Il est vrai que le contraste était beaucoup plus important sous la présidence de George W. Bush. Nous sommes plus « américano-compatibles » avec le président Obama, mais celui-ci peine à solder complètement la politique de son prédécesseur.
Un trop grand suivisme nous conduit par exemple à maintenir notre dispositif en Afghanistan, alors que chacun sait que, depuis la mort de Ben Laden, la mission essentielle de nos forces est terminée. Au prochain sommet des chefs d'État de l'Otan, fin mai, celui qui sera en charge de la politique de la France devra dire clairement que nous souhaitons une accélération du processus de retrait. Pourquoi ne pas faire passer ce message dès maintenant ?
De la même façon nous suivons la politique absurde des États-Unis vis-à-vis de l'Iran ; eux n'ont rien à perdre, mais les Européens tout.
Par ailleurs, nous suivons sans enthousiasme certes, mais sans nous y opposer, la proposition de George W. Bush, revue à la baisse par Obama, d'une barrière antimissile en Europe. Ce programme techniquement inepte est censé nous protéger d'une menace qui n'existe pas, en contradiction totale avec le principe même de dissuasion, et n'a d'autre but que de drainer les budgets de recherche et développement européens, déjà si faibles. Si les petits pays espèrent ainsi acheter leur sécurité, c'est leur affaire. Cette intégration de fait serait un renoncement à long terme à l'autonomie de notre politique de sécurité.
Autre débat structurant : notre politique vis-à-vis d'Israël et l'attitude générale par rapport au monde arabe. Personne ne discute la légitimité d'Israël, ni son exigence de sécurité. Mais qui ne voit que le gouvernement Nétanyahou ne veut pas de la paix ? Pire, l'annexion de la Cisjordanie se réalise chaque jour par l'invasion urbaine. On utilise là-bas l'alibi iranien pour détourner l'attention. Chacun sait que cette politique mène au chaos. La France n'a pas une position assez équilibrée au Proche-Orient, une telle attitude ne rend pas service à Israël à l'échelle de l'histoire.
Monsieur le ministre, je souhaite rendre hommage au commentaire qui a été le vôtre lors des récents événements en Libye, en Tunisie et en Égypte. Vous avez dit en substance qu'il ne fallait pas considérer tous les régimes islamiques et les Frères musulmans comme des mouvements extrémistes. Ce type de langage d'ouverture a beaucoup manqué ces dernières années. Il a fallu à la France près d'un siècle, trois restaurations, deux empires et quelques carnages pour passer de la Révolution à la République.
Un de vos récents prédécesseurs a dit ici que le concept gaulliste de politique arabe de la France était un concept désuet, une vieillerie. Je le crois pour ma part d'une grande modernité.