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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 21 octobre 2011 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Après l'article 5, amendement 363

Valérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement :

Je voudrais d'abord rendre un hommage au travail absolument remarquable qui a mené à la loi sur l'ouverture des jeux en ligne, il y a deux ans. Vous avez tenu, monsieur le député, un rôle décisif dans ces débats fructueux.

Je voudrais tirer un court bilan de votre action, car l'ouverture des jeux en ligne a été une formidable réussite. C'est un nouveau secteur économique légal qui s'est développé ; nous avons ainsi moralisé ce qui auparavant, vous le savez, était une jungle. Aujourd'hui, 11,8 milliards d'euros sont misés dans les jeux en ligne : voilà qui montre le dynamisme du marché légal des jeux. Le marché illégal a été très largement asséché, puisque plus de 80 % des joueurs jouent désormais sur des sites légaux, contre 30 % seulement avant la loi. C'est donc une oeuvre de moralisation, monsieur le député, que vous avez rendue possible.

Le Gouvernement, vous l'avez dit, s'était engagé à remettre dans les dix-huit mois suivant l'adoption de la loi un rapport sur l'application de ce texte. Ce rapport, il est là, il est tout chaud ; je vous l'ai apporté en avant-première ! (Sourires.) Je le mettrai à votre disposition dès la fin de la matinée, et je le transmettrai évidemment aux assemblées pour qu'il y soit examiné.

J'en viens à votre amendement.

Je prends bonne note du fait que vous ne souhaitez pas diminuer la fiscalité sur les jeux en ligne. Le Gouvernement ne le souhaite pas non plus ; nous sommes aujourd'hui dans une situation financière difficile, il ne serait donc pas acceptable de faire baisser les prélèvements sur ce secteur.

Ce que vous proposez, c'est de modifier l'assiette de prélèvement public, à un niveau global de fiscalité inchangé.

Le problème, très bien soulevé par M. le rapporteur général, c'est que si le Gouvernement avait choisi de taxer les mises plutôt que le produit brut des jeux, c'est parce qu'il craignait l'évasion fiscale. Le Conseil d'État, que nous avions saisi lors de la préparation de la loi, avait en effet considéré que la taxation du produit brut des jeux s'apparentait à la taxation d'un élément de revenu des opérateurs. Dès lors, le produit brut des jeux était susceptible d'entrer dans le champ des conventions fiscales que la France a signées avec différents États de l'Union européenne, et qui prévoient l'imposition des revenus dans le pays d'établissement, et non dans le pays où le service est rendu.

En taxant le produit brut des jeux et non les mises, nous prenons donc le risque que certains opérateurs, situés fort opportunément hors de France, échappent à l'imposition dans notre pays. Le manque à gagner fiscal qui serait ainsi créé ne serait pas acceptable – je rejoins totalement sur ce point les conclusions du rapporteur général.

Nous sommes donc ouverts à vos propositions, mais nous pensons que le passage à cette nouvelle assiette ne pourrait être réalisé qu'à condition de régler trois problèmes.

D'abord, le niveau de fiscalité doit demeurer le même, et pour cela, il faut préciser clairement le périmètre de ce produit brut des jeux ; cela nécessite, si vous me le permettez, un travail complémentaire approfondi. Par exemple, faut-il exclure les bonus de l'assiette de la taxation ? Selon la réponse, l'assiette, et donc le taux de fiscalité, varient sensiblement.

Ensuite, des avenants aux conventions fiscales en vigueur, préservant la taxation du produit brut des jeux en France, doivent être signés avec les pays où les opérateurs agréés se sont, fort opportunément je le répète, implantés. Il faut donc signer ces avenants, et ensuite réformer l'assiette, plutôt que de faire l'inverse et de risquer une très forte évasion fiscale.

Enfin, ne changer l'assiette que pour les paris en ligne pourrait créer une distorsion avec le secteur « en dur ». Une telle différence dans les modalités d'imposition devrait être justifiée constitutionnellement par des impératifs d'ordre public ou social et préalablement notifiée à la Commission européenne.

Compte tenu des questions qui se posent, le Gouvernement ne peut pas vous donner une réponse positive dès maintenant. En revanche, je souhaiterais vous confier une mission afin d'étudier comment modifier l'assiette sans réduire la fiscalité.

Je vous demande donc de retirer votre amendement et d'accepter un travail supplémentaire sur la moralisation des jeux en ligne, beau sujet que vous défendez depuis deux ans.

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