S'il convient de s'y préparer, c'est que nous ne sommes pas prêts.
Je ne prétends pas que la France soit le pays le moins préparé. Toutefois, il existe un télescopage entre l'État qui pense avoir préparé son dispositif et la confiance, voire la croyance que les Français ont dans l'État, sans pouvoir se rendre compte des incertitudes qui émaillent ce type de crises. On a également évoqué le plan variole : si de graves crises sanitaires survenaient, nous ne serions pas capables de vacciner, dans de brefs délais, 66 millions de Français. Il convient donc de définir des ordres de priorité, ce qui implique que chacun prenne son mal en patience. Vous avez évoqué la faculté de résilience d'un pays : cette question pose, à mes yeux, celle du déficit de communication de l'État, par-delà les alternances politiques, lequel ne parvient pas à éduquer les citoyens sur de tels sujets. Il devrait leur expliquer posément, c'est-à-dire en dehors des périodes de crise, que nous sommes confrontés à des difficultés en matière sanitaire et qu'il conviendra, en cas de crise, de faire face aux événements le mieux possible.
J'ajouterai, puisque, je le répète, j'ai noté une évolution dans votre raisonnement, évolution qui devra se traduire dans les décisions qui seront prises, qu'il faudrait aller jusqu'à expliquer à nos concitoyens qu'il est possible que l'État lance, un jour, une alerte maximale à propos d'un phénomène inquiétant susceptible de se révéler moins grave que prévu et que ce sera toujours mieux que de faire semblant de ne pas voir, comme ce fut le cas du nuage de Tchernobyl ou du sang contaminé. Malheureusement, on n'a jamais réussi depuis à trouver l'équilibre permettant de s'armer contre une menace, tout en acceptant que ce soit en vain, ce qui, après tout, est toujours préférable. Le tout est de savoir adapter le dispositif en cas de diminution de la menace – je pense à ce qui se passe avec le plan Vigipirate.
L'adaptabilité, contrairement à ce que pense le secrétariat général de la défense et la sécurité nationale, ne concernait pas les mesures individuelles mais consistait à reconnaître que la menace pouvait évoluer. J'ai la conviction, monsieur le directeur général, qu'en septembre dernier, avant de lancer la campagne de vaccination, on pouvait reconnaître publiquement que la menace avait diminué et qu'on pouvait restreindre la campagne aux populations à risque, tout en assurant nos concitoyens que la France possédait suffisamment de vaccins pour faire face à une éventuelle mutation du virus. Aucun Français n'en voudrait à quelque gouvernement que ce soit ni, évidemment, à l'administration sanitaire, d'avoir tenté de parer une grave menace sans avoir jamais cherché à le tromper sur la réalité de celle-ci.
Je vous remercie, monsieur le directeur général.
La séance est levée à douze heures trente.