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Intervention de Alain Juppé

Réunion du 8 novembre 2011 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Action extérieure de l'État

Alain Juppé :

Je voudrais maintenant répondre plus précisément à l'intervention de M. le rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission.

Monsieur Mancel, je vous remercie pour votre rapport qui, s'il fait part de certaines inquiétudes auxquelles je tiens à répondre, n'en salue pas moins les efforts très importants accomplis par ce ministère pour moderniser et rationaliser son action.

S'agissant des grands équilibres qui caractérisent les crédits de la mission pour 2012, je sais que votre commission a exprimé certaines inquiétudes quant à la révision à la baisse – en raison d'un effet « volume » comme d'un effet « change » – des crédits prévus pour les opérations de maintien de la paix et les contributions internationales. Je tiens à vous donner sur ce point les éclaircissements nécessaires, cette révision ne relevant pas d'un quelconque pari sur l'avenir mais bien d'une programmation sincère de nos besoins.

Nous avons engagé la préparation de ce projet de loi de finances autour d'un double objectif, apparemment contradictoire : renforcer notre outil diplomatique tout en contribuant à l'effort collectif. Bien que délicate, cette équation a pu être résolue à la faveur d'économies de constatation que nous avons redéployées sous les plafonds prévus dans le cadre du plan triennal 2011-2013, nos crédits respectant ainsi la discipline budgétaire et les engagements de réduction des dépenses pris dans le cadre de la RGPP.

Si l'année 2012 doit ainsi permettre d'amorcer une correction de trajectoire s'agissant des moyens de notre diplomatie, c'est dans un cadre dont je souhaite rappeler le caractère tout à fait responsable.

Je précise que l'évolution favorable de nos contributions obligatoires recouvre plusieurs évolutions.

Tout d'abord, la baisse, de l'ordre de 65 millions d'euros, du budget des opérations de maintien de la paix tient en grande partie à la fermeture de la MINURCAT, la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, en 2011 : cela représente une économie de 40 millions d'euros qui n'était pas prévue au moment du triennal.

Cette évolution favorable procède également de la diminution des besoins pour d'autres opérations et d'une hypothèse de change dollar-euro plus favorable en 2012 : 1,40 dollar pour un euro contre 1,35. Sur ce point et puisque la question m'a été posée à diverses reprises, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un choix du ministère des affaires étrangères mais de l'hypothèse retenue pour l'ensemble du projet de loi de finances. Si les conditions de marché le permettent, nous veillerons évidemment – en 2012 comme en 2011 – à sécuriser ce taux de change en achetant à terme des dollars.

Enfin, ce solde prend en compte une hausse d'environ 25 millions d'euros des contributions au budget des organisations internationales et de la justice internationale. Le triennal était sous-calibré sur ce point, et nous devons faire face - vous l'avez rappelé, monsieur Marcel - à des dépenses exceptionnelles non anticipées, par exemple la rénovation du siège de la Cour pénale internationale. Ce budget 2012 des contributions ne se limite donc pas à prendre en compte des dépenses à la baisse ; il incorpore évidemment l'évolution à la hausse de certains postes.

Comme le souligne votre rapport, au total, l'enveloppe des contributions obligatoires représente désormais à elle seule 40 %, hors dépenses de personnel, des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Je ne peux évidemment que partager l'analyse de votre rapport selon laquelle nous ne sommes jamais à l'abri d'une évolution des opérations de maintien de la paix qui rendrait ce budget insuffisant. Mais je veux rappeler que la règle constante, et partagée avec le ministère du budget, veut que nous ne provisionnions pas d'opérations nouvelles.

À ce même sujet, je tiens à réagir à votre proposition de création d'un programme budgétaire dédié aux contributions internationales et opérations de maintien de la paix. Vous le savez, nous sommes favorables à cette idée qui n'a jusqu'à présent pas fait l'objet d'un consensus avec le ministère du budget. Elle aura néanmoins vocation à être réexaminée lors de la préparation du prochain triennal.

Je retiens également de vos conclusions sur le pilotage d'ensemble des crédits du ministère un intérêt marqué pour la question des effectifs et de la masse salariale qui y est associée.

Pour ce qui concerne la masse salariale, votre rapport relève à juste titre une progression de ses crédits. Une part importante des économies constatées en 2012 a en effet été redéployée au profit de ce poste : essentiellement lié à la couverture de l'effet change-prix, cet effort représente 17 millions d'euros pour la seule mission « Action extérieure de l'État ».

Je précise néanmoins que nous respectons strictement nos plafonds de masse salariale, hors effets change-prix qui sont financés en exécution de la loi de finances et pris en compte avec un décalage de deux ans : le projet de loi qui vous est soumis pour 2012 intègre ainsi l'effet change-prix constaté en 2010.

S'agissant des effectifs, vous avez souligné une originalité du ministère des affaires étrangères pour la mise en oeuvre de la règle du « un sur deux ». Je suis tenté de dire que l'application qui en est faite dans ce ministère est à l'image de la structure atypique de ses effectifs. Ainsi, lors de la définition puis de l'ajustement de son schéma d'emplois dans le cadre de la RGPP, il a été tenu compte de la spécificité de cette structure qui se caractérise, vous l'avez rappelé, par une proportion d'agents titulaires particulièrement faible, de l'ordre de 40 % des effectifs globaux du ministère – 6 000 titulaires et CDI pour 15 000 agents au total.

Si la règle du « un sur deux » avait été appliquée à la hache, elle se serait traduite par des restitutions d'emplois de titulaires de plus de 600 équivalents temps plein au cours de la période 2009-2013. Compte tenu de l'impossibilité, pour des raisons de sécurité, de confier à des agents contractuels ou de recrutement local certaines fonctions dans le réseau diplomatique et consulaire, il a donc été décidé d'aménager cette mise en oeuvre du « un sur deux ». Sur 1 150 ETP restitués au cours de la période 2009-2013, ce sont donc 340 emplois de titulaires qui seront supprimés.

Je tiens à préciser que l'aménagement de cette règle a été compensé par un effort plus important sur les autres catégories de personnels que constituent les agents de droit local et les agents contractuels.

Je comprends évidemment le souci de certains de s'assurer d'une application plus rigoureuse de la règle du « un sur deux ». Je considère cependant que son aménagement pour le ministère des affaires étrangères est légitime au regard de ses missions comme de son organisation.

S'agissant du nécessaire redéploiement des effectifs, je partage l'analyse de votre rapport selon laquelle la cartographie de nos emplois n'est pas toujours en phase avec nos priorités politiques d'aujourd'hui et de demain. Ce travail de redéploiement géographique est engagé dans le cadre de la RGPP comme dans le cadre de l'exercice de programmation des effectifs des postes.

Le repli de nos dispositifs dans un certain nombre de pays étant, vous le savez, contraint par des considérations politiques, ce redéploiement ne peut pas être mis en oeuvre du jour au lendemain. Soyez toutefois assuré qu'il sera poursuivi. L'évolution dynamique de notre réseau consulaire au cours des dix dernières années me paraît à cet égard témoigner de la capacité du Quai d'Orsay à accompagner les évolutions du monde qui nous entoure.

Au-delà de ces questions d'effectifs, vous soulevez, monsieur Mancel, bien d'autres questions centrales pour notre action extérieure.

Vous avez rappelé votre attachement à une poursuite résolue de la modernisation du ministère, dans le prolongement du Livre blanc et de la réforme qui en a découlé.

S'agissant de son organisation, je ne peux évidemment que partager l'analyse de la commission des finances quant à l'utilité du centre de crise, qui a fait la preuve de son efficacité dans la gestion des multiples crises auxquelles nous avons été récemment confrontés. Ce service a pleinement trouvé sa place au sein du ministère comme en interministériel, et personne ne lui conteste la légitimité qu'il a acquise au fil des crises. Comme vous, je voudrais rendre un hommage particulièrement appuyé à son directeur et à l'ensemble de ses agents.

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