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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 21 octobre 2011 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Après l'article 5, amendements 439 56

Valérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement :

Vous le savez, le Premier ministre a annoncé, le 24 août dernier, dans le cadre de son plan de réduction des déficits, un plan de santé publique d'un milliard d'euros qui vise à prévenir les comportements à risques qui, à terme, dans une durée de dix, vingt, trente ans, peuvent avoir de très grandes conséquences sur les dépenses d'assurance maladie.

Ce plan de prévention mettait en avant un outil nouveau : la taxe comportementale, qui vise à augmenter le prix de certains produits pour modifier les comportements des Français. L'augmentation de ces prix est un signal envoyé aux Français, aux familles, ce qui les incite à un comportement plus protecteur en matière de santé publique.

Nous espérons que cette taxe modifiera tout de suite les comportements, induisant à terme une baisse du coût de l'assurance maladie.

Bien évidemment, il fallait que de telles taxes portent sur les comportements qui entraînent les grandes pathologies du siècle, comme le cancer, dû essentiellement au tabac et à la consommation d'alcool, et l'obésité qui est en train de devenir l'une des pathologies du xxie siècle. Vous le savez, le surpoids a fait, aux États-unis, pour la première fois dans l'histoire de ce grand pays, baisser l'espérance de vie.

Sous l'égide du Président de la République, nous avons lancé le plan cancer II et un grand plan obésité. Ces taxes comportementales font partie de cette logique. Il ne s'agit pas de taxer pour taxer, de faire du rendement mais d'avancer dans la voie des taxes comportementales qui sont utilisées aujourd'hui dans tous les grands pays du monde. Une autre taxe comportementale qui figure dans ce projet de loi de finances est celle relative aux loyers abusifs des toutes petites surfaces. Nous considérons que certains propriétaires abusent et font payer trop cher ces petites surfaces.

J'invite les députés de la majorité à prendre ce tournant de la fiscalité comportementale. C'est une fiscalité moderne, c'est enfin le passage à une logique de prévention des dépenses d'assurance maladie. Je rappelle que l'OMS a montré que l'outil fiscal, et notamment les taxes nutritionnelles sur des produits à sucres ajoutés, était l'un des éléments les plus efficaces de la prévention contre l'obésité.

J'indique également que votre Assemblée n'a pas à rougir de son action en la matière puisque vous avez été les premiers, il y a quelques années, à voter l'amendement de M. Yves Bur, visant à interdire les distributeurs de produits sucrés dans les écoles. Cette disposition a porté ses fruits puisque, depuis cinq ans, le surpoids recule chez les enfants scolarisés.

Cette mesure, associée à d'autres comme les bandeaux publicitaires qui passent sur les écrans de télévision, a permis une prise de conscience et entraîné des changements tangibles, y compris dans les habitudes alimentaires des enfants. Il s'agit donc bien d'un plan de santé publique.

Cela dit, ce plan de santé publique est venu télescoper une réflexion en cours à l'Assemblée sur un tout autre sujet, un sujet économique, relatif au coût de l'emploi permanent dans le secteur agricole – coût si élevé que le taux de recrutement en contrat à durée indéterminée y reste très faible. Or nous voulons stimuler l'emploi permanent, notamment par le biais d'une baisse des charges sociales qui pèsent sur le travail agricole.

Cette proposition – d'origine parlementaire – est soutenue par le Président de la République. Je tiens à cet égard à rendre hommage à Christian Jacob, Bernard Reynès et Charles de Courson, pionniers de ce débat sur la baisse du coût du travail agricole.

Vous aviez prévu de financer cette baisse par une taxe sur l'industrie agroalimentaire. Aussi le projet de santé publique du Gouvernement se heurte-t-il à une proposition parlementaire antérieure ; nous sommes donc en présence de deux projets, reposant sur deux taxes et poursuivant deux objectifs radicalement différents.

Parce que les parlementaires souhaitaient financer la baisse du coût du travail agricole par une taxe sur l'industrie agroalimentaire, le Gouvernement a décidé de transférer la taxe sur les sodas à sucres ajoutés du PLFSS, où elle trouvait toute sa place, au PLF, et, au terme d'un accord passé avec les députés de la majorité, de doubler le produit de cette taxe de façon à en affecter la moitié à la sécurité sociale et l'autre moitié à la défiscalisation du travail agricole permanent, à hauteur d'un euro l'heure pour un employé agricole touchant le SMIC, avec une aide dégressive que je vous ai présentée hier.

Voilà le dispositif que je vous demande d'adopter : le doublement de la taxe sur les sodas à sucres ajoutés. Cette mesure vise à taxer un produit qui ne fait pas partie du régime alimentaire des Français. Je me vois contrainte de vous demander de rester dans celle logique et de vous mettre en garde contre le projet d'élargir l'assiette de cette taxe.

En effet, l'élargissement de son assiette ferait perdre à la taxe sa cohérence s'il devait concerner des produits n'ayant aucun rapport ou bien qu'un rapport lointain avec l'objet de ladite taxe. On courrait ainsi le risque de se voir accuser d'arbitraire fiscal : pourquoi taxer tel produit plutôt que tel autre ? Où se situe la limite ? Voilà pourquoi je vous mets en garde.

La taxe proposée par le Gouvernement est cohérente et vise à satisfaire l'intérêt général. Ne brouillez pas le message que nous voulons adresser aux Français en élargissant l'assiette de cette taxe alors que, telle que nous la proposons, elle permet de dégager les 210 millions d'euros nécessaires pour compenser la baisse du coût du travail agricole.

Je me permets de donner dès maintenant l'avis du Gouvernement sur certains des prochains sous-amendements. L'un d'eux, tout à fait judicieux, présenté par Mme Edwige Antier, fait valoir que le texte ne prend pas en compte la spécificité des produits de nutrition infantile. L'amendement du Gouvernement en tient compte, satisfaisant ainsi votre sous-amendement n° 219 rectifié , madame la députée.

Le sous-amendement n° 387 rectifié de M. Mancel propose quant à lui un dispositif alternatif très intéressant – encore plus « vertueux » que celui du Gouvernement –, consistant à taxer les boissons à sucres ajoutés en fonction du taux de sucres que contient une cannette. Ce sous-amendement présente un double avantage : d'abord on taxe un produit qu'on consommera par conséquent moins, ensuite on incite les producteurs de ces boissons à fournir un effort pour réduire la teneur en sucres des cannettes. Nous ne pouvons malheureusement adopter un tel dispositif en l'état parce qu'il n'existe aujourd'hui aucune obligation légale pour les producteurs de boissons sucrées d'indiquer la contenance en sucres sur les cannettes. Dépourvus des éléments qui nous permettraient d'asseoir la taxe, nous ne pouvons la voter.

Cela dit, monsieur le député, je serais très favorable à la poursuite du travail avec la commission des affaires sociales pour tâcher de mettre en place un tel barème. Un tel dispositif serait vertueux et avantagerait certains producteurs qui ont fait l'effort de baisser le taux de sucres de leurs boissons – je pense à certaines grandes marques françaises –, dans la mesure où, ainsi, ils seraient moins taxés et bénéficieraient d'une sorte de bonus pour bonne fabrication.

Nous devons donc continuer à travailler sur le sous-amendement Mancel qui ne peut être adopté en l'état et en revanche retenir le sous-amendement Antier. Quant à tous les amendements visant à élargir l'assiette de la taxe, le Gouvernement y est défavorable : une telle mesure courrait un risque d'inconstitutionnalité, et ferait perdre sa cohérence au dispositif que nous souhaitons instaurer. Enfin, j'y insiste, elle brouillerait radicalement le message que nous voulons transmettre aux Français. En outre, il ne serait pas responsable, dans le contexte actuel, de priver le secteur agricole de 50 millions d'euros. Sécurisons la recette, votons une taxe cohérente et surtout, je le répète, donnons aux Français un message clair de prévention et de santé publique.

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