Et ce pour sept raisons, sept raisons distinguées parmi d'autres parce que je ne dispose que de cinq minutes.
La première raison, c'est qu'il ne prend pas en compte l'histoire. Ce n'est pas une question de retard, c'est que nous avons demandé à la justice, ces dix ou quinze dernières années, beaucoup plus qu'auparavant. Nous avons juridictionnalisé l'application des peines, nous avons réformé les tutelles, avec des révisions obligatoires de l'ensemble des décisions, nous avons demandé aux juges de contrôler les hospitalisations d'office, nous avons réformé la garde à vue à deux reprises, en 2001 et en 2011. C'est dire que la tâche a augmenté dans des proportions gigantesques. L'Union syndicale de la magistrature indiquait lors de son dernier congrès que le nombre de jugements correctionnels avait augmenté de 46 % en dix ans. Il ne faut donc pas parler d'un simple retard mais plutôt d'un déficit historique.
J'en conviens, madame la ministre, ce déficit ne pouvait être comblé en un seul budget mais, à l'évidence, il fallait présenter un plan pluriannuel qui aurait permis un rattrapage sur cinq, dix ans, de façon à mettre, comme l'a indiqué M. Hunault, la justice à la hauteur des justices européennes. Ce n'est pas le cas, et c'est la première raison pour laquelle je juge que ce budget n'est pas bon.
La deuxième raison, c'est un problème de gouvernance. Au lieu du plan pluriannuel que je suis en train de réclamer, qui aurait été nécessaire, il nous est annoncé un plan commandé par l'Élysée qui porterait uniquement sur la question pénitentiaire et sur une augmentation du nombre de places de prison pour atteindre les 80 000 places, nombre dont personne n'avait parlé : en effet les chiffres avancés pour la non-exécution des peines sont statistiquement vrais, mais factuellement faux, car la plupart des peines qui ne sont pas exécutées sont des peines aménageables. C'est le signe que le pouvoir échappe au ministre de la justice pour être concentré entre les mains de l'Élysée.