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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 3 novembre 2011 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en commission élargie, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012 a été présenté comme celui détenant le taux de progression le plus élevé de toutes les missions. Aussi, de nombreux collègues se sont-ils réjouis de cette augmentation de 12 % alors que le contexte budgétaire est très tendu. À y regarder de plus près, il n'y a pas de quoi se réjouir de cette prétendue augmentation.

En effet, si l'action 2 du programme 303 – point sur lequel je centrerai mon propos – se voit attribuer une augmentation de 27 %, force est de constater qu'il ne s'agit que d'un effet d'annonce qui ne va nullement permettre de traiter correctement les problèmes spécifiques à l'asile.

Au vu des 285,6 millions d'euros votés en 2010 et des 410 millions d'euros de crédits consommés, les 80 millions d'euros en plus pour 2012 sont largement insuffisants. Ils ne concernent que les prévisions budgétaires et non les crédits qui devraient être consacrés à l'accueil des demandeurs d'asile. Faites le calcul : en 2010, il a manqué 124,6 millions d'euros !

Ce résultat a pour conséquence – les associations ne cessent d'alerter les pouvoirs publics – que les demandeurs d'asile, à cause d'un budget sous-doté de manière chronique, se retrouvent de plus en plus à la rue, où ils vont rejoindre les trop nombreuses personnes qui y vivent.

En réalité, le ministre de l'intérieur se contente de procéder à une réduction des délais et des coûts, ce qui pénalise les demandeurs d'asile qui ne peuvent bénéficier des conditions d'accueil auxquelles ils ont droit.

La politique d'accueil des demandeurs d'asile est en crise depuis plusieurs années. En 2010 comme en 2009, moins d'un demandeur d'asile sur trois a pu bénéficier d'une prise en charge en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Pourquoi le ministère, qui admet que le CADA est le dispositif le plus adapté aux personnes en quête de protection, entérine-t-il une baisse réelle du budget – de près de 5 millions d'euros – consacré aux CADA ?

Le secteur de l'emploi est également touché. En effet, avec le nouveau taux d'encadrement, ce sont 500 à 700 équivalents temps plein qui seront supprimés, soit près de 20 % des effectifs. Dans un contexte de hausse continue de la demande d'asile, et comparés aux 410 millions d'euros qui ont été nécessaires en 2010, les 376 millions d'euros prévus pour 2012 apparaissent bien insuffisants.

Une fois encore, la part consacrée à l'asile dans le budget pour 2012 obéit à un choix politique clair : celui de privilégier les mesures d'urgence, pourtant plus onéreuses et moins protectrices, au détriment de dispositifs pérennes et d'une bonne gestion des deniers publics. Voilà comment le Gouvernement agit pour « tenir compte du niveau élevé des besoins d'hébergement des demandeurs d'asile » !

À ces restrictions budgétaires, il faut aussi noter que, pour diminuer le nombre des demandes d'asile, la tentation est grande de dissuader les étrangers d'en déposer une. Ainsi, le parcours est-il de plus en plus difficile et compliqué. En amont de l'OFPRA et de la CNDA, les préfets jouent maintenant un rôle essentiel : ce n'est qu'après que les demandeurs se seront obligatoirement rendus auprès des préfectures pour faire enregistrer leur demande qu'ils pourront accéder à l'OFPRA et bénéficier d'un accueil en CADA et de l'allocation temporaire d'attente.

À cela s'ajoute parfois l'utilisation de procédures d'asile dérogatoires telles que la procédure dite de Dublin, ainsi que l'utilisation de la liste des pays d'origine sûrs, auxquels ont été ajoutés l'Albanie et le Kosovo. On peut d'ailleurs se demander pourquoi ces deux pays sont devenus « sûrs ». Il ne se passe pas une semaine sans que l'on soit saisi d'une demande d'intervention pour des familles qui ont fui le Kosovo parce qu'elles étaient victimes de discriminations et de violences en raison de leur religion ! Fuyant l'horreur, elles pensaient ici trouver un peu de paix et élever leurs enfants sereinement. C'était sans tenir compte des politiques du chiffre chères à ce gouvernement, qui est même prêt à expulser une famille en oubliant deux jeunes enfants absents au moment où leurs parents ont été arrêtés avec leur plus jeune frère !

Ce budget a pour conséquence de laisser de plus en plus de demandeurs d'asile sans accès effectif à des conditions d'accueil décentes et à une procédure équitable. Quand le Gouvernement changera-t-il de politique et acceptera-t-il la procédure unique d'asile, garantissant le droit au séjour, à un recours effectif et à des conditions d'accueil décentes de façon que le système d'asile dans notre pays soit conforme aux engagements internationaux de la France ?

Si le budget témoigne d'un effort de transparence, cela ne signifie pas pour autant une hausse réelle des crédits consacrés à l'asile et ne peut cacher une réalité préoccupante pour les demandeurs d'asile et pour les associations qui travaillent à leurs côtés.

Pour l'ensemble des points évoqués, le groupe GDR ne peut voter pour un tel budget, qui n'est pas la hauteur des besoins des demandeurs d'asile.

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