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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 23 novembre 2011 à 21h45
Rémunération pour la copie privée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

…compte tenu du sort que la commission des finances, à l'initiative de son rapporteur général, Gilles Carrez, vient de réserver aujourd'hui aux 2,5 millions prévus par le projet de loi de finances rectificative pour 2011 pour financer sa mission de préfiguration. Avec une subvention réduite comme une peau de chagrin – 500 000 euros –, on peut dire que ce centre a du plomb dans l'aile.

Nous sommes inquiets, mes chers collègues, des diverses propositions qui circulent sans être ni confirmées, ni infirmées, sur les modalités du financement de la culture dans notre pays. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n'est jamais de bonne politique en ce domaine et les annonces précipitées lancées par l'exécutif, avec les arrière-pensées électorales que l'on devine, sont en règle générale de bien mauvaises pistes de travail.

Le système doit évoluer, nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à le souhaiter. Car, si personne ne conteste désormais le principe d'une rémunération de la copie privée, le fonctionnement du dispositif tel que nous le connaissons depuis plus de vingt-cinq ans est, lui, régulièrement mis en cause. J'en veux pour preuve le fait que les cinq dernières décisions adoptées par la commission de la copie privée ont fait l'objet de recours devant la juridiction administrative.

La tâche à venir pour le législateur est donc aussi lourde que passionnante, au moment même où le commissaire européen au marché intérieur, Michel Barnier, vient de nommer un médiateur chargé de relancer le dialogue, au début de l'année 2012, en vue d'une éventuelle réforme de la rémunération pour copie privée au niveau communautaire.

Dans cette attente, nous veillerons aujourd'hui à préserver, pour un temps donné, une part des modalités de cette rémunération tout en nous mettant en conformité avec les décisions de différentes juridictions. Ce projet de loi, dans le respect de l'autorité de la chose jugée, aboutit ainsi à une exemption des supports acquis pour des usages professionnels tout en permettant de maintenir les barèmes provisoires fixés par la commission de la copie privée, dans l'attente des études d'usages appropriées.

Le texte issu de la commission repose, à cet égard, sur un bon équilibre. Il comprend désormais une disposition tendant à rendre la commission des affaires culturelles et de l'éducation destinataire du rapport rendu par les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs et voisins sur l'utilisation faite des sommes consacrées à l'aide à la création. C'est une bonne chose dans la mesure où cette transmission permettra, dans la transparence, de lever les éventuelles interrogations qui ont pu naître ici ou là.

Ce texte poursuit également un objectif d'information du consommateur en assurant un travail de communication sur chaque support acheté.

Enfin, le passage du délai de vingt-quatre mois supplémentaires initialement prévu par le projet de loi à un délai de douze mois répond à la nécessité de prendre le temps de réaliser la douzaine d'études d'usage nécessaires, avant la fixation de barèmes définitifs, consensuels et, si possible, incontestables, mais aussi au souhait du législateur de ne pas faire inutilement traîner les choses.

Globalement ce texte sécurise juridiquement le dispositif et, de fait, protège le financement de la création artistique.

Il reste, monsieur le ministre, que nous ne pouvons une nouvelle fois que regretter que le vrai débat ne soit jamais lancé. Les lois de retardement et de colmatage des brèches ne peuvent cacher la réalité : nous devons nous doter d'un système de rémunération du droit d'auteur qui soit adapté à la réalité des usages à l'ère numérique.

Or – hormis ce soir, profitons de cet instant –, vous vous obstinez, au nom du Gouvernement et du Président de la République à proposer des lois aussi inutiles qu'inefficaces et qui, surtout, ne rapportent pas un euro de plus à la création.

À cet égard, lors du sommet consacré aux droits d'auteur et à la propriété intellectuelle sur internet qui a réuni en Avignon les ministres de la culture des pays du G8 et du G20 et des représentants d'organisations internationales, le Président de la République a, une nouvelle fois, manqué l'occasion de faire un grand discours sur la culture et le numérique. Inlassablement, le chef de l'État préfère nous replonger dans le passé, en tentant de maintenir l'illusion que la HADOPI pourrait avoir une quelconque utilité, à tel point que la Corée du Sud envisagerait de nous suivre dans cette voie. Quel succès !

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