Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à s'en tenir à la communication du Gouvernement, notre justice se porterait plutôt bien puisque son budget est annoncé en hausse. Mais, à y regarder de près, la présentation des chiffres ne peut masquer le fossé béant qui sépare le discours de la réalité.
En effet, dans la réalité, tous les personnels peuvent en témoigner, la situation des juridictions, des établissements pénitentiaires et des services de la protection judicaire de la jeunesse n'a jamais été aussi difficile. Sur ce point, je vous renvoie au bilan dressé par l'Union syndicale des magistrats dans son Livre blanc 2010, à l'issue d'une année passée à visiter 165 juridictions.
Il convient ensuite de mettre l'augmentation annoncée des crédits en parallèle avec l'accroissement des recours à la justice, lié en grande partie à la politique pénale répressive menée ces dernières années : l'augmentation des crédits ne correspond pas aux évolutions des contentieux et des effectifs. La Commission européenne pour l'efficacité de la justice montre clairement, dans son rapport 2010 d'évaluation des systèmes judiciaires européens, que les augmentations budgétaires sont trois à quatre fois supérieures dans les autres grandes démocraties européennes, comme en Allemagne ou en Angleterre.
Comme chaque année, les augmentations budgétaires sont en réalité affectées à l'administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse voyant son budget très légèrement progresser, alors que le budget des services judiciaires est en nette baisse, de plus de 600 millions d'euros !
Comme chaque année, la répartition des crédits reflète la politique du « tout répressif » menée par le Gouvernement. Ainsi, l'essentiel du budget consacré à l'immobilier concerne la création de nouvelles places de prison. Dès 2012, près de 900 nouvelles places seront ouvertes pour répondre au « toujours plus » carcéral. Or, s'il nous paraît nécessaire de remettre les établissements aux normes, il nous semble, en revanche, absurde de se focaliser sur l'accroissement constant des places de prison. Et ce d'autant plus que les partenariats public-privé se multiplient et conduisent l'État à acquitter ensuite des loyers onéreux, qui, dans certaines régions, absorbent les deux tiers des crédits de fonctionnement. Nous déplorons que la création de places supplémentaires soit effectuée au détriment des moyens alloués pour le bon fonctionnement des établissements pénitentiaires et du renforcement des services pénitentiaires d'insertion et de probation.
S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, si son budget fait apparaître une légère augmentation cette année, après avoir fortement été réduit en 2010, c'est uniquement du fait de la transformation d'un certain nombre de foyers éducatifs en centres d'éducation fermés.
Par ailleurs, l'accroissement des effectifs annoncé dans la quasi-totalité des programmes est un leurre. Les effectifs viennent à peine compenser les postes supprimés les années précédentes et restent insuffisants pour faire face aux deux réformes récemment adoptées sur les citoyens assesseurs et les hospitalisations sous contrainte. En 2012, le manque de fonctionnaires restera donc criant dans la plupart des juridictions.
Je veux enfin dire un mot de la nouvelle taxe de procédure de 35 euros exigée pour l'introduction de toute instance. Cette nouvelle taxe est contestée unanimement par tous les syndicats de magistrats et d'avocats, car elle remet en cause la gratuité d'accès à la justice et, de fait, entrave l'accès au droit et au juge, pourtant protégé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cette mesure est pour nous tout à fait inacceptable !
Pour l'ensemble de ces raisons, les députés du groupe GDR voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)