Défendre la création et les droits d'auteur, nous y sommes tous attachés. Ce qui nous oppose, c'est que certains cherchent à reproduire un modèle obsolète, celui des supports matériels, en le transférant sur le support immatériel de l'Internet, mission évidemment impossible. Pour protéger la création et l'exception culturelle française ainsi que les droits d'auteur, il faut innover en tenant compte des nouveaux outils technologiques.
J'admire l'empressement de nos collègues de l'UMP à jeter aux orties la loi DADVSI de 2006, loi qui devait tout régler et qu'ils ont défendue avec le même enthousiasme qu'aujourd'hui la loi HADOPI, laquelle, de nouveau, réglera tout...
La réalité, c'est que les jeunes, comme les moins jeunes, achètent de moins en moins de CD. Ou ils téléchargent ou ils écoutent, de plus en plus, en ligne. Se fonder sur les baisses de vente de CD pour expliquer que l'industrie musicale est en crise est un non-sens, voire une tromperie.
En 2004, le Conseil constitutionnel déclarait : « Les données ainsi recueillies ne pourront, en vertu de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire. » Votre projet de loi prévoit de passer outre et de transférer ce qui relevait des procédures judiciaires à une autorité administrative. Voilà le premier point de désaccord qui nous conduira à voter l'exception d'irrecevabilité défendue par le groupe SRC.
Deuxièmement, comme vous ne pouvez plus rester dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la contrefaçon, vous inventez une sanction pour manque de surveillance de la connexion Internet, avec l'obligation de sécuriser sa ligne, ce qui revient à une inversion de la preuve de responsabilité. Si, au sein d'une famille, les enfants téléchargent illégalement, il est normal selon vous, madame la ministre, que la famille soit responsable. Permettez-moi de vous soumettre un autre exemple, celui d'une famille qui est munie d'une live box – l'adresse IP étant celle de la live box – et dont les enfants majeurs téléchargent sur un ordinateur indépendant mais relié à la live box. En droit, madame la ministre, il faut une enquête de police pour identifier l'auteur d'un délit. Avec ce texte, vous décidez, bien que les enfants soient majeurs, que les responsables seront les parents. Une telle disposition est en contradiction avec notre droit.
Troisièmement, ce texte introduit une rupture d'égalité – Patrick Bloche l'a démontré – entre les internautes dont la ligne sera coupée, soit parce qu'ils ne disposent que d'une ligne Internet, soit parce que leur ligne est totalement dégroupée, et ceux qui seront épargnés parce qu'une coupure de la connexion entraînerait en même temps celle du téléphone et de la télévision. Inégalité entre internautes, d'une part ; inégalité territoriale, de l'autre.
L'inégalité existe également entre les ayants droit. Seuls les sociétés qui perçoivent les droits ou les organismes professionnels pourront saisir la commission de protection des droits. Quant aux petits ayants droit, ils n'auront pas forcément les moyens de le faire.