Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une fois encore, j'ai la sensation, en présentant la position des députés communistes et du parti de gauche sur les crédits de cette mission « Politique des territoires », que nous examinons, après cinq années de disette, les rebuts d'une politique délaissée, avec désormais moins de 340 millions d'euros de crédits de paiement, plutôt qu'une mission budgétaire en bonne et due forme.
Les montants dérisoires accordés à cette mission prouvent combien la politique d'aménagement du territoire a été marginalisée depuis 2007. Au gré des remaniements, le ministère de l'aménagement du territoire n'a cessé, depuis le début de la législature, de passer de main en main, d'être morcelé et marginalisé. La politique d'aménagement du territoire s'est fondue en une quête de compétitivité, se limitant à tenter de répondre aux enjeux de la compétition internationale par une politique de spécialisation et de concentration des activités autour de quelques grands pôles nationaux.
Chers collègues de la majorité, ce budget bafoue une nouvelle fois les principes de cohésion et de solidarité territoriales qui ont marqué l'histoire de notre pays, et met à mal les perspectives de développement équilibré de l'ensemble de nos territoires.
Lors de la présentation liminaire des crédits de cette mission en commission élargie, M. le ministre Le Maire avait dévoilé un amendement visant à satisfaire à l'exigence de coupes budgétaires formulée par le Premier ministre, en affirmant, rien de moins, que le coup de rabot de 3 millions supplémentaires sur les crédits de paiement de la mission serait sans incidence sur cette politique. Comment ne pas voir dans ces propos une confirmation du dédain du Gouvernement pour la politique d'aménagement du territoire ? Couplé à la suppression massive de services publics, cet abandon a contribué à creuser les inégalités territoriales en termes d'emplois, de revenus, d'attractivité et, plus largement, de qualité de vie pour nos concitoyens.
J'ai déjà soulevé en commission élargie le cas spécifique du développement industriel ; il est particulièrement emblématique de votre politique. Plus de 500 000 emplois industriels ont été perdus depuis 2002. La spécialisation et la concentration des moyens sur les pôles de compétitivité, dont les résultats demeurent modestes, ont eu pour effet de renforcer la désindustrialisation de territoires déjà fragilisés. Et le saupoudrage de contrats territoriaux et de sites ou l'action tout juste symbolique des commissaires à la réindustrialisation ne parviennent pas à masquer les extrêmes difficultés bancaires et de développement que rencontre sur ces territoires le tissu des petites et moyennes entreprises industrielles.
Dans le même temps, les grands groupes transnationaux poursuivent inlassablement leurs délocalisations totales ou partielles d'unités de production vers des pays ateliers aux contraintes sociales réduites, répondant par là même aux exigences de rentabilité à deux chiffres de leurs actionnaires. Il y a deux semaines, j'interrogeai le Premier ministre sur les fermetures d'entreprises industrielles qui s'accélèrent dans notre pays en citant des cas concrets, relevant de ces deux logiques : Preciturn dans le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire, Fonderie du Poitou dans la Vienne, Fralib dans les Bouches-du-Rhône ; M. le ministre chargé de l'industrie a préféré me répondre que tout allait bien et que les transnationales françaises se portaient à merveille !
Les besoins sont immenses pour restaurer une véritable politique publique territorialisée de développement industriel. Pouvoir réindustrialiser nos territoires requiert une politique d'envergure dotée de moyens considérables. Celle-ci doit se construire en visant plusieurs objectifs : il faut, pour commencer, redonner du sens au principe d'équité territoriale, en accordant la priorité au développement des ressources en emplois et en qualification sur les bassins industriels quelle que soit leur taille ; ensuite, assurer le financement de la croissance des entreprises industrielles, particulièrement les PME, en desserrant l'étau en matière d'accès au crédit avec la création d'un grand pôle public de financement du développement industriel et de l'emploi. Nous le voyons, il faut aller bien au-delà de la simple amorce d'un fonds public d'intervention comme le Fonds stratégique d'investissement qui n'a ni les moyens ni les outils suffisants qui lui permettraient servir de levier à ce développement.
Face au manque de cohérence et d'envergure de cette mission, nous avons besoin de réaffirmer une véritable politique d'aménagement pour tous les territoires en redonnant une véritable ambition à l'action de l'État, notamment sur les territoires fragiles et aux besoins reconnus.
Pour toutes ces raisons, les députés communistes et du Parti de gauche, comme l'ensemble du groupe GDR, voteront contre les propositions de crédits pour cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)