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Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 10 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Mission solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, curieux débat budgétaire que celui-ci, puisque nous avons à débattre des chiffres présentés par le Gouvernement, mais qui seront corrigés dans quelques instants par des amendements proposés par ce même gouvernement et par les incidences des déclarations du Premier ministre. J'ai en effet appris qu'un effort de 50 millions d'euros supplémentaires sera demandé au ministère des solidarités et de la cohésion sociale, s'ajoutant aux 10 millions que vous avez évoqués, madame la ministre. Non, ce n'est donc une simple mesure d'ajustement qui va nous être proposée, mais un effort de 60 millions d'euros qui va être demandé à cette mission.

Pourtant, nous avons besoin de ce budget dans la période difficile que nous connaissons. Or il est clair que, dans cette mission, pour tenter de tenir les engagements du Président de la République sur la revalorisation de l'allocation adultes handicapés – l'AAH –, toutes les autres politiques, sans exception, sont rudement mises à contribution, même celle du handicap puisque le projet de loi fixe à 2,1 % la progression des moyens dévolus aux personnes handicapées, soit un des niveaux les plus faibles jamais fixé. Dans ces conditions, il est impossible d'assurer en même temps le financement des nouvelles places en ESAT – établissement et service d'aide par le travail – et la reconduction des moyens existants. Il est tout aussi impossible de tenir le plan triennal de 12 millions d'euros annoncé en 2011 pour l'investissement sur ces établissements, puisque vous n'inscrivez que 2,3 millions d'euros pour 2012 après n'avoir inscrit que 1 million d'euros en 2011. Il faudrait donc prévoir plus de 8 millions d'euros en 2013 pour tenir ce plan pourtant réaffirmé par le Président de la République.

La politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes est, elle aussi, réduite : une baisse de 5 % ramène ce budget à seulement 20,1 millions d'euros. Les déléguées régionales aux droits des femmes et les associations auront quelques difficultés à poursuivre leurs missions. Inutile de parler de « grande cause nationale » avec si peu de moyens.

Les crédits et les moyens humains pour la conduite et le soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative sont réduits de près de 3 %, avec 273 équivalents temps plein supprimés, après 304 l'année dernière. On peut se demander comment ces services de l'État pourront continuer à assurer leurs missions.

Mais plus grave encore est le sort que vous avez réservé à la lutte contre la pauvreté. Je note d'ailleurs, mes chers collègues, que pour la première fois, l'objectif de réduction de la pauvreté a été supprimé. Alors même que le RSA activité ne parvient pas à atteindre ses objectifs : 731 000 bénéficiaires prévus pour 2012 alors qu'il en était attendu 1 659 000. Bien sûr, les crédits fondent, passant de 1,5 milliard d'euros en 2010 à 528 millions d'euros pour 2012. Plutôt que de brandir des accusations sur l'assistanat, sur les abus, sur les fraudes aux prestations sociales, il serait plus pertinent de s'interroger sur ce qu'il en est vraiment, car il est rare de voir un minimum social si peu sollicité. Vous le voyez : toutes ces politiques de solidarité sont mises à mal.

De surcroît, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales depuis plusieurs années, il y a deux choses que j'ai découvertes cette année et que je veux porter à la connaissance de la représentation nationale.

Je constate ainsi que, pour la première fois, une ligne de 1,2 million d'euros au titre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance est apparue sur le budget de la lutte contre la pauvreté. Que faut-il y voir sinon la tentation d'un amalgame entre pauvreté et délinquance – que je récuse bien évidemment ?

Enfin, j'ai aussi appris un nouveau principe financier : celui de l'autoassurance. Manque-t-il des crédits pour assurer les engagements du Président de la République sur le handicap ? Qu'à cela ne tienne, on se sert du Fonds national des solidarités actives, le FNSA – créé, je le rappelle, pour financer le RSA activité –, comme variable d'ajustement. On m'a répondu que prélever sur la trésorerie du FNSA pour tenir l'engagement gouvernemental de revaloriser l'AAH était une mesure de bonne gestion. Je le conteste, car le Gouvernement ne pourra pas financer durablement l'un par l'autre : le besoin de financement de l'AAH est pérenne par nature, tandis que le fonds de roulement du FNSA peut s'épuiser rapidement. J'ajoute que la création de la taxe de 1,1 % destinée au FNSA avait été présentée à l'époque comme une mesure de sanctuarisation – il est vrai que ce mot ne veut plus rien dire aujourd'hui – des ressources affectées au revenu de solidarité active. Il paraîtrait même, madame la ministre, que les 50 millions d'euros pour la dépendance – crédits dont vous allez nous parler lors de l'examen de vos amendements – seraient également pris sur les fonds du FNSA. Cela montre qu'il n'y a plus de limite en matière budgétaire. Ce n'est pas la peine d'évoquer la règle d'or quand il n'y a plus de règles du tout.

Pour conclure, quand je regarde les choix faits dans le projet de loi de finances pour 2012 en matière de solidarités, je constate que votre gouvernement a clairement choisi que les plus démunis financent les plus vulnérables : nous ne pouvons l'accepter.

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