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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 7 mai 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Hormis l'article 10 bis A, consacré au droit d'auteur des journalistes, cet article est le dernier grand article de ce projet de loi. L'article 5, autre article contesté, a été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées ; il ne revient donc pas devant nous

Plus que jamais, en particulier à la lumière des événements qui se sont déroulés à TF1, nous devons affirmer dans la loi que la HADOPI ne doit pas surveiller les correspondances privées. Aujourd'hui, il ne faut pas que nous terminions notre débat sans avoir assurer collectivement et unanimement à nos concitoyens internautes que l'on n'ouvrira pas leur courrier électronique.

Pour faire simple, si l'on prenait notre courrier dans notre boîte aux lettres pour le lire avant de l'y remettre, nous réagirions tous mal. Or c'est un peu la même chose. Il faut donc empêcher que le courrier électronique ne soit ouvert et lu, car de tels procédés bafoueraient le principe de la confidentialité de la correspondance privé.

L'article 6 détermine, en quelque sorte, le champ d'action de la HADOPI. Il est très joliment présenté dans le rapport sous l'intitulé suivant : « Obligation et contrepartie pour l'abonné à Internet de veiller à ce que son accès ne soit pas utilisé dans le non-respect des droits d'auteurs et voisins. » Il pose selon nous trois problèmes.

Tout d'abord, nous considérons qu'en l'état, il s'attaque aux libertés individuelles, en permettant une surveillance trop généralisée de la correspondance privée. En 2004, le législateur, en votant la loi sur la confiance dans l'économie numérique, avait bien veillé à définir les différentes modalités des communications électroniques, pour éviter, notamment, de soumettre la correspondance privée au même régime que les autres formes de communications électroniques comme les services audiovisuels ou le web. J'ai encore en mémoire nos débats dans cet hémicycle. Or le présent projet de loi abolit cette frontière, ouvrant la porte à des dérives que la défense du droit d'auteur ne saurait justifier.

Ensuite, cet article encourage la généralisation du cryptage des échanges pour éviter que l'on puisse lire le contenu des messages, avec tous les problèmes que cela pose pour le dépistage d'infractions autrement plus graves que le téléchargement illégal comme le terrorisme ou la pédopornographie. Incidemment, il s'agit aussi d'un vrai souci pour les opérateurs qui, n'ayant plus de visibilité sur l'écoulement de leur trafic, auront du mal à dimensionner leur réseau.

Enfin, l'article 6 engendre des coûts considérables pour la surveillance des échanges, laquelle nécessite l'implémentation au niveau des équipements d'accès, soit aujourd'hui dans les milliers de noeuds de raccordements d'abonnés, les NRA, où sont installés ces équipements de type DSLAM, d'une technologie intrusive consistant à analyser chaque paquet Internet pour déterminer ce qu'il contient. Au bas mot, on parle d'une dépense d'une centaine de millions d'euros par opérateur, ce qui va alourdir considérablement les coûts supportés par l'État.

Nous sommes donc opposés à cet article.

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