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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 20 décembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de reprendre l'une des dernières phrases de Charles-Amédée de Courson, car je ne sais pas par quel miracle vous allez trouver ces sommes. Pouvez-vous donc nous confirmer – ou infirmer – qu'il y aura bien une nouvelle loi de finances rectificative qui nous fera nous retrouver dès le début de l'année prochaine ?

Pour en revenir à notre texte, je commencerai par une citation de Patrick Artus, qui est, non pas un horrible gauchiste, mais un économiste reconnu de l'école libérale. Écoutez bien, madame la ministre, car, après tout, vous pourriez faire usage de ses conseils : « Il existe des freins substantiels à la croissance : la hausse des prix des matières premières ». Jusque-là, je pense que vous êtes d'accord ! Il évoque ensuite « les faibles perspectives de hausse salariale avec la montée du chômage ». C'est bien Patrick Artus qui dit cela, et non pas Pierre Laurent ou Jean-Luc Mélenchon. (Sourires.) Il poursuit en évoquant « un partage de la valeur ajoutée défavorable aux salariés ». C'est ce que nous disons depuis bien longtemps. Il évoque aussi « la très faible progression des crédits et, enfin, la réappréciation de l'euro depuis quelques mois. Sans oublier non plus les politiques budgétaires restrictives ». On parle de vous, madame Pécresse ! Et il portait l'estocade contre vos politiques en ajoutant : « La croissance sera donc insuffisante pour réduire les déficits publics ». Patrick Artus n'est pas connu pour ses dons de divination. Vous reconnaîtrez tout de même qu'il visait juste quant aux conséquences prévisibles et désastreuses de vos politiques budgétaires.

Après trois sommets européens, lors desquels les chefs d'État ont capitulé face aux puissances de l'argent et aux spéculateurs qui parient sur la misère des peuples européens, et deux plans d'austérité prenant aux personnes les plus défavorisées et aux classes moyennes 18 milliards d'euros de pouvoir d'achat, l'INSEE vient d'annoncer les vendredi 16 et lundi 19 décembre derniers deux statistiques parlantes sur la situation de notre pays.

Cet institut public prévoit une récession au quatrième trimestre 2011 et au premier trimestre 2012 et annonce un taux de chômage au-delà de 10 % pour l'année à venir. Voilà la situation dans laquelle nous plongent dix ans de gouvernement UMP et cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy. La France est exsangue, les inégalités de revenus se creusent chaque jour un peu plus, notre pays compte 8,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et la France est lourdement endettée à cause des dizaines de milliards d'euros de cadeaux fiscaux que vous faites chaque année aux plus riches de ce pays.

Pourtant, d'autres politiques sont possibles. C'est ce que vous a démontré la majorité de gauche au Sénat, parlementaires communistes, républicains et citoyens en tête – ou avec, c'est selon –, par les modifications apportées au projet de loi de finances initiale pour 2012. J'ai d'ailleurs noté tout à l'heure que le rapporteur général disait en substance que les sénateurs avaient été assez sages. J'attends donc avec gourmandise la suite de la discussion pour voir, madame la ministre, ce que vous allez retenir des propositions sénatoriales.

Celles-ci ont permis d'obtenir 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires – je suis d'ailleurs étonné que votre esprit inventif ne les ait pas trouvées plus tôt – en rétablissant l'impôt de solidarité sur la fortune, en taxant les rémunérations des traders, en mettant en cause les prélèvements libératoires et en diminuant de moitié le crédit d'impôt sur les dividendes, sans que cela pèse sur les classes défavorisées, ni même sur les classes moyennes.

Pourtant, madame la ministre, vous refusez pour l'instant d'écouter et d'adopter ces autres propositions, alors qu'elles permettraient d'obtenir 10 milliards d'euros de recettes de plus que vos deux plans d'austérité cumulés, sans qu'il en coûte à la France d'en bas par des augmentations sournoises de la TVA sur des produits de première nécessité ou encore par une taxation scélérate des complémentaires santé – qui met davantage encore en péril l'accès aux soins de nos concitoyens, alors qu'en 2011 un Français sur trois a renoncé aux soins à cause de soucis financiers.

Puisque nous sommes à la veille de Noël, c'est-à-dire dans une période propice au rêve, imaginons que je sois le dirigeant d'une agence de notation. Eh bien, je vous mettrais sans hésitation, pour votre gestion des finances publiques, la note maximale, un AAA, celui de l'austérité autoritaire la plus antisociale. (Sourires.)

Pour cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011, quatrième du nom, le Gouvernement va adopter une stratégie identique à celle employée la semaine dernière. Le rapporteur général va nous proposer toute une série d'amendements destinés à rétablir ce texte dans la version initialement souhaitée par le Gouvernement, au mépris le plus total du débat démocratique. Ces amendements seront certainement votés sans hésiter par les députés de la majorité.

D'ailleurs, quand je vous regarde, mes chers collègues, avec toute l'amitié et l'affection que j'ai pour vous, vous me faites penser aux moutons de Panurge. Heureusement, vous avez un bon berger, le rapporteur général, qui veille, quand vous avez des velléités, à ce que vous restiez dans le rang.

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