La Confédération paysanne défend le principe du COV – nettement préférable à celui du brevet – à condition que ce dernier demeure « open source » : la vente de semences de la variété concernée est ainsi protégée, rémunération logique de l'effort de recherche, mais cette variété demeure libre pour d'autres utilisations, notamment afin de produire d'autres variétés. Un tel système a d'ailleurs fait la puissance des obtenteurs français et européens, sachant que le premier fonds génétique a été constitué par les sélections paysannes effectuée tout au long des siècles. J'ajoute que, jusqu'en 1991, la liberté de réutiliser les semences de ferme n'a jamais été remise en cause dans le cadre du COV parce qu'elle permet de réalimenter constamment ce fonds dans lequel puisent les sélectionneurs – il suffit de prêter attention aux discussions actuelles sur les collections de ressources génétiques, auxquelles ils sont très attachés.
Cette PPL, dites-vous, vise à privilégier le COV plutôt que le brevet. Si nous sommes d'accord sur ce principe, une menace n'en pèse pas moins via le brevet sur l'information génétique visant à protéger un seul gène présent par injection ou contamination dans une variété. Une telle protection ne manquera pas d'être étendue à l'ensemble des plantes dans lesquelles il se trouve et le texte que vous défendez ne prévoit aucune protection à cet égard. En fait, vous vous préparez à laisser les multinationales détentrices de brevets s'emparer de la totalité des variétés protégées par des COV, ce dont notre industrie ne manquera pas de souffrir.
Vous proposez, de surcroît, de transformer le COV en brevet, en interdisant de facto les semences de ferme. Vous prétendez que ces dernières, jusqu'ici, n'étaient pas légales, mais c'est faux depuis le règlement européen d'application directe de 1994, concernant 21 espèces. Or, la part des COV français par rapport aux COV européens est faible. Vous prétendez d'autre part que les redevances perçues favoriseront le développement de la recherche. Mais non ! M. Segonds, par exemple, est sélectionneur de soja. L'interdiction des semences de ferme a-t-elle entraîné une explosion du nombre de variétés et de cultures en ce domaine ? Non ! La solution réside dans l'application du Plan protéines et relève de la politique agricole.
De plus, Monsieur Bournigal, cette PPL ne règlera pas les problèmes liés au COV français de la loi de 1970, car elle vise à mettre en place une usine à gaz permettant de prélever des redevances sur l'ensemble des semences de ferme, y compris celles qui sont protégées par un COV européen et qui sont les plus nombreuses.
La redevance sur le blé tendre, qui existe depuis 2001, résulte d'un accord interprofessionnel mais elle est en porte-à-faux par rapport à la réglementation européenne qui la considère comme une taxe parafiscale. Or, le règlement de 1994 interdit le prélèvement d'une telle redevance par l'État car elle devient alors un impôt. Et le versement du produit d'un impôt à une catégorie professionnelle, cela s'appelle une subvention, ce qui soulève un problème concurrentiel. Comment pouvez-vous songer à généraliser un mécanisme contesté par la Commission européenne ?
De plus, cette contribution volontaire obligatoire (CVO) ne sera pas remboursée à un agriculteur qui n'aurait pas acheté de semences certifiées, qui aurait utilisé une variété tombée dans le domaine public ou qui aurait sélectionné ses propres semences. Un tel mécanisme est donc absolument inique !
Par ailleurs, l'obligation de traçabilité nous impose d'indiquer la variété que nous avons semée mais les obtenteurs sont-ils d'accord pour mentionner les ressources génétiques qu'ils utilisent pour sélectionner leurs variétés ? Non ! Cela relève du secret professionnel. Les agriculteurs n'auraient donc pas droit à la confidentialité de leurs propres informations professionnelles ?
Comment appeler un fichier, qui plus est disponible sur Internet, contenant le nom des agriculteurs utilisant des semences de ferme, sinon un fichier de clientèles pour les représentants en semences qui ne manqueront pas dès lors de venir nous déranger chaque jour ?
La concurrence entre semences de ferme et semences commerciales constitue le meilleur moyen de maintenir des prix équilibrés, alors que la généralisation du droit de licence souhaitée par M. Segonds entraînerait une hausse considérable, comme le montre déjà l'exemple du maïs : le prix de la semence est le plus cher à l'hectare, car la semence de ferme est en l'occurrence impossible.
Qui gagnerait sa vie avec les seuls droits de propriété intellectuelle – COV ou brevets – aurait intérêt à ce que chaque variété soit cultivée sur d'immenses surfaces, ce qui implique l'utilisation d'engrais chimiques et un enrobage des semences avec des insecticides. Quid, dans ces conditions, de la biodiversité ? Les semences de ferme, en revanche, sont adaptées localement. Loin de se dégrader, elles évoluent, et nous pouvons nous aussi procéder à des sélections, afin de favoriser une adaptation aux changements climatiques.
Enfin, vous avez voté les lois du Grenelle de l'environnement tendant à rendre accessibles les variétés-populations en les inscrivant au catalogue officiel, et vous défendez maintenant une PPL qui l'interdira de facto en raison d'une incompatibilité des définitions. Où est la cohérence ?