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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 19 janvier 2010 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, co-rapporteur :

J'arrive aux conclusions opposées parce que les trois critères de déclenchement de la protection temporaire ne sont pas remplis.

L'Union européenne n'a pas mis en oeuvre le statut de protection temporaire depuis dix ans parce que ses Etats membres n'ont pas eu à faire face à un afflux massif et soudain de personnes déplacées comme celui qu'elle a connu au moment de la crise du Kosovo.

Bien qu'ayant le plus grand nombre de réfugiés dans le monde (2,8 millions fin 2008), l'Afghanistan n'est pas justiciable de ce statut de protection temporaire parce que 96 % des réfugiés afghans vivent au Pakistan et en Iran. Le flux de demandeurs d'asile afghans vers l'Union européenne est proportionnellement limité par rapport aux autres demandes d'asile présentées dans l'Union européenne, puisqu'il s'élève à 9.135 au premier semestre 2009, soit au troisième rang après l'Iraq (9.570) et la Somalie (9.190), deux autres pays en guerre.

Or au premier semestre 2009, l'Union européenne a enregistré 118.126 demandes d'asile et la France 19.416, la plaçant au premier rang des pays de l'Union européenne. La pression ne provient pas d'une augmentation de la demande afghane. C'est le cas en France où les cinq premières nationalités pour la demande d'asile en 2009 sont la Russie, la Serbie, le Kosovo, la Turquie, le Sri Lanka et la République démocratique du Congo. En 2009, 702 Afghans ont demandé l'asile en France et le nombre d'Afghans placés sous la protection de notre pays et relevant de l'OFPRA s'élève à 1.504.

Sur le plan juridique, les deux premiers critères de déclenchement d'une protection temporaire définis par l'article 2 de la directive de 2001, ne sont pas actuellement remplis : il n'est pas constaté d'afflux massifs ou imminents d'Afghans dans l'Union européenne ; les flux actuels en provenance de ce pays ne submergent ni ne désorganisent le système d'asile d'aucun Etat membre. Le troisième critère relatif à l'impossibilité du retour dans des conditions sûres et durables en raison de la situation régnant dans le pays d'origine n'est pas non plus rempli.

Ni la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), ni les Nations unies n'ont, jusqu'à présent, constaté une violence généralisée et d'une intensité telle qu'elle interdirait l'éloignement de tout Afghan vers son pays. Ni la Commission européenne ni aucun Etat membre n'ont proposé le déclenchement de la protection temporaire en faveur des déplacés afghans, parce que les trois critères ne sont pas remplis. Si la France demandait son déclenchement, il est probable qu'elle ne trouverait pas une majorité qualifiée d'Etats membres pour la suivre et qu'elle serait assez isolée.

Je rejoins toutefois M. Caresche sur un point : la prochaine mise en oeuvre du régime d'asile européen commun pourrait être l'occasion de définir un régime de protection particulier pour un pays en guerre comme l'Afghanistan. Il faut d'ailleurs rappeler que ce régime d'asile européen commun avait été initié sous la présidence française de l'Union européenne.

En conclusion, je propose de rejeter la proposition de résolution européenne pour trois motifs : les trois critères du déclenchement de la protection temporaire ne sont pas remplis ; la France serait isolée au Conseil si elle le demandait ; enfin, les jeunes d'un pays où plus de 100 000 ressortissants étrangers se battent et risquent leur vie pour la liberté de ce pays, ne doivent pas aller ailleurs mais doivent se battre à leurs côtés pour défendre cette liberté.

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