Je le dis aux milliers d'internautes qui assistent à ce débat grâce à l'Internet, qui n'est pas encore totalement filtré. C'est un non-sens absolu, une architecture ubuesque que la plupart des États autocratiques sentent eux-mêmes, et heureusement, hors de portée.
Il y a donc une disproportion totale entre cette confiscation des libertés numériques et les buts que vous poursuivez.
Le catalogue des idées fausses pourrait s'arrêter là. Patrick Bloche a évoqué les réactions européennes, je voudrais pour ma part évoquer la propagande abondante qui s'est abattue sur nous depuis quelques semaines. Elle prend la forme d'incroyables sophismes comme celui-ci : « La création va mal – c'est vrai ; le téléchargement, c'est le mal – ce qui est moins vrai ; donc, combattre le piratage, c'est faire du bien à la culture. » J'y vois une forme de jdanovisme mondain qui renseigne surtout sur la pauvreté de l'inspiration actuelle de notre politique culturelle.
Mais venons-en à nos propositions. Le temps est venu d'écrire les nouveaux droits d'auteur de l'âge numérique. Par un grand débat ici, puis par un débat international, et non par un faux consensus forcé, fût-il dicté par l'Élysée.
Où se situent les vraies priorités ? Nul ne conteste la nécessité de règles. Mais tout indique qu'elles doivent régir en priorité les rapports économiques, que vous avez laissés à l'état de jungle, entre les auteurs, les artistes – dont les interprètes –, les producteurs, les éditeurs, les géants du commerce informationnel et des réseaux de communication. Là, plus que dans ce que vous nommez « piratage », se trouve le triangle des Bermudes qui engloutit les droits des créateurs, le respect dû aux oeuvres de l'esprit et leur rémunération.
La bataille principale ne doit plus être livrée contre le piratage mais contre le contrôle des principaux canaux de diffusion de la musique, et demain du cinéma. Aujourd'hui, Apple a conquis la première place, presque monopolistique.
Il faut lever les blocages. Les créateurs et les artistes sont mal rémunérés dans les partages qui s'instaurent. Sur iTunes, près de 80 % des recettes vont au producteur et une petite minorité aux artistes ! La valorisation via l'offre commerciale ne décolle pas. En effet, les éditeurs peinent pour accéder aux catalogues à des prix décents, et le coût des bandes passantes facturé par les opérateurs de télécoms empêche les nouveaux modèles d'être rentables. Nombre d'artistes entreprennent d'ailleurs de se produire eux-mêmes pour échapper à ce qu'ils considèrent comme un racket.