Le dépôt de cet amendement par le rapporteur général a fait sourire notre groupe. Car une question se pose, comme souvent lorsque le Président de la République est à l'initiative : comment financer sa dernière idée ? En effet, le Centre national de la musique fait l'objet d'une attention toute particulière de la part du Président, sans doute parce qu'il correspond, au départ, à une demande forte des majors, autrement dit des trois grands groupes qui produisent de la musique enregistrée.
Je ne mets pas en cause la qualité du travail conduit par notre collègue Franck Riester, avec Didier Selles, Alain Chamfort et un certain nombre d'autres personnalités. Le rapport est une base de réflexion intéressante. Mais si nous en sommes aujourd'hui à évoquer la création d'un centre national de la musique, c'est simplement que le dispositif répressif dit « HADOPI » a totalement échoué dans ses objectifs. Il y a deux ans, on nous avait vendu HADOPI comme étant la solution miracle qui allait tout résoudre en modifiant les usages de nos concitoyens dans leur accès aux contenus culturels à l'ère numérique.
Parce que la HADOPI n'a pas produit les effets escomptés, nous voilà en train de débattre de la création d'un Centre national de la musique ! C'est aborder sous une forme institutionnelle – ce qui est regrettable – une vraie question, et la seule qui vaille : comment financer la création, rémunérer le droit d'auteur et les droits voisins, à l'ère numérique ?
Le rapporteur général a rappelé, à juste titre, que se pose un problème qui n'est pas secondaire : comment va-t-on financer ce CNM puisque, de mémoire, compte tenu des structures déjà subventionnées qui sont regroupées, le besoin de financement, qui n'existe pas à l'heure actuelle, est de 70, 80 ou 90 millions d'euros ?
Évidemment, la tentation est grande de déshabiller Pierre pour habiller Paul, et certains regardent avec convoitise les 50 millions d'euros que représentent, chaque année, les 25 % de la rémunération pour copie privée, attribués au financement d'environ 5 000 manifestations culturelles sur tout le territoire.
Mais le vote assez exceptionnel d'hier sur le projet de loi concernant la rémunération de la copie privée – avec 490 voix pour et une voix contre, sur 494 votants – montre l'attachement de la représentation nationale à la rémunération pour copie privée et aux 25 %, car nous en voyons les effets : c'est souvent ce qui permet de boucler le budget d'une petite manifestation culturelle dans nombre de territoires ruraux.
S'agissant du CNC – le Centre national du cinéma et de l'image animée –, le rapporteur général a rappelé que le Gouvernement avait pris l'initiative de plafonner ses ressources à 700 millions d'euros. La réforme, que nous avons votée, de la TST – la taxe sur les services de télévision – va produire 770 millions d'euros ; de ce fait il y a un surplus de 70 millions d'euros, qui est tombé dans les caisses de l'État.
Cette façon de détourner d'un objectif culturel une taxe sur les services de télévision pour l'affecter au budget de l'État, fragilise, selon nous, au niveau communautaire, le financement du cinéma et de la production individuelle dans notre pays, financement vertueux puisque ce n'est pas le contribuable qui est sollicité mais le spectateur.
Le problème essentiel que pointent l'amendement du rapporteur général, la réponse de la ministre et la négociation qui s'ensuit, c'est qu'on lance une idée dans la précipitation, à six mois d'une élection, avec les arrière-pensées électorales que l'on peut deviner, sans penser au financement, sans même se demander s'il faut seulement aider la musique enregistrée, ou l'ensemble de la musique, y compris lorsqu'il s'agit de spectacle vivant.