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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 8 novembre 2011 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier mon groupe de m'avoir pour la dixième année consécutive donné la chance, moi qui ne suis pas élu d'outre-mer, d'exprimer notre opinion sur le budget de l'outre-mer. Sachez que c'est pour moi un honneur.

Je saluerai aussi, monsieur le président, la constance dont vous faites preuve en étant présent à chaque débat budgétaire sur l'outre-mer, à l'instar de votre prédécesseur. Nous y voyons une marque d'attention pour nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Malgré un contexte budgétaire plus contraint que par le passé, les crédits de la mission « Outre-mer » s'élèveraient en 2012 à 2,18 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,03 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression respective de 1,1 % et 2,9 % quand tant d'autres budgets connaissent une régression. Alors que les sommes allouées à cette mission subissaient l'an dernier un léger recul – les crédits avaient, pour cette année, diminué de 0,6 % en autorisations d'engagement et de 2,3 % en crédits de paiement –, je tiens à saluer, cette hausse des crédits qui, bien que réduite, témoigne d'un engagement de l'État aux côtés de nos concitoyens ultramarins, appréciable en cette période de rigueur budgétaire.

Notre débat intervient au terme d'une année qui voit la concrétisation de la loi pour le développement économique des outre-mer dont l'objectif était de redynamiser les économies ultramarines et les décisions du conseil interministériel de l'outre-mer de 2009.

À ce jour, bien qu'il se soit passé plus de dix-huit mois, madame la ministre, avant que le décret d'application ne soit publié, je note que ces réformes commencent à créer leurs premiers effets sur le développement économique des territoires ultramarins : je pense notamment à l'attribution d'aides budgétaires aux entreprises en matière de rénovation hôtelière ou encore au déploiement du dispositif de l'aide au fret, dont je regrettais l'an dernier à la même période un retard dans l'application.

Néanmoins, au-delà des effets de la crise que nous subissons tous, d'importants écarts, dus aux spécificités structurelles de l'outre-mer, subsistent avec la métropole : le taux de chômage est encore deux à trois fois plus élevé en outre-mer qu'en métropole, particulièrement chez les moins de trente ans, et le niveau de vie de la population y est toujours plus faible, parfois même inférieur de moitié par rapport à la métropole. À La Réunion, notamment, 52 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Nombre de collègues ont attiré votre attention, madame la ministre, sur la baisse inexorable du pouvoir d'achat et la hausse incessante des prix qui oppressent nos compatriotes d'outre-mer.

Les événements récents qui ont bousculé Mayotte illustrent parfaitement cette situation. Depuis la fin du mois de septembre, Mayotte est en proie à une crise sociale de grande ampleur du fait du coût de la vie qui devient insupportable pour nos concitoyens mahorais. En raison de l'enlisement du conflit, le Gouvernement a dépêché son médiateur M. Robin, ancien préfet de l'île, pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui pèse sur la fragile économie mahoraise. Je ne peux que souhaiter qu'une solution rapide soit trouvée entre les différents acteurs et représentants locaux. Une première base a été jetée avec l'accord contesté du 17 octobre dernier qui prévoit une baisse des prix de neuf produits de première nécessité. Il convient que le Gouvernement continue de se mobiliser afin qu'un accord plus global, notamment sur le prix de la viande et plus particulièrement du boeuf, intervienne au plus vite.

On peut à cet égard regretter que s'agissant du programme « Conditions de vie outre-mer », qui représente près de 642 millions d'euros, nous perdions en crédits de paiement ce nous gagnons en autorisations d'engagement : augmentation de 0,8 % d'un côté, diminution de 0,8 % de l'autre, ce secteur semblant concentrer les mesures d'économies tout comme dans le précédent budget.

Toutefois, je ne suis pas certain, chers collègues, que l'on puisse résumer uniquement à cela le problème qui se pose aujourd'hui à Mayotte et qui a frappé la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. La cherté du coût de la vie a certes été l'élément déclencheur mais la source de ce phénomène se trouve aussi et surtout dans les monopoles – monopole de la distribution, monopole du système bancaire, monopole des transports, monopole du fret, monopole du secteur financier – qui contribuent à renchérir le coût de la vie outre-mer. C'est à ces monopoles-là, comme je l'ai déjà souligné lors de précédents débats, que l'État doit s'attaquer réellement, ce qui n'a pas été suffisamment fait jusqu'à aujourd'hui.

Ces situations de tension alliées à un contexte budgétaire difficile ne laissent d'autre choix que de recentrer l'action publique, celle du budget de l'État, autour des axes les plus stratégiques pour le développement économique, l'emploi, le logement, la continuité territoriale et l'aménagement du territoire.

À ce titre, et au-delà des querelles de chiffres, je voudrais saluer la préservation de certaines dépenses liées à des politiques à nos yeux centrales pour le développement de nos départements et collectivités d'outre-mer et leur cohésion sociale.

Commençons par le logement. La situation est préoccupante en outre-mer où, selon l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, les besoins en logements sociaux représenteraient entre 20 % à 25 % des besoins globaux. Une grande partie de la population est éligible au logement social du fait de sa situation économique fragile mais doit faire jouer la solidarité familiale en l'absence d'autres solutions. L'augmentation de l'engagement gouvernemental en faveur du logement depuis 2007 ainsi que la sanctuarisation pour 2012 de la ligne budgétaire unique permet à l'État de poursuivre ses actions sur le logement social neuf et la résorption de l'habitat insalubre, dans la continuité des décisions du CIOM et de la loi pour le développement économique des outre-mer. Tout cela constitue pour le groupe Nouveau Centre une source de satisfaction. Encore faudrait-il, madame la ministre, que tous ces crédits soient effectivement consommés. Nos rencontres avec certains bailleurs et partenaires laissent planer quelques inquiétudes à cet égard.

Naturellement, la situation nécessite des efforts constants et une action continue dans ce domaine car il reste encore tant à faire. Sur le terrain, les opérateurs du logement social sont de plus en plus demandeurs d'un produit d'accession sociale adapté à l'outre-mer qui fait aujourd'hui défaut. Ils sollicitent également, madame la ministre, une affectation de la ligne budgétaire unique par zone et la possibilité de consacrer une ligne de la LBU au logement évolutif social et à l'aide à l'amélioration de l'habitat. Par ailleurs, comme l'a déjà souligné notre collègue Alfred Almont, tous les acteurs du logement regrettent que ne soit pas lancée une grande opération d'identification des besoins selon les territoires.

Enfin, madame la ministre, à la suite du vote de la loi initiée par notre collègue Serge Letchimy sur la lutte contre l'habitat indigne, la question est aujourd'hui de savoir quand seront publiés l'arrêté fixant les barèmes de l'aide financière ainsi que l'indispensable circulaire interministérielle relative aux modalités de mise en oeuvre des différentes dispositions. Rien ne sert, chers collègues, de voter des lois si elles n'entrent pas en application, surtout quand il s'agit de questions sociales aussi urgentes. Les attentes de nos compatriotes ultra-marins sont fortes en ce domaine.

Pour ce qui est du programme « Emploi outre-mer », dont les deux actions sont appelées à faciliter, pour la première, la création d'emplois ainsi que l'accès au marché du travail et, pour la seconde, le soutien aux entreprises, je ne peux que me féliciter de l'augmentation constatée : 1,3 % en autorisations d'engagement et surtout 4,7 % en crédits de paiement. Par ailleurs, je tiens à saluer l'initiative du Gouvernement de doter d'enveloppes stables le service militaire adapté afin d'offrir davantage de places aux stagiaires ainsi que sa volonté de doubler à terme la capacité de formation du SMA, acteur clé du renforcement de l'insertion dans la vie active des jeunes adultes ultramarins en situation d'échec. Pour ce qui est des contrats aidés, on peut également souligner que leur nombre a été porté à 52 270 pour 2011 contre 46 900 en 2010, soit près de 12 % d'augmentation.

Le programme « Emploi outre-mer » comprend également les crédits en faveur de la formation en mobilité des jeunes ultramarins qui doivent se rendre en métropole faute de trouver une formation chez eux. Le passeport mobilité formation professionnelle concourt pour un montant de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement au financement des titres de transport des bénéficiaires ainsi que des frais d'installation et de formation. Il convient, madame la ministre, de poursuivre les efforts sur ce point précis. Je regrette néanmoins une fois encore, comme je le fais depuis dix ans ici, que votre gouvernement comme les précédents n'ait pas voulu prendre l'initiative de mettre en place avec les élus métropolitains – qui sont, saluons-le, de plus en plus nombreux à assister à nos débats budgétaires sur l'outre-mer année après année – une plateforme d'échanges pour que les collectivités métropolitaines puissent offrir des logements à bas prix à ces étudiants qui éprouvent toujours bien des difficultés, une fois arrivés en métropole, pour trouver un logement, faute d'avoir pu en demander l'attribution alors qu'ils se trouvaient encore dans leur région d'origine. Cette mesure ne coûterait rien, serait facile à appliquer et permettrait de marquer une continuité territoriale où la solidarité nationale serait concrètement mise en oeuvre, au-delà de la simple dimension financière.

La notion de continuité territoriale, mes chers collègues, vous le savez, est essentielle pour nos compatriotes établis en outre-mer mais aussi pour tous ceux qui, originaires de ces départements ou de ces collectivités, vivent dans l'hexagone et ceux-là, madame la ministre, vous les avez oubliés tout au long de la législature ! Vous connaissez mon engagement depuis 2002 sur cette question. Je n'accepte pas et je n'admettrai jamais, tant que j'aurai l'honneur d'être député de la nation, que nos concitoyens originaires d'outre-mer soient plus mal traités, et de loin, que nos compatriotes corses en matière de continuité territoriale.

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