Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du 18 janvier 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Je salue la constance de Jean Dionis du Séjour. Plutôt favorable au fichier positif il y a encore quelques mois, je suis de plus en plus réservé, et donc hostile à l'adoption de ce texte aujourd'hui.

Avant de mettre en place ce type de dispositif, il convient de dresser un bilan de ses avantages et de ses inconvénients. Or les inconvénients de ce texte ne peuvent être négligés. La CNIL a émis des réserves importantes touchant à la question des libertés publiques. Vous proposez de renvoyer le choix de l'identifiant à un décret. Mais s'agissant des libertés publiques, il appartient au législateur de trancher. Le rapporteur socialiste au Sénat avait déjà identifié la difficulté quant à l'utilisation éventuelle d'un fichier, aux interconnexions possibles et au choix du fichier. A l'heure actuelle, on ignore sur quel fichier on s'appuierait. Or l'enjeu est de taille : de 220 000 Français fichés, nous allons passer à 25 millions ! Personnellement, je n'ai pas envie d'être fiché sans connaître l'utilisation qui sera faite de mes données personnelles.

Se pose également la question du coût du dispositif. Le coût pour la Banque de France – 15 à 20 millions d'euros d'investissements et 30 à 35 millions chaque année pour le fonctionnement – n'est pas négligeable, sans compter le coût pour les banques.

Il existe également un risque de démarchage par les banques à partir de ce fichier positif, qui fera aussi apparaître les clients solvables. L'Association française des usagers des banques (AFUB) redoute à cet égard un alourdissement de la tutelle des banques sur leurs clients. S'y ajoute le risque que d'autres professionnels demandent l'accès à ce fichier en dépit des garanties qui seront prises. Je pense par exemple à certains bailleurs.

Il faut aussi poser la question de l'efficacité du dispositif, notamment en matière de crédit renouvelable : si le fichier est mis à jour une fois par mois, il sera inopérant.

Le surendettement est le plus souvent le fait d'un accident de la vie – perte d'emploi, séparation ou décès dans le couple… Les commissions de surendettement vous le diront, les cas pour lesquels le fichier positif pourrait être intéressant restent marginaux. Or la machine que vous nous proposez de mettre en place pour les traiter est impressionnante…

Si le fichier positif était la solution au surendettement, nous devrions constater la disparition de celui-ci chez nos voisins. Or entre 2006 et 2010, le surendettement a augmenté de 50 % en Belgique, pays qui a adopté un dispositif proche de celui que vous proposez, contre 15 % en France ! Le fichier positif n'est donc pas la bonne réponse au surendettement. Cette dernière réside plutôt dans la loi de juillet 2010, qui vient à peine d'entrer en application – les derniers décrets ont été adoptés courant 2011. J'ajoute que l'UFC-Que choisir a fait savoir son hostilité au fichier positif et souhaité que l'on commence par faire le bilan de la loi Lagarde. Celle-ci comporte des dispositifs importants, qui responsabilisent les banques dans la relation avec le client, en les obligeant à lui demander un certain nombre d'informations. Ce dispositif commence à produire ses fruits. Rompons donc avec cette mauvaise habitude qui consiste à adopter un texte sans laisser au précédent le temps de produire ses effets.

M. Lefebvre a proposé de constituer un groupe de travail pour réfléchir au sujet dans le cadre du projet de loi sur la consommation. Continuons donc à travailler sur les libertés publiques et l'efficacité du dispositif. Ce groupe de travail conjoint avec la commission des lois va prochainement se mettre en place. Un groupe de travail équivalent a d'ores et déjà été constitué au Sénat, où les dispositions qui nous sont proposées ont également été écartées. Bref, le sujet n'est pas mûr.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion