La loi du 9 mars 2004 a ainsi permis aux personnes condamnées à une courte peine d'emprisonnement, inférieure ou égale à un an, mais non incarcérées à la suite de l'audience, de bénéficier d'un aménagement de peine dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent.
Deuxième principe : accélérer la mise à exécution des peines en évitant les discontinuités de la chaîne pénale. Cette même loi du 9 mars 2004 a oeuvré pour une mise à exécution plus rapide des courtes peines, en prévoyant que le condamné, s'il est présent à l'audience de jugement, reçoit à l'issue du prononcé du jugement de condamnation une convocation à comparaître dans un délai de trente jours devant le juge de l'application des peines et de quarante-cinq jours devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation.
La mise en oeuvre de cette disposition très importante a été rendue possible par la création des bureaux de l'exécution des peines, qui ont permis d'accélérer la mise à exécution des peines.
Troisième principe : améliorer les conditions de détention. Notre majorité s'est également attachée, depuis plusieurs années, à améliorer les conditions de détention, en les rendant plus dignes et plus respectueuses des droits de l'homme, mais aussi à augmenter les capacités du parc carcéral pour assurer la mise à exécution rapide des peines prononcées. Tel fut notamment l'objet de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 et de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont j'étais le rapporteur.
Quatrième principe : rechercher des conditions d'exécution des peines adaptées aux mineurs. La décennie passée a vu le développement de deux structures emblématiques de la volonté de l'actuelle majorité d'améliorer l'exécution des peines en ce qui concerne les mineurs : les établissements pénitentiaires pour mineurs et les centres éducatifs fermés. Ces deux structures, pour différentes qu'elles soient, offrent un cadre plus adapté à l'exécution des peines des mineurs délinquants et à la prévention de la récidive.
Je suis d'ailleurs très agréablement surpris de constater que, aujourd'hui, ceux-là mêmes qui critiquaient avec véhémence l'instauration de ces structures se répandent en satisfecit à leur sujet. Que n'ai-je pourtant entendu dans cet hémicycle en 2002 !
Notre assemblée est aujourd'hui saisie, en première lecture, du projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines, qui s'inscrit dans la continuité de ces réformes intervenues depuis dix ans, en se fixant pour objectif de renforcer encore davantage l'effectivité de la réponse pénale. En effet, si le chantier de l'exécution des peines a connu, ces dix dernières années, de nombreux succès, il exige une mobilisation permanente des pouvoirs publics.
Le projet de loi que nous allons examiner, qui a été adopté par la commission des lois le 21 décembre 2011, s'inscrit résolument dans cette démarche. Il définit initialement, dans son rapport annexé, trois objectifs, qui façonneront, pendant les cinq prochaines années, notre politique d'exécution des peines. Pour chacun de ces trois objectifs, je vous présenterai les principales mesures prévues, ainsi que les principaux amendements adoptés par la commission des lois.
En outre, la commission a complété le projet de loi par deux points nouveaux, que je présenterai également : le premier, issu d'amendements du président Warsmann, tendant à améliorer l'exécution des peines de confiscation ; le second, inséré à mon initiative, visant à améliorer la prise en compte de la dangerosité. Vous savez que je suis très attaché à cette question, qui m'apparaît être la clé de la réussite pour lutter efficacement contre la récidive.
Le projet de loi, enrichi par les travaux en commission, s'articule donc à présent autour de cinq objectifs principaux, que je reprendrai dans leurs grandes lignes.
Le premier de ces objectifs est de garantir la rapidité et l'effectivité de la mise à exécution des peines prononcées. Afin de répondre à l'augmentation du nombre de peines privatives de liberté et de peines en attente d'exécution, la partie « programmation » du projet prévoit deux mesures.
D'une part, elle entend porter la capacité d'accueil du parc carcéral à 80 000 à l'horizon 2017, objectif que notre collègue Éric Ciotti avait d'ailleurs préconisé dans son rapport de juin 2011 sur l'exécution des peines. Cet accroissement de la capacité du parc carcéral nécessitera la construction, dans les cinq prochaines années, de 24 000 places de prison. Près de 6 000 d'entre elles seront réservées aux courtes peines, au sein de quartiers ou d'établissements qui leur seront exclusivement consacrés.
À mon initiative, la commission des lois a défini ces courtes peines comme étant celles d'une durée inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, ou dont le reliquat est inférieur ou égal à un an.
En ce qui concerne la localisation des futurs établissements pénitentiaires, la commission des lois a ajouté deux précisions à l'initiative de notre collègue Éric Ciotti : en premier lieu, le projet prévoit désormais que la faisabilité d'une reconversion des bâtiments ou des emprises appartenant à la défense nationale devra être évaluée, en vue d'y établir des établissements pénitentiaires, notamment des structures allégées ; en second lieu, le texte adopté par la commission prévoit l'établissement d'une cartographie des besoins de places de prison dans le ressort de chaque direction interrégionale de l'administration pénitentiaire, afin de mettre en adéquation le besoin et l'offre.
D'autre part, la partie « programmation » du projet de loi prévoit de renforcer les services de l'application et de l'exécution des peines à trois niveaux.
Dans cette perspective, ce sont 120 emplois de magistrats et quatre-vingt-neuf emplois de greffiers qui seront créés entre 2013 et 2017.
Ensuite, le renforcement du parcours d'exécution de la peine passera par la généralisation des bureaux de l'exécution des peines, que le président Jean-Luc Warsmann et notre collègue Étienne Blanc avaient déjà préconisée en 2007 dans le cadre du premier rapport de la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale créée par notre commission pour toute la durée de la XIIIe législature.
À terme, chaque juridiction possédera un bureau d'exécution des peines, y compris les cours d'appel. Les plages horaires d'ouverture de ces bureaux seront d'ailleurs élargies. Et ce sont 207 emplois de greffiers et d'agents de catégorie C qui seront créés à cette fin. Inutile d'épiloguer pour démontrer toute l'importance de cette mesure.
Il en va de même avec la généralisation des bureaux d'aide aux victimes. Depuis dix ans, nous avons fait progresser à juste titre les droits des victimes dans les différentes phases de l'enquête, de l'instruction et du procès pénal. Il est évidemment indispensable de faire progresser également la situation des victimes au niveau de l'exécution des peines. C'est notamment pour cela que le rapport annexé au présent projet de loi prévoit la généralisation, de 2013 à 2017, des bureaux d'aide aux victimes chargés d'informer, d'accompagner et d'orienter les victimes d'infractions pénales.
Le plan national de prévention de la délinquance et de l'aide aux victimes 2010-2012 a déjà prévu la création de cinquante bureaux d'aide aux victimes, et 140 seront donc créés dans le cadre de la présente programmation. C'est une mesure essentielle à laquelle je suis particulièrement sensible, ayant oeuvré depuis longtemps en faveur de la progression de la situation des victimes. Ce n'est pas du populisme que de s'occuper d'elles, c'est tout simplement de la justice.
Le deuxième objectif de ce texte est de renforcer les moyens de lutte contre la récidive. Le projet de loi s'y attache de deux manières : en améliorant l'évaluation du profil des personnes condamnées, d'une part ; en renforçant le suivi des personnes placées sous main de justice, tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé d'autre part.
Afin d'améliorer l'évaluation du profil des personnes condamnées, deux mesures sont prévues : remédier à la pénurie d'experts psychiatres, et compléter l'expertise psychiatrique. La pénurie d'experts psychiatres est un point très important sur lequel j'attire depuis longtemps l'attention. On demande de plus en plus aux experts psychiatres alors qu'ils sont de moins en moins nombreux.
Il est urgent de remédier à cette évolution. L'article 7 du projet de loi met en place une incitation financière forte à l'intention des internes en psychiatrie, qui pourront bénéficier d'une allocation mensuelle pendant la durée de leurs études. En contrepartie, une fois qu'ils seront devenus médecins, ils devront exercer dans des zones géographiques caractérisées par un manque d'experts psychiatres et demander à être inscrits sur les listes d'experts et de médecins coordonnateurs.
À mon initiative, la commission des lois a adopté un amendement complétant ce dispositif intéressant, en prévoyant que les bénéficiaires de la bourse devront également suivre une formation en sciences criminelles, en psychiatrie criminelle ou en psychologie légale. Cela permettra, d'une part, de susciter des vocations, et, d'autre part, de compenser la faible expérience de ces jeunes praticiens – qui pourrait être un obstacle à leur inscription en tant qu'expert ou médecin coordonnateur – par le suivi d'une formation adaptée.
Ce dispositif est certainement un progrès mais il ne sera pas, à mon sens, suffisant, et je sais que M. le garde des sceaux est particulièrement attentif à cette question qui nécessitera certainement d'autres développements ultérieurs.
Il s'agit ensuite de compléter l'expertise psychiatrique qui est au coeur de l'évaluation de la dangerosité des personnes condamnées, par l'usage d'autres instruments destinés à enrichir la connaissance de la personnalité des auteurs d'infractions. Sont ainsi prévues la création de trois nouveaux centres nationaux d'évaluation et la généralisation du diagnostic à visée criminologique.
En effet, c'est surtout grâce à des approches pluridisciplinaires menées dans le temps que la personnalité réelle du détenu sera la mieux appréhendée. Cent trois emplois de psychologues sont programmés à l'appui de la généralisation du diagnostic à visée criminologique et cinquante emplois en relation avec la création des trois nouveaux centres nationaux d'évaluation.
Renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice, tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé, constitue le deuxième axe de lutte contre la récidive. En milieu fermé, le dispositif d'incitation aux soins sera renforcé. L'article 5 du projet de loi prévoit que le juge de l'application des peines pourra retirer des crédits de réductions de peine et décider de ne pas octroyer de réduction de peine supplémentaire et de libération conditionnelle aux condamnés qui ne suivent pas de façon régulière le traitement proposé par le juge. C'est tout à fait logique, dès lors que l'une des premières conditions de la réinsertion – le suivi d'un traitement médical – n'est pas respectée.
Dans sa rédaction initiale, l'article 5 prévoyait que le médecin traitant adresserait directement au juge de l'application des peines des attestations lui permettant d'établir si le patient suivait régulièrement son traitement. J'ai estimé que la mise en place d'une telle procédure n'était pas nécessaire. À l'heure actuelle, c'est le détenu lui-même qui transmet au juge les attestations fournies par son médecin : c'est son intérêt, car, dans le cas contraire, le juge sait à quoi s'en tenir. Lors de l'examen du projet de loi, la commission des lois a adopté l'amendement que j'avais déposé en vue de revenir au dispositif antérieur, afin d'assurer au médecin comme au patient des conditions de confidentialité sans lesquelles les soins seraient d'une efficacité moindre.
Par ailleurs, l'article 5 a été complété pour prévoir que la décision de condamnation et les différentes expertises médicales réalisées au cours de la procédure pénale seront adressées par le juge d'application des peines au médecin traitant, lorsque celui-ci en fait la demande.
Sur ce point, je présenterai un amendement visant à améliorer encore l'information des médecins assurant les soins pénalement ordonnés par la juridiction, quel que soit le cadre procédural dans lequel ces soins interviennent : contrôle judiciaire, sursis avec mise à l'épreuve, suivi socio judiciaire ou en milieu fermé. Il est en effet très important que le médecin traitant soit mieux informé de la personnalité du délinquant qu'il est amené à suivre.
En milieu ouvert, afin de renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice, les fonctions de médecin coordonnateur seront rendues plus attractives, tandis que les services pénitentiaires d'insertion et de probation seront renforcés et mieux organisés.
Dans cette perspective, l'article 4 du projet de loi de programmation confie prioritairement au secteur associatif habilité la réalisation des enquêtes pré-sentencielles, afin de recentrer les fonctions de conseiller d'insertion et de probation sur le suivi des personnes condamnées et la prévention de la récidive.
À mon initiative, la commission des lois a apporté un correctif à ce dispositif, afin d'anticiper toutes les situations dans lesquelles le juge pourrait se trouver dans l'impossibilité concrète de confier ces enquêtes à une association et de lui permettre, dans ce cas, de confier l'enquête au service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Le troisième objectif de ce texte est d'améliorer la prise en charge des mineurs délinquants. Dans son rapport annexé, le projet comprend un troisième volet consacré à l'amélioration de l'exécution des peines pour les mineurs. Dans cette perspective, deux leviers seront actionnés au titre de la présente programmation pour 2013-2017 : d'une part, l'article 9 du projet de loi prévoit de ramener à cinq jours ouvrables les délais de convocation devant les services de la protection judiciaire de la jeunesse sur l'ensemble du territoire ; d'autre part, la capacité d'accueil des centres éducatifs fermés sera augmentée, puisque vingt nouveaux centres seront créés. L'article 8 permettra d'accélérer leur ouverture. Par ailleurs, les centres éducatifs fermés bénéficiant de moyens renforcés en santé mentale pour prendre en charge les mineurs souffrant de troubles du comportement seront développés.
Le quatrième objectif est d'améliorer l'exécution des peines de confiscation. La commission des lois a adopté, à l'initiative du président Jean-Luc Warsmann, cinq articles additionnels, les articles 9 bis à 9 sexies, contenus dans un nouveau chapitre III relatif à l'exécution des peines de confiscation.
L'objet de ces articles est de faciliter l'exécution des peines complémentaires de confiscation, dans le prolongement de l'adoption de la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, et de l'audition par la commission des lois, le 30 novembre 2011, de la directrice générale de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
Je me félicite de l'ajout de ces articles, adoptés à l'unanimité par la commission des lois, comme l'avait d'ailleurs été, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, la loi du 9 juillet 2010. Ils permettront d'améliorer encore l'efficacité, redoutable pour les délinquants, des mesures de saisie et confiscation. Ce sont vraiment d'excellentes mesures.
Le cinquième objectif est de mieux prendre en compte la dangerosité des personnes placées sous main de justice. J'ai souhaité que le rapport annexé soit complété par un volet relatif au renforcement de l'évaluation de la dangerosité psychiatrique et criminologique des personnes placées sous main de justice. En octobre 2006, j'ai rendu au Premier ministre un rapport de mission intitulé Réponses à la dangerosité. Plusieurs de ses vingt et une propositions ont été reprises par des lois postérieures, mais, il reste encore à faire, et j'ai donc insisté sur deux points contenus dans le rapport annexé : il faut encourager les universités et les écoles des métiers de la justice à donner à la criminologie une plus grande visibilité dans leurs programmes de formation, tant initiale que continue, afin de répondre aux besoins de terrain de l'ensemble des praticiens ; et il faut intégrer les méthodes actuarielles dans les outils et méthodes permettant aux praticiens d'émettre des avis circonstanciés, fondés sur des critères objectifs et précis.
Monsieur le garde des sceaux, vous savez que je plaide depuis longtemps pour que soit créé un nouveau cursus de formation en psychocriminologie. Des milliers d'étudiants en psychologie souffrent d'un manque de débouchés : avec cette spécialité, ils auraient une nouvelle et très intéressante ouverture. Cela permettrait aussi de répondre à la pénurie d'experts psychiatres, dont j'ai déjà parlé. En réalité, nombre d'expertises ne concernent pas la psychiatrie mais plutôt la psychocriminologie qui, pour l'instant, n'existe toujours pas en France, qui est pourtant le berceau de la criminologie. Le 21 septembre 2011, j'ai déposé une proposition de loi tendant à la création d'une école de psychocriminologie et portant sur diverses mesures relatives à l'évaluation de la dangerosité. Je ne doute pas que, au cours de la prochaine législature, nous y parviendrons.
Par ailleurs, j'aurais souhaité pouvoir présenter un amendement tendant à donner aux juridictions de l'application des peines la possibilité, à titre facultatif, de solliciter une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité réalisée au sein de l'un des centres nationaux d'évaluation et de saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour toute personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio judiciaire est encouru. Malheureusement, l'amendement que j'avais déposé en commission a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Une telle mesure aurait pu permettre aux magistrats de l'application des peines de faire évaluer une personne dont ils pensent qu'elle peut être dangereuse mais qui n'entre pas dans le champ d'application de l'évaluation obligatoire. Elle aurait aussi permis de faire fonctionner à plein régime ces commissions pluridisciplinaires qui sont un des maillons essentiels du dispositif d'évaluation de la dangerosité.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous rappelle que ce programme en faveur de l'exécution des peines vient parachever l'ensemble du dispositif législatif et budgétaire mis en place par le Gouvernement et le Parlement depuis près de dix ans. Rapporteur du budget pour avis depuis cette époque, je note les considérables efforts menés par notre majorité pour donner des moyens à la justice.
L'exécution des peines constitue la véritable finalité de la justice pénale. Il en va de l'ensemble de la cohérence du système si elle n'atteint pas ce but.
Notre majorité a, une fois encore, pris à bras-le-corps cet imposant chantier grâce au Président de la République et au Gouvernement qui ont décidé de la priorité qu'il convenait de donner à l'exécution des peines.
Je me suis attaché à détailler l'impact financier de l'engagement que nous prendrons dans ce domaine pour les cinq prochaines années.
Ce sont près de 7 000 emplois équivalents temps plein qui seront créés et l'État consacrera plus de 3,5 milliards d'euros en investissements et dépenses de personnel. J'espère vraiment que l'opposition se montrera constructive au cours du débat et prendra conscience du bien-fondé de cet engagement.
Les attentes de nos concitoyens sont très fortes. Poursuivons notre mobilisation. Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous inviter, au nom de la commission des lois, à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)