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Intervention de Martine Billard

Réunion du 10 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Mission solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la crise économique s'aggrave dans notre pays, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi augmente de nouveau depuis le printemps dernier : il atteint, toutes catégories, 4,72 millions de personnes. C'est un triste record. Et ce chiffre ne prend pas en compte les nombreux jeunes qui reportent leur entrée sur le marché du travail en prolongeant leurs études. Dans le même temps, entre janvier et juillet, ce sont déjà près de 630 000 personnes qui sont arrivées en fin de droits aux allocations chômage, faisant par la même occasion exploser le nombre d'allocataires de minima sociaux.

La hausse du chômage de longue durée entraîne l'augmentation de la pauvreté. Ainsi, en 2009, 13,5 % des Français vivaient en dessous du seuil de pauvreté. En deux ans, le nombre de personnes pauvres est passé de 7,84 millions à 8,17 millions. En 2011, 83 % des centres communaux d'action sociale ont constaté une augmentation des demandes d'aides ponctuelles de la part de personnes qui ne parviennent plus à s'en sortir. Au 30 juin 2011, 1,4 million de foyers touchaient le RSA socle en France métropolitaine, soit une hausse de 4 % en un an. La hausse est proportionnellement la même pour le RSA activité, perçu par 434 000 foyers en juin 2011.

Il y a donc à la fois une hausse du nombre de personnes n'ayant pour ressource que le RSA socle et une augmentation des travailleurs pauvres éligibles au RSA activité. Je note que le nombre d'allocataires du RSA activité est très en deçà de ce qui était attendu : seul un bénéficiaire potentiel sur trois l'a demandé en raison de la complexité des dossiers à remplir. De plus, par manque d'information, beaucoup de travailleurs pauvres pensent qu'ils n'y ont pas droit parce qu'ils travaillent. Il y a aussi la crainte de devoir rembourser des indus, du fait des aléas de leurs revenus d'activité et de la difficulté à anticiper leurs ressources. Enfin, beaucoup de travailleurs à revenus modestes ne veulent pas être catalogués comme travailleurs pauvres en raison du discours de stigmatisation que votre gouvernement martèle jour après jour, madame la ministre, contre tous ceux qui font appel à la solidarité nationale.

Dans le budget d'origine, c'est-à-dire avant les amendements du Gouvernement, le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » est amputé de 23 %. Il est réduit à 535 millions d'euros alors que 1,5 milliard d'euros avaient été prévus pour le RSA activité dans le budget pour 2010. C'est un comble dans le contexte de crise actuel. Pourquoi ne pas avoir utilisé ce milliard pour revaloriser le RSA socle comme l'ont été l'AAH et le minimum vieillesse en les indexant sur le revenu médian ? C'est ce que demande l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux. Mais vous préférez imposer le travail obligatoire de sept heures par semaine aux allocataires relevant du RSA socle sous peine de leur réduire ou de leur supprimer l'allocation. Si tant d'heures de travail sont disponibles, pourquoi ne pas créer de vrais emplois permettant aux personnes concernées de percevoir un salaire à la place du RSA ?

Le budget 2012 de la mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » est le triste pendant du budget de la mission « Travail et emploi » dont le programme « Accès et retour à l'emploi » chute de 6,9 milliards d'euros à 5,4 milliards d'euros, pendant que le budget des maisons de l'emploi perd 34 %.

Du reste, cette année, vous ne cherchez même plus à maquiller les coupes claires dans les budgets sociaux, comme si vous assumiez totalement de délaisser les perdants de la crise économique pour ne vous consacrer qu'aux plus nantis, la base de votre clientèle électorale pour 2012. Quasiment tous les programmes sont en baisse : les contrats aidés, les crédits du Fonds d'innovation et d'expérimentation sociales, le programme en faveur des familles vulnérables – réduit de plus de 4 %. Quant aux subventions aux organismes de l'économie sociale, elles accusent 60 % de baisse.

Si l'action « Expérimentation sociale et autres expériences en matière sociale et d'économie sociale » connaît une légère hausse, celle-ci correspond à l'ajout surprenant, signalé par Christophe Sirugue, d'une partie des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance dans le périmètre de ce budget.

Le Programme « Handicap et dépendance » stagne dans le budget d'origine, mais l'action « Personnes âgées » est amputée de 20 %.

Quant au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », il est comme chaque année le parent pauvre de cette mission budgétaire : il baisse encore de près de 5 %.

En période de montée du chômage et de la pauvreté, on aurait pu s'attendre à ce que le budget de cette mission soit sanctuarisé. Il n'en est rien. C'est même le contraire. Et cela va s'aggraver avec les amendements que vous avez déposés, madame la ministre. Ainsi, vous avez prévu de ponctionner de 25 millions le programme « Lutte contre la pauvreté » pour abonder les crédits consacrés au handicap et à la dépendance. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul.

De plus, dans le cadre des mesures d'austérité annoncées le 24 août, vous supprimez 10 millions d'euros de plus, dont 6 millions sur le budget du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales. » Et c'est sans compter les mesures annoncées lundi par le Premier ministre. Que restera-t-il de ce budget de lutte contre la pauvreté après le collectif ? Il accusera une baisse de 6 %, semble-t-il.

Le 17 octobre 2007, le Président de la République annonçait qu'il allait réduire la pauvreté d'un tiers en cinq ans. Comment faire oublier cette bravade ? En cassant le thermomètre : il suffit de faire disparaître l'objectif « réduire la pauvreté » de la liste des indicateurs de performance du budget pour 2012.

Compte tenu de la chute absolue de ce budget et de l'hypocrisie que constitue la suppression de l'objectif de réduction de la pauvreté, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre.

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