté de prêter peu ou prou au même taux à la Grèce et à l'Allemagne. Il faut donc mutualiser. Sinon, la récession qui nous frappera sera non seulement pénible mais aussi longue et durable. Et quel sera le degré de tolérance et de résistance du corps social ? Ce qui se passe dans le Sud de l'Europe laisse à penser que ce ne sera pas tenable très longtemps.
Aujourd'hui, les investisseurs financiers étrangers sont inquiets, pas tant sur les deux premiers points, puisque des solutions existent, qu'à cause de la gouvernance. La primauté de la politique est essentielle.
Quant aux étapes à franchir, j'en retiens cinq.
Premièrement, reconnaître l'insolvabilité de certains pays et y remédier en réajustant leur dette de manière ordonnée. Il faut en même temps présenter un programme de relance économique pour éviter le cercle vicieux récession, moindres recettes budgétaires, incapacité à rembourser la dette.
Deuxièmement, injecter des liquidités dans les pays solvables mais risquant de rencontrer une crise de liquidité, comme l'Italie ou l'Espagne. Or une crise de liquidité peut être fatale. La Long Term Refinancing Operation (LTRO) annoncée le 21 décembre dernier par la Banque centrale européenne (BCE) va dans le bon sens.
Troisièmement, instaurer un prêteur en dernier ressort. FESF ou MES, quel que soit son nom, et, à moyen terme, les eurobonds devraient être des moyens de résoudre les problèmes de la zone euro, en les assortissant d'outils de contrôle et de sanction.
Quatrièmement, associer au désendettement une dynamique de croissance. Il faudrait que les pays du Nord de la zone relancent leur économie pour favoriser la relance partout ailleurs et contribuer ainsi à la réduction des déficits des pays du Sud.
Cinquièmement, enraciner ces mesures dans une légitimité démocratique et se donner du temps. L'équilibre du monde est devenu moins favorable aux pays occidentaux et il n'existe plus aujourd'hui d'actifs sans risque.
Sortir de la crise prendra du temps, de même qu'il a fallu trente ou quarante ans pour s'endetter à l'excès. Les citoyens et les investisseurs peuvent le comprendre, mais il existe un hiatus entre le temps démocratique et l'immédiateté des marchés financiers.