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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 8 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Après l'article 16, amendement 176

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

Je ressens la réticence du Gouvernement à taxer les grandes sociétés. Il s'agit là de la même philosophie que celle qui a présidé au rejet de l'amendement sur lequel je n'ai pas eu la parole.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez été surpris de la virulence avec laquelle j'ai réagi : je ne la regrette absolument pas. Vous devez savoir que vous êtes au moins le sixième ministre à me répondre que, pour faire adopter le principe d'une taxe – non pas la taxe elle-même, mais seulement son principe –, ce n'est pas le bon texte ! Ce n'est jamais le bon véhicule législatif, qu'il s'agisse du collectif budgétaire, de la loi TEPA, de la loi de finances, du budget de l'outre-mer ou, enfin, du présent projet de loi pour le développement des outre-mer ! Alors qu'une dérogation au code minier – car il s'agit de cela – a été adoptée en 1999 en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, vous la refusez aujourd'hui en faveur de la région Guyane, bien qu'il s'agisse du même cas de figure et des mêmes dispositions, sous prétexte que taxer une entreprise qui ne réalise pas encore de profits risquerait de la décourager. Dois-je vous rappeler que cette taxe porterait sur l'exploitation du pétrole et non sur sa prospection, laquelle a commencé depuis sept ans déjà, et que les entreprises elles-mêmes demandent que la situation soit enfin clarifiée ? Elles ont compris que, même si je dois revenir cent fois à la charge pour la création de cette taxe, je le ferai ! C'est pourquoi elles préféreraient une décision stable. Vous avez du reste tort de croire que les entreprises demandent systématiquement à être exonérées d'impôts : elles savent que si elles doivent faire des profits, la fiscalité n'en est pas moins un dispositif tout à fait normal de contribution aux charges communes et de redistribution des profits.

Arrêtez donc de prétendre qu'il est impossible d'adopter cette mesure sous prétexte qu'elle risquerait d'entraîner le départ des entreprises. Un État qui se respecte ne passe pas son temps à refuser de prendre les décisions régaliennes qui lui incombent par crainte de faire partir les entreprises.

En ce qui concerne cette taxe exceptionnelle, nous avons entendu l'argument selon lequel elle finirait par peser sur le consommateur. En effet, ce risque n'est pas à exclure, compte tenu du décret de 2003. Il conviendrait donc de le modifier : je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous en êtes persuadé. Nous avons reçu, sur le sujet, ces derniers jours, dans le cadre de différentes réunions, des éléments d'information dont l'Assemblée n'a pas connaissance : il apparaît que la position, les engagements et l'attitude de l'État sont des variables, et si, assurément, le risque de faire peser cette taxe sur le consommateur existe – un risque qu'il est hors de question que nous prenions –, c'est qu'il est tout à fait anormal que la taxe soit introduite dans les charges. Il est anormal, en effet, qu'un grand nombre de charges pèsent sur le consommateur. C'est une anomalie inacceptable, même si elle se vérifie pour les frais amont, pour les frais de trading, pour les frais de stockage de produits raffinés importés ou pour les frais de maintenance qui sont, en réalité, assurés par les gérants de la distribution et qui apparaissent dans les prix de la SARA. La composition des prix laisse donc apparaître tout une série d'anomalies, qu'il conviendra de corriger.

De la même façon qu'on a taxé Total afin de répartir ses profits, qui étaient abusifs, de la même façon on doit pouvoir taxer une société qui fait des profits dans les conditions où elle les fait.

Toutefois, la situation n'étant pas clarifiée, je ne prendrai pas le risque de faire adopter maintenant cette taxe. Vous devez vous presser pour modifier le décret de 2003 : c'est la crédibilité de l'État qui est en cause, puisqu'il a toutes les informations nécessaires. Vous évoquez la mission d'inspection : je vous rappellerai que les élus guyanais sont venus à Paris le 22 octobre dernier vous interroger sur la SARA, que vous leur avez promis la création d'une mission, qu'elle n'a pas été créée dans l'immédiat et qu'il a fallu un mouvement de mobilisation en Guyane pour obtenir sa création. Nous avons dû obliger l'État à dépasser ses craintes à l'égard des grandes compagnies !

Nous voulons obtenir rapidement une réponse : sinon, sachez-le, nous reviendrons très vite à la charge afin de trouver le bon véhicule législatif. Nous savons du reste que la bataille ne se mène pas seulement ici : c'est pourquoi nous la mènerons sur tous les fronts, pour aboutir avant la fin du semestre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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